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se tenir hors de portée du canon et envoyer une chaloupe au bâtiment convoyeur pour procéder de commun accord à l'examen des papiers et des certificats constatant que l'un est autorisé à escorter tels et tels navires avec tel ou tel chargement du port A au port B, et que l'autre appartient réellement à la marine royale ou impériale de la nation dont il porte le pavillon.

4° Une fois la régularité des papiers reconnue, tout soupçon légitime sera considéré comme dissipé. Dans le cas contraire le chef du convoi, après y avoir été invité en due forme par le belligérant, devra mettre en panne et s'arrêter le temps nécessaire pour que le navire de guerre belligérant puisse opérer la visite des navires composant le convoi.

5o Si après l'examen des documents le capitaine du bâtiment de guerre croit avoir de justes raisons de retenir un ou plusieurs des navires convoyés, il sera libre de le faire en remettant préalablement le capitaine et l'équipage au chef de l'escorte, lequel, à son tour, aura le droit de placer à bord des navires séquestrés un de ses officiers pour suivre la procédure d'enquête qu'il y aura lieu d'instruire. Le navire capturé sera alors conduit sans délai au port de la nation belligérante le plus proche et le plus convenable pour y être soumis à une enquête régulière.

Un dernier article, le 5o, défend au chef du convoi de s'opposer par la force à l'accomplissement des actes prescrits par le commandant du navire belligérant.

Diverses stipulations accessoires de ce traité consacrent des garanties nouvelles en faveur des neutres; elles disposent notamment qu'en cas de détention mal fondée ou d'infraction aux lois établies une indemnité convenable sera due aux propriétaires du navire et du chargement en raison des préjudices qu'ils auront éprouvés.

Afin d'obvier à l'emploi abusif de pavillons tiers, l'article 7 établit que pour qu'un navire puisse être considéré comme appartenant légitimement à la nation dont il arbore les couleurs il faudra que le capitaine et la moitié de l'équipage soient sujets de la même nation.

Enfin l'article 8 déclare applicables à toutes les guerres maritimes entreprises par les parties contractantes les principes de ce traité, auquel le Danemark et la Suède adhérèrent, l'un le 23 octobre 1801 (1) et l'autre le 30 mars 1802 (2).

(1) Herstlet, v. I, p. 204; Martens, 1re édit., Suppl., t. III, p. 193; 2o édit., t. VII, p. 273.

(2) Martens, 1re édit., Suppl., t. III, p. 196; 2o édit., t. VII, p. 276.

de la

convention

anglo-russe.

§ 2217. Comme on le voit par cette analyse, le traité anglo-russe Appréciation avait pour but de concilier au moyen de formules générales les règles établies par les deux neutralités armées de 1780 et de 1800 avec les principes traditionnels du droit maritime de la Grande-Bretagne. Sous ce point de vue, il faut bien le reconnaître, cet arrangement n'était qu'une transaction entre deux éléments opposés; toutefois il eut pour résultat final l'abandon partiel de la politique violente du cabinet de Londres. En effet les nations du Nord consentirent bien à atténuer en fait la rigueur de la doctrine que le navire libre couvre le chargement qu'il conduit, et à se soumettre au droit de visite, qu'elles avaient jusque là repoussé; mais elles obtinrent en même temps la reconnaissance des principes de la neutralité armée par rapport aux blocus effectifs et au commerce avec les colonies et les côtes de l'ennemi.

Pour se convaincre que telle fut la signification réelle du traité de Saint Pétersbourg il suffit de se reporter aux débats qui eurent lieu à la chambre des Lords, dans la séance du 12 novembre 1801. Lord Grenville prit le premier la parole et déclara que ce qu'on venait de stipuler était en contradiction manifeste avec la conduite antérieure des ministres de Sa Majesté Britannique, et que les prétentions exagérées des puissances de la Baltique avaient été singulièrement favorisées par la politique faible et vacillante de l'Angleterre pendant les dernières années de la guerre soutenue contre les États-Unis. Suivant le même orateur, on s'était placé sur une pente où il avait été impossible de s'arrêter, et l'on avait graduellement parcouru le chemin qu'on n'avait pas osé aborder un an auparavant, alors que les autres puissances semblaient, de leur côté, descendre peu à peu des hauteurs où elles s'étaient maintenues relativement à cette question et s'exposer, en suivant le gouvernement russe à la remorque, à en venir de concession en concession au rétablissement de l'ancien droit maritime et à la négation de conquêtes si laborieusement réalisées par les neutres pendant les vingt-cinq dernières années.

1807. Annulation

$ 2218. En fin de compte le traité du 17 juin 1801 (1) ne satisfit aucun des contractants : l'Angleterre, parce qu'il gênait sa politique; les neutres, parce qu'il restreignait leurs droits; aussi anglo-russe.

(1) Herstlet, v. I, p. 208; Martens, 1re édit., Suppl., t. II, p. 476; 2e édit., t. VII, 260.

de la convention

Jurisprudence des

Etats-Unis questions de

sur les

neutralité.

Traité

de commerce

conclu entre et la France

les Etats-Unis

en 1778.

Circonstances

la Russie le dénonça-t-elle dans le cours de l'année 1807, en proclamant de nouveau les principes qui formaient la base de la neutralité armée de 1801 et en prenant l'engagement d'y demeurer invariablement fidèle à l'avenir. Ainsi affranchi de ses engagements conventionnels, le gouvernement anglais remit en vigueur ses anciennes doctrines non seulement contre la Russie, mais encore contre toutes les autres puissances neutres.

Un fait digne de remarque, c'est qu'aucun des traités de paix ou de commerce que l'Angleterre a conclus depuis lors, soit avec la Suède, soit avec le Danemark, ne renferme la moindre stipulation concernant les principes de droit maritime dans l'intérêt des neutres qui ont pendant si longtemps éveillé l'attention de l'Europe *.

S2219. Les statuts des États-Unis sur la neutralité sont la conséquence naturelle des efforts que fit le cabinet de Washington pour maintenir dans leur intégralité les droits de la république naissante au milieu des grandes guerres et des difficultés de toute sorte suscitées par la Révolution française.

$ 2220. Le premier traité de commerce que les États-Unis conclurent en 1778 (1) avec la France servit sans doute à consolider leur indépendance; mais il souleva en même temps de graves complications. Ce traité portait en effet que les navires de guerre et les corsaires français pourraient librement entrer dans les ports de la république et y amener leurs prises sans aucune restriction, tandis que, sauf les cas de relâche forcée, la même faveur devait être refusée à tous les navires ennemis de la France sans distinction de classe. Une si choquante inégalité au profit d'un seul des belligérants ne pouvait manquer de compromettre sérieusement la neutralité de la puissance qui l'avait consentie.

S 2221. Deux événements particuliers vinrent encore aggraver aggravantes. la position déjà si difficile du gouvernement américain, savoir: la capture du navire anglais le George par la frégate française l'Embuscade dans la baie de Delaware en violation flagrante du territoire juridictionnel des États-Unis, et la prétention du représentant

Ortolan, Règles, t. II, pp. 153-156; Cauchy, t. II, pp. 339 et seq.; Gessner, pp. 4446; Wheaton, Élėm., pte. 4, ch. 3, § 23; Klüber, Droit, §§ 307 et seq.; Martens, Précis, § 326; Cussy, Phases, t. II, pp. 203 et seq.; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 355; Manning, pp. 274 et seq.

(1) Elliot, v. I, p. 34; Martens, 1re édit., t. I, p. 685; 2e édit., t. II, p. 587; State papers, v. V, p. 6.

de la République Française d'armer des corsaires dans les ports

de l'Union.

de

$ 2222. Cette double atteinte aux lois de la neutralité provoqua Proclamation les plus énergiques réclamations de la part de l'Angleterre. Le Washington. président Washington ne vit d'autre moyen de les calmer que de publier le 22 avril 1793 (1) une proclamation qui, traçant les règles générales de la neutralité des États-Unis en présence de la guerre qui ensanglantait le continent européen, invitait les citoyens de la jeune république, pour se soustraire à de justes châtiments, à observer une conduite impartiale et amicale envers tous les belligérants.

L'esprit et les tendances de cette proclamation furent vivement combattus par le cabinet français, qui tenait fortement à entraîner dans la lutte le gouvernement américain, lequel, de son côté, rẻsistait avec peine aux sentiments que lui inspiraient les services rendus par la France aux États-Unis lors de la guerre de l'indépendance et la communauté d'idées politiques.

$ 2223. Les difficultés devinrent bien autrement sérieuses, lorsque les corsaires armés sous les auspices de l'agent français à Washington amenèrent dans les ports des États-Unis de nombreuses prises anglaises, qu'on eut la prétention de faire juger par des tribunaux américains organisés ad hoc. Comme il était facile de s'y attendre, le ministre d'Angleterre aux États-Unis protesta contre de tels procédés; le représentant de la France, pour en justifier la régularité, invoqua le texte du traité de commerce conclu en 1778 (2). Mis en demeure de trancher la question, le gouvernement de Washington soutint tout d'abord - ce qui n'était pas contestable son droit exclusif de juridiction dans les limites de son territoire; mais à cet argument l'agent français répondit en faisant valoir que les marins qui montaient ces corsaires, étant citoyens des États-Unis, avaient le droit d'entrer au service d'une nation étrangère; que les faits à eux imputables avaient été accomplis en mer; qu'enfin aucun texte de loi ne défendait même à des citoyens français de préparer sur le territoire nord-américain des actes hostiles, pourvu qu'ils ne fussent pas empreints d'un caractère marqué de violence. Le gouvernement des États-Unis repoussa cette étrange doctrine et démontra sans peine qu'en pa

(1) Martens, 1re édit., t. V, p. 234; 2e édit., t. V, p. 556.

(2) Elliot, v. I, p. 31; Martens, 1re édit., t. I, p. 685; 2° édit., t. II, p. 587; State papers, v. V, p. 6.

Nouvelles

complica

tions.

1793. Lettre de Jefferson.

Nouvelles plaintes de

reille matière il est de toute nécessité de distinguer entre les opérations purement commerciales qui ont en tout temps un caractère licite, et celles relatives à la guerre, telles que l'approvisionnement d'armes et de munitions, l'équipement de navires ou l'enrôlement de troupes ou d'officiers, lesquelles peuvent porter atteinte à la neutralité.

S2224. C'est à la suite des débats soulevés par cette affaire que le président Jefferson publia sa célèbre lettre du 25 mai 1795, condamnant comme illégaux les armements en course contre les parties belligérantes faits sur un territoire neutre, et déclarant que dorénavant ils ne seraient plus tolérés aux États-Unis. Quant à la fabrication, à la vente et à l'exportation d'armes, il y était dit qu'elles découlaient de l'exercice d'un droit incontestable, dont la répression ne pouvait s'opérer qu'au moyen de la capture et de la confiscation, auxquelles s'exposaient ceux qui se livraient à ce trafic, s'ils venaient à tomber entre les mains des belligérants.

§ 2225. Cette doctrine, conforme à celle qui a invariablement l'Angleterre. prévalu depuis lors et jusqu'à nos jours tant aux États-Unis qu'en Angleterre, se traduisit bientôt par des faits. Une prise opérée par un corsaire français ayant fait relâche à Philadelphie, l'ageut britannique à Washington réclama à titre général la restitution de toutes les prises anglaises qui se trouvaient dans le territoire juridictionnel de l'Union. Sous le coup de menaces peu dissimulées, le cabinet de Washington comprit enfin que le temps des hésitations était passé, qu'en face de prétentions également exagérées de part et d'autre il fallait prendre une résolution qui coupât court à tout débat ultérieur. Le 5 juin 1793 il notifia donc aux ministres de France et d'Angleterre :

1° Que le gouvernement fédéral interdisait l'armement en course dans les ports de l'Union, et qu'il avait donné les ordres nécessaires pour le départ immédiat de tous les corsaires qui pourraient encore s'y trouver;

2° Que quant aux prises faites antérieurement à cette notification, elles ne seraient point restituées, attendu qu'elles avaient été opérées dans des mers lointaines et libres au commencement de la guerre, alors que les capteurs ignoraient les dispositions qui régissent la matière.

L'agent français ayant, au mépris de cette déclaration et malgré sa parole engagée envers M. Jefferson, armé un corsaire sous le nom de Petit Démocrate, les États-Unis provoquèrent son rappel

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