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Quand il revint dans ses États en 1815, le prince de Hesse prétendit que les paiements, ayant été faits à un gouvernement usurpateur et intrus, étaient nuls et n'avaient pu opérer la libération des débiteurs. Un procès célèbre s'éleva à ce sujet entre l'Électeur et le comte de Hahn, qui avait racheté et payé intégralement au trésor de Westphalie une dette hypothécaire qui grevait ses terres. Le tribunal saisi de la question, ainsi que les universités de Breslau et de Kiel, appelées en consultation l'une en 1824 et l'autre en 1831, furent d'avis que le prince pouvait revendiquer la portion de la dette qui n'avait pas été remboursée au frère de Napoléon, mais qu'il était sans droit aucun à l'égard de l'autre qui avait été régulièrement soldée. Les deux parties ayant refusé d'accepter cet avis, le débat fut soumis en dernière instance à un tribunal supérieur, qui dans une sentence longuement motivée décida que toutes les dettes en faveur de la Hesse Cassel, acquittées contre reçus libellés au nom de l'empereur Napoléon, que le montant en eût été intégralement ou partiellement versé, se trouvaient légalement éteintes, et que le créancier était sans droit pour exiger un second paiement des débiteurs. Les éminents auteurs de cette sentence établirent victorieusement la distinction qui existe entre les actes d'un conquérant transitoire, c'est-à-dire n'exerçant d'autorité qu'en vertu d'une simple occupation militaire, et les actes émanant d'un conquérant dont les titres et les droits ont été sanctionnés à la fois par le droit public interne de l'État et par des traités conclus avec les puissances étrangères. Les premiers juges avaient basé leur décision sur la supposition que la conquête n'était que temporaire; les derniers juges reconnurent qu'il était impossible de considérer le retour de l'Électeur dans ses États et sa restauration sur le trône comme une continuation de son règne. A leurs yeux, et avec toute raison suivant nous, ils refusèrent d'apprécier la justice ou l'injustice de la guerre qui avait entraîné la conquête de la Hesse, et ne voulurent pas non plus attacher d'importance à ce fait que le prince avait emporté et conservé en son pouvoir les titres originaux contenant l'engagement écrit du débiteur *.

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Phillimore, Com., v. III, §§ 568 et seq.; Heffler, §§ 186, 188; Halleck, ch. 33 § 29; Pfeiffer, Das recht, pp. 237 et seq.; Kurfurstlich, Hessischer ; Schweikart, Napoleon, pp. 8 et seq.; Rotteck und Welcker, Staats lexikon, v. Domainenkaufer ; Conversationes lexikon, v. Domainen; Dana, Elem. by Wheaton, note 169; Kock, Hist., t. III, pp. 26, 41, 42.

Reconnais

sance par les

de la souveraineté sur les territoires

conquis.

$ 2184. La souveraineté de fait sur un territoire conquis deautres Etats vient une souveraineté de droit à l'égard des États étrangers, lorsque ces États jugent que cette souveraineté est suffisamment établie, que la frontière nouvelle est respectée, que l'ordre est maintenu à l'intérieur du territoire conquis et que la réunion de ce territoire à l'État conquérant ne parait présenter aucun danger pour la sécurité générale.

La reconnaissance de la conquête s'opère comme celle des États

nouveaux *.

Funck Brentano et Sorel, Précis, p. 341.

TROISIÈME PARTIE

ETAT DE NEUTRALITÉ

LIVRE PREMIER

DÉFINITION ET APERÇU HISTORIQUE DE LA NEUTRALITÉ

S2185. Il n'existait anciennement dans le droit international aucune notion de l'état de neutralité. La langue grecque, pas plus que la latine, n'avait même aucun mot pour en exprimer directement l'idée. Les peuples de l'antiquité se disaient amis ou ennemis, et ne concevaient pas qu'une nation dont les États limitrophes étaient en guerre pût elle-même conserver les bienfaits de la paix.

S2186. Faute d'un mot propre dans la langue dans laquelle il écrivait, Grotius fut réduit à qualifier les neutres de medii, et à donner pour titre à son chapitre sur leurs droits: De his qui in bello sunt medii. Quoique cette expression n'offre point la précision désirable, elle marque cependant un premier progrès; elle ouvrit la voie à Bynkershock, qui dit : « Non hostes appello qui neutrarum partium sunt, nec ex fœdere his illisve quidquam debent; si quid debeant, fœderati sunt, non simpliciter amici. (J'appelle non ennemis ceux qui ne sont ni de l'un ni de l'autre parti et ne doivent rien en vertu d'une alliance à celui-ci ou à celui-là; s'ils doivent quelque chose, ils sont alliés et non simplement amis.)

Si cette définition n'est pas encore parfaite, puisqu'elle n'exprime pas assez clairement la chose ou le fait qu'elle se propose de rendre saisissable, du moins a-t-elle l'avantage d'être beaucoup plus étendue que celle de Grotius et d'établir un rapport précis

Définition.

Grotius.

Gessner.

Galiani.

Martens.

Hautefeuille.

entre l'état de guerre et celui de neutralité. Le développement de la pensée concrète qu'elle énonce a conduit le même auteur, dans son livre des Questions de droit public, à intituler le chapitre IX: De belli statu inter non hostes (De l'état de guerre entre les non ennemis).

Depuis la fin du XVIIe siècle, il n'est pas un seul publiciste qui ne se soit efforcé consciencieusement de donner une définition de la neutralité. Quels que soient les termes dont les uns et les autres se sont servis, tous sont d'accord pour poser la non-participation à la guerre comme condition essentielle de la neutralité. Les seules différences sensibles qu'on observe dans leurs diverses définitions consistent en ce que ceux-ci la basent en outre sur une complète impartialité à l'égard des belligérants, tandis que ceux-là semblent par leur silence à cet égard n'en point faire une condition absolue, et que d'autres admettent certaines réserves concernant les relations et les engagements existant entre les nations avant la guerre. S 2187. Telle est notamment l'opinion de Gessner, qui appelle neutre l'État qui ne prend aucune part à la guerre et s'abstient de tout ce qui pourrait tourner à l'avantage de l'une des parties belligérantes; mais cette abstention, ajoute-t-il, n'exclut pas la continuation des relations amicales ou commerciales antérieures.

S2188. C'est dans cet ordre d'idées que déjà Galiani avait défini la neutralité « la position d'un prince qui, se trouvant en état de paix, d'amitié ou d'alliance avec d'autres souverains qui étaient en paix entre eux, continue à rester dans le même état à leur égard, quoiqu'une rupture soit survenue ou que la guerre ait éclaté entre

eux. >>>

S2189. Martens exprime la même pensée avec plus de détail: « A moins, dit-il, qu'un État ne soit tenu de prendre part à la guerre entre deux puissances en vertu du lien particulier qui l'unità l'une d'entre elles, soit en qualité de membre d'un système d'États confédérés ou d'un État composé qui entre en guerre, soit pour avoir contracté avec elle une alliance égale ou inégale, il est parfaitement en droit de continuer ses relations amicales envers chacune des deux puissances belligérantes, c'est-à-dire de rester neutre. » Ce n'est point à proprement parler une définition expresse que Martens donne ici de la neutralité; mais cette définition se déduit logiquement de la situation qu'il décrit.

$ 2190. Pour Hautefeuille également la continuation des bonnes

relations avec les belligérants n'altère pas la neutralité; en effet il appelle neutre la nation qui, faisant usage de sa liberté naturelle, de son indépendance, reste en paix lorsque d'autres nations se font la guerre, qui continue à entretenir avec les deux parties belligérantes les relations d'amitié, de commerce, ou simplement de socialité, d'humanité, existant avant l'ouverture des hostilités. »

$2191. A d'autres publicistes, au contraire, cette «< indifférente abstention», dont Pradier-Fodéré fait le synonyme de la neutralité, ne suffit pas; ils veulent, comme Vattel, que les peuples neutres non seulement ne prennent aucune part à la guerre, mais encore, « demeurant amis communs des deux parties, ne favorisent point les armes de l'une au préjudice de l'autre ». Wheaton et Halleck se sont bornés à traduire cette définition de Vattel, qui ne nous parait ni aussi complète ni aussi précise que celle de Hubner. « La neutralité, dit ce dernier auteur, consiste dans une inaction entière relativement à la guerre, et dans une impartialité exacte et parfaite manifestée par des faits à l'égard des belligérants, en tant que cette impartialité a rapport à cette guerre et aux moyens directs et immédiats de la faire. » A nos yeux, cette définition a l'avantage de déterminer non seulement la situation des nations qui restent en dehors de la lutte, mais encore l'étendue de l'action que l'état de guerre exerce sur elles.

Pradier-
Fodéré.

Vattel.

Wheaton.

Halleck.

Hubner.

$ 2192. Phillimore fait consister la neutralité dans la réunion de Phillimore. deux circonstances principales: 1° abstention entière de participation à la guerre, et 2° conduite impartiale envers l'un et l'autre belligérant.

2193. Selon Garden l'impartialité est le caractère essentiel de la neutralité.

$ 2194. Fiore n'accorde le titre de neutre qu'à la nation qui, outre qu'elle ne prend pas part à la guerre, « conserve sa parfaite impartialité par rapport aux parties belligérantes ».

2195.« On appelle neutre, dit Klüber, celui qui dans une guerre ne prête assistance à aucune des puissances belligérantes. La neutralité est la condition qui en résulte pour lui par rapport à ces puissances.

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2196. Après avoir déclaré qu'à ses yeux la plus juste et la plus claire de toutes les définitions données par les publicistes est celle d'Azuni, qui considère la neutralité comme la « continuation exacte de l'état pacifique d'une puissance qui, lorsqu'il s'allume une guerre

Garden.

Fiore.

Klüber.

Massé.

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