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Angleterre furent soupçonnés de vouloir armer une expédition navale pour aller soutenir la cause de Dona Maria. Le gouvernement anglais prévint le ministre du Brésil à Londres qu'un pareil dessein ne pourrait être mis à exécution dans les ports anglais, et sans plus attendre il enjoignit à tout Portugais suspect de quitter l'Angleterre. L'envoyé brésilien exposa que l'intention de son gouvernement était seulement de transporter au Brésil des sujets portugais ou brésiliens non armés sur des navires marchands également non armés. Bientôt en effet quatre navires non armés en guerre partirent de Plymouth, emmenant environ 700 hommes dépourvus d'armes et de munitions de guerre, sous la direction du comte de Saldanha. Alors le gouvernement anglais, se doutant que leur destination était l'ile de Terceire (une des Açores restée fidèle à la reine Dona Maria), dépêcha dans ces parages des forces navales chargées d'intercepter ces navires et d'empêcher le débarquement des Portugais. Le capitaine Walpole, qui commandait les forces anglaises, les ayant rencontrés à la hauteur de Port Praya, les semonça d'abord en tirant seulement à poudre; puis, comme ils continuaient leur marche, il fit tirer sur eux un boulet, qui tua un homme et en blessa un autre. Enfin les expéditionnaires furent obligés de rebrousser chemin pour se réfugier en France, d'où ils parvinrent plus tard à gagner la ville d'Oporto.

Débats parlementaires

de l'ile de

Terceire.

S 2249. L'acte de violence qui avait mis obstacle au débarquement à Terceire de l'expédition du comte de Saldanha souleva un sur l'incident débat animé au sein du parlement britannique. Le ministère anglais repoussa l'attaque dont il fut l'objet à cet égard, en faisant valoir que l'expédition des Açores avait été organisée sur le sol britannique, qu'elle avait un caractère essentiellement militaire, bien que préparée sous le prétexte frauduleux qu'elle avait le Brésil pour destination; que dans cet état de choses la Grande-Bretagne était légalement obligée, comme puissance neutre, d'empêcher à tout prix le débarquement des individus qui la composaient même dans des ports restés fidèles à la reine. L'opposition, de son côté, soutint qu'on avait violé l'indépendance du Portugal et les règles du droit des gens en exerçant des actes de juridiction et de prépotence en pleine mer. Cependant en dernière analyse les faits accomplis furent ratifiés par un vote favorable au ministère anglais *.

* Phillimore, Com., v. III, pp. 229 et seq.; Dana, Elem. by Wheaton, note 215; Annual Register, v. LXXI, p. 186; Hansard, Parl. debates, v. XXIII, 138-181; v. XXIV, pp. 126-214.

1854-1872. TROISIEME PÉRIODE. Guerre d'Orient.

1854.

Efforts tentés par Drouyn de

veur d'un ac

$2250. C'est à la guerre d'Orient qu'il faut remonter pour con

stater dans les principes de la neutralité un progrès réel et sérieux, correspondant à ceux réalisés dans les autres branches du droit international moderne.

Au moment où leurs forces de terre et de mer allaient combattre côte à côte unies par les liens d'une étroite alliance, l'Angleterre et la France sentirent que leur action combinée perdrait une grande partie de son efficacité, si elle n'était précédée d'une entente parfaite sur les principes qui devaient guider la conduite des généraux et des officiers de marine à l'égard des neutres.

Or, comme on a pu le voir par les précédents historiques rapportés plus haut, cette entente n'était pas facile à établir, tant étaient divergentes et contradictoires les règles de droit maritime appliquées jusqu'alors par ces deux grandes puissances, l'une s'attachant de préférence à la nationalité de la marchandise, l'autre à celle du pavillon chargé des transports.

$ 2251. Dès les premiers jours de janvier 1854 le ministre des M. affaires étrangères de France, M. Drouyn de Lhuys, prenant l'iniLhuys en fa- tiative, signalait à l'ambassadeur de Sa Majesté Britannique à Paris cord entre les la nécessité de témoigner publiquement de l'accord qui régnait ments d'An- entre les deux gouvernements sur tout ce qui touchait aux intérêts France. des États neutres. « Pour atteindre ce résultat il est indispensable,

gouverne

gleterre et de

disait-il, que de part et d'autre on fasse l'abandon de principes et de solutions absolus ; qu'on renonce à ce que chacune des deux nations a jusqu'ici perpétué plutôt à titre de tradition que par conviction dans la justice rigoureuse de ses droits. Il nous faut donc trouver une formule qui, tout en laissant chaque allié maître souverain de ses théories particulières, puisse dans le présent conduire à une pratique commune; or le seul moyen d'arriver à la conciliation, tout au moins pendant la guerre actuelle, serait de renoncer réciproquement à toute discussion contradictoire et exclusive quant au passé et de ne rechercher qu'une transaction favorable aux neutres. » Sous ce rapport une grave considération s'imposait aux deux cabinets de Paris et de Londres : c'est que, tout en s'engageant dans une guerre toute politique contre la Russie, on ne pouvait oublier que c'était cette puissance qui avait pris l'initiative des célèbres neutralités armées de 1780 et de 1800, dont les États-Unis n'avaient pas cessé de professer les doctrines. Ne pas tenir compte de cette situation et vouloir se renfermer encore dans les errements des anciennes pratiques, c'était s'exposer

à forger des armes puissantes pour l'usage de l'ennemi commun. La notification officielle de la neutralité du Danemark et de la Suède vint heureusement en aide à M. Drouyn de Lhuys pour faire prévaloir le libéralisme et la profondeur de ses vues. Après avoir habilement fait sonder le terrain à Londres par le comte Walewski, il communiqua au gouvernement anglais le 12 janvier une copie de la note qu'il se proposait d'adresser à Copenhague et à Stockholm; il fit observer en même temps que quand bien même le gouvernement anglais ne serait point disposé à renoncer à ses principes surannés au sujet des questions maritimes, rien ne l'empêchait du moins, dans la pratique et en vue de circonstances toutes nouvelles, de mettre sa manière d'agir en harmonie avec celle de la France, de façon à tranquilliser les nations neutres.

A la suite de ces pourparlers, empreints d'un remarquable esprit de conciliation, le gouvernement anglais ne put méconnaître qu'il lui serait impossible de faire prévaloir ses anciennes exigences; et, comme preuve de son bon vouloir, il proposa : 1° qu'on adoptât la règle que le pavillon couvre la marchandise ennemie; 2° que les alliés ne délivreraient pas de lettres de marque et qu'on poursuivrait comme pirates ceux qui en accepteraient; 3° que l'exercice du droit de visite en pleine mer aurait pour but unique de s'assurer de la nationalité du navire et de la présence à bord soit de la contrebande de guerre, soit de correspondances destinées à l'ennemi. Ces offres constituaient une première concession en faveur du pavillon neutre; mais les réserves relatives au droit de visite, par le vague même des termes dans lesquels elles étaient conçues, laissaient la porte ouverte à tous les abus qu'on était en droit de reprocher d'ancienne date aux croiseurs anglais.

Sans insister autrement sur ce point particulier, le cabinet de Paris fit ressortir dans une note datée du 20 mars que pour arriver à une déclaration commune, il fallait moins s'attacher à proclamer les principes généraux qu'à bien préciser les règles que les alliés entendaient mettre en pratique. « Or, disait cette note, si chacun tient à exprimer à son point de vue particulier les réserves de doctrines qu'il entend faire, on en arrivera forcément non à une transaction dont on reconnaît la nécessité et la convenance, mais à deux déclarations différentes dans la forme, quoique identiques quant au fond. Il est évident en effet que ni la France ni l'Angleterre ne peuvent déclarer qu'elles renoncent à une maxime

qu'elles n'ont jamais reconnue, ou qu'elles se réservent l'application d'un principe qu'elles ont toujours combattu. »

<«< D'un autre côté, ajoutait la note, la France est dans une position délicate et en quelque sorte liée par les antécédents de son droit maritime autant que par des stipulations conventionnelles et par des maximes économiques que l'Angleterre a pu depuis longtemps abandonner. Ainsi affranchir de toute capture la marchandise neutre chargée sous pavillon ennemi, n'est-ce pas favoriser les abus, les simulations de propriété, encourager les fraudes de toute espèce?

«La France, après avoir si énergiquement soutenu les réclamations des neutres au sujet du commerce des colonies et de la navigation de cabotage, ne saurait non plus se rallier aujourd'hui à l'interdiction de ce double trafic, qu'elle a expressément reconnu comme licite dans divers traités qu'elle a conclus avec les jeunes Républiques de l'Amérique du Sud.»

Enfin, dans une dernière note datée du 27 mars le gouvernement français fit valoir la considération toute politique que si de l'ensemble on descendait aux détails, on reconnaîtrait qu'avec le système de deux déclarations séparées rédigées à des points de vue différents, les inconvénients et les dangers, loin de diminuer, s'accroîtraient forcément, puisque les neutres seraient alternativement placés entre des opérations permises ou défendues suivant que l'intérêt de l'un ou de l'autre allié s'y trouverait engagé, et accentueraient davantage encore leurs sympathies ou leurs préférences pour le système qui semblerait s'être identifié avec leur propre cause. Il était donc de beaucoup préférable de rechercher et de combiner une rédaction commune qui, limitant exactement la ligne de conduite à suivre de part et d'autre, tranquillisât les neutres sur l'attitude des marines alliées et prévint le retour des fàcheux conflits du temps passé. « Écarter ce qui peut nous unir, ce qui peut rendre plus efficace par une entente sérieuse et complète l'action combinée de nos forces navales, disait en terminant M. Drouyn de Lhuys, c'est compromettre de gaité de cœur l'unité des opérations militaires et rechercher des satisfactions d'amourpropre qui ne doivent pas être mises en jeu dans des questions aussi délicates. >>

Malgré la haute valeur des considérations développées par le ministre français, le cabinet de Londres eut de la peine à se rallier au système d'une déclaration identique ; il ne fallut rien de moins

que la conviction des dangers pratiques d'un plus long désaccord de vues pour l'amener enfin à cesser toute résistance.

Déclaration commune sur

$2252. Le résultat de l'entente si laborieusement établie entre ces deux alliés fut promulgué en ces termes dans le Moniteur uni- les principes versel du 30 mars 1854:

RAPPORT adressé à l'Empereur le 29 mars 1854 par le Ministre des affaires étrangères.

<< Sire,

« A une époque où les relations maritimes et les intérêts commerciaux occupent une si large place dans l'existence des peuples, il est du devoir d'une nation qui se trouve contrainte à faire la guerre de prendre les mesures nécessaires pour en adoucir autant que possible les effets, en laissant au commerce des peuples neutres toutes les facilités compatibles avec cet état d'hostilité, auquel ils cherchent à demeurer étrangers.

<«< Mais il ne suffit pas que les belligérants aient la pensée intime de respecter toujours les droits des neutres; ils doivent de plus s'efforcer de calmer par avance les inquiétudes que le commerce est toujours si prompt à concevoir, en ne laissant planer aucun doute sur les principes qu'ils entendent appliquer.

« Un réglement sur les devoirs des neutres pourrait paraître une sorte d'atteinte à la souveraineté des peuples qui veulent garder la neutralité; une déclaration spontanée des principes auxquels un belligérant promet de conformer sa conduite serait au contraire le témoignage le plus formel qu'il puisse donner de son respect pour les droits des autres nations.

« C'est dans cette pensée qu'après m'être concerté avec le gouvernement de Sa Majesté Britannique, j'ai l'honneur de soumettre à la haute approbation de Votre Majesté la déclaration suivante. « Je suis avec respect, etc.

<< DROUYN DE Lhuys. »

Voici le document auquel se réfère le rapport précédent : « Sa Majesté l'Empereur des Français, ayant été forcée de prendre les armes pour soutenir un allié, désire rendre la guerre aussi peu onéreuse que possible aux puissances avec lesquelles elle demeure en paix.

<«< Afin de garantir le commerce des neutres de toute entrave

de droit maritime obser

vés pendant

la guerre d'Orient.

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