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inutile, Sa Majesté consent pour le présent à renoncer à une partie des droits qui lui appartiennent comme puissance belligérante en vertu du droit des gens.

<<< Il est impossible à Sa Majesté de renoncer à l'exercice de son droit de saisir les articles de contrebande de guerre et d'empêcher les neutres de transporter les dépêches de l'ennemi. Elle doit aussi maintenir intact son droit, comme puissance belligérante, d'empêcher les neutres de violer tout blocus effectif qui serait mis à l'aide d'une force suffisante devant les forts, les rades ou les côtes de l'ennemi.

<< Mais les vaisseaux de Sa Majesté ne saisiront pas la propriété de l'ennemi chargée à bord d'un bâtiment neutre, à moins que cette propriété ne soit contrebande de guerre.

« Sa Majesté ne compte pas revendiquer le droit de confisquer la propriété des neutres autre que la contrebande de guerre trouvée à bord des bâtiments ennemis.

«Sa Majesté déclare en outre que, mue par le désir de diminuer autant que possible les maux de la guerre et d'en restreindre les opérations aux forces régulièrement organisées de l'État, Elle n'a pas pour le moment l'intention de délivrer des lettres de marque pour autoriser les armements en course. >>

A la même date du 30 mars la Gazette de Londres publiait une déclaration identiquement semblable du ministère britannique, et le 19 avril suivant le gouvernement russe proclamait dans la Gazette officielle de Saint Pétersbourg qu'il appliquerait les mêmes règles de droit maritime que les alliés.

Comme résumé des considérations de divers ordres qui, lors de la guerre d'Orient, amenèrent la France et l'Angleterre à se départir mutuellement de ce qu'il y avait d'excessif dans les principes qui constituaient en quelque sorte leur tradition historique à l'égard des neutres, il ne sera pas sans intérêt de reproduire ici le texte de la circulaire du 30 mars 1854, par laquelle M. Drouyn de Lhuys notifia aux agents français à l'étranger la déclaration du 29 du même mois :

« Monsieur, le Moniteur de ce jour publie la déclaration du gouvernement français au sujet des neutres, ainsi que le rapport que j'ai présenté à l'Empereur en le soumettant à sa haute approbation. « Vous trouverez ci-joint copie de ces deux documents.

« Le gouvernement anglais a promulgué, de son côté, la même déclaration:

<< Au moment où les deux États prennent les armes pour la défense commune d'un allié, ils ne pouvaient donner une preuve plus éclatante de la parfaite conformité de leurs sentiments et de l'esprit de solidarité qui les unit qu'en adoptant les mêmes résolutions dans une matière sur laquelle jusqu'ici leurs principes avaient été si différents.

« Pénétré de cette sollicitude que la France a toujours témoignée pour les neutres, le gouvernement de l'Empereur s'était dès longtemps préoccupé des questions graves que la neutralité soulève, pour en préparer la solution dans le sens le plus favorable aux intérêts des peuples avec lesquels il demeure en paix. Je m'empresse de reconnaitre qu'il a trouvé le gouvernement de Sa Majesté Britannique animé des mêmes désirs et déjà pénétré de la pensée de laisser les neutres en possession de tous les avantages que les nécessités indispensables de la guerre ne feraient point un devoir absolu de restreindre.

« C'est cette communauté de vues qui a dicté la déclaration adoptée par les deux gouvernements; et, je n'hésite pas à le dire, jamais un document de cette nature n'a été conçu dans des termes aussi favorables.

L'intention de ne point délivrer de lettres de marque y est officiellement annoncée.

La nécessité du blocus effectif est admise.

« Le pavillon neutre couvrira la marchandise, et pourtant la marchandise neutre restera libre sous pavillon ennemi.

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Tels sont les avantages qui vont être assurés au commerce pendant la guerre; et même lorsqu'elle sera terminée cette déclaration commune demeurera comme un précédent considérable acquis à l'histoire de la neutralité.

Mais si l'union intime de la France et de l'Angleterre a permis de consacrer un système aussi avantageux pour les nations neutres, il doit en résulter pour celles-ci une obligation plus stricte de respecter d'une manière complète les droits des belligérants. Nous avons donc raison d'espérer que les gouvernements neutres non seulement ne feront aucun acte qui puisse présenter un caractère hostile, mais qu'ils s'empresseront de prendre toutes les mesures nécessaires pour que leurs sujets s'abstiennent de toute entreprise contraire aux devoirs d'une rigoureuse neutralité.

« Signé DROUYN DE LHUYS. »

Note suédoise.

Tous les gouvernements neutres, auxquels la France et l'Angleterre communiquèrent par des notes identiques la déclaration du 29 mars, rendirent hommage à la politique libérale inaugurée par les alliés, ainsi qu'au sacrifice que tous les deux avaient fait d'une partie de leurs anciens errements pour arriver à une entente si éminemment désirable dans l'intérêt du commerce de bonne foi; elles furent unanimes à promettre le concours moral qui leur était demandé pour prévenir les fraudes et les abus. Les neutres comprirent en effet que cet accord, si nouveau entre les deux grandes puissances maritimes, les plaçant à l'abri des violences de la guerre, ils n'avaient plus à craindre d'être entraînés dans la querelle d'autrui, et qu'ils demeuraient libres de poursuivre en paix, au milieu de combats auxquels ils restaient étrangers, leur commerce accoutumé, pourvu qu'aucune fraude n'appelât sur eux la sévérité des belligérants.

Parmi les notes diplomatiques les plus remarquables qui furent adressées à ce sujet aux cabinets de Londres et de Paris, on peut citer celle de la Suède datée du 8 avril 1854, celle du Danemark du 20 du même mois, celle du Hanovre du 5 mai, et enfin celle de l'Auriche du 23 du même mois.

$ 2253. Voici la teneur de la note suédoise:

« Le système que Sa Majesté le roi de Suède et de Norvége entend suivre et adopter d'une manière constante est celui d'une stricte neutralité, fondé sur la bonne foi, l'impartialité et un respect égal des droits de toutes les puissances. Cette neutralité, conformément aux vues identiques des deux cours, imposerait au gouvernement de Sa Majesté le roi de Suède et de Norvége les obligations suivantes et lui assurerait les avantages suivants :

« 1° S'abstenir pendant le conflit qui peut survenir de toute participation directe ou indirecte, en faveur de l'une des parties contendantes au détriment de l'autre ;

« 2o Admettre dans les ports de la Suède et de la Norvége les navires de guerre et de commerce des parties belligérantes, le gouvernement se réservant toujours le pouvoir de refuser aux premiers l'entrée dans les ports fortifiés suivants, savoir: celui de Stockholm, à portée de la forteresse de Waxholm; celui de Christiania, à portée du port de Kaholm; le bassin intérieur de la station militaire norvégienne à Horten; les ports de Carlsten et de Calscrona, à portée des fortifications; et le port de Slito, dans l'île de Gottland, à portée des batteries dressées à Encholm ;

« Les réglements sanitaires et de police que les circonstances ont rendus ou peuvent rendre nécessaires doivent naturellement être observés et respectés. Les corsaires ne seront pas admis dans les ports, ni tolérés dans les rades des États de Sa Majesté le roi de Suède et de Norvége;

« 3° Accorder aux navires des puissances belligérantes la facilité de se procurer dans les ports des royaumes unis toutes les provisions et les fournitures dont ils pourront avoir besoin, à l'exception des articles considérés comme contrebande de guerre;

« 4° Exclure des ports de Suède et de Norvége, excepté en cas de détresse prouvée, l'entrée, la condamnation et la vente de toutes les prises;

« Enfin 5° jouir dans les relations commerciales des royaumes unis avec les pays en guerre de toute sécurité et de toutes facilités pour les navires suédois et norvégiens, ainsi que pour leurs chargements, avec obligation en tout temps pour ces navires de se conformer aux réglements généralement établis et reconnus pour les cas spéciaux de blocus déclaré et effectif. »>

Sa

Tels sont les principes généraux de la neutralité adoptée par Majesté le roi de Suède et de Norvége en cas de l'explosion d'une guerre en Europe. Le roi se flatte qu'ils seront reconnus conformément au droit des gens, et que leur sincère et fidèle observation mettra Sa Majesté en état d'entretenir avec les puissances, ses amies et ses alliées, les relations que, pour le bien de son peuple, il désire ardemment préserver de toute interruption (1).

S2254. Les neutres profitèrent largement de toutes les facilités que leur offrait la déclaration du 29 mars. Ils n'en abusèrent pas, et pendant toute la durée de la guerre d'Orient, la France et l'Angleterre n'eurent pas à regretter leur généreuse initiative. Cette expérience fut concluante et justifia pleinement l'espoir de ceux qui en l'entreprenant avaient dit : « Lorsque cette guerre sera terminée, cette déclaration commune demeurera comme un précédent considérable acquis à l'histoire de la neutralité (2). »

En effet, le progrès des mœurs secondant la réforme des doctrines, les nouvelles règles éprouvées par la pratique des deux plus grandes puissances maritimes furent universellement acceptées comme un bien par toutes les nations et inspirèrent une juste

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du congrès

16 avril 1856.

confiance dans l'avenir des idées dont elles signalaient le triomphe (1) *. Déclaration § 2255. Le système inauguré par la guerre de 1854 répondait de Paris du si bien à des besoins communs à tous les peuples qu'il prit sans difficulté le caractère d'une réforme définitive du droit international. Au congrès de paix réuni à Paris en 1856 les plénipotentiaires qui eurent pour mission de consacrer les résultats de la guerre furent naturellement amenés à y comprendre la confirmation des règles qui avaient été observées par les puissances belligérantes à l'égard des neutres. Comme le dit M. Drouyn de Lhuys dans le mémoire que nous avons cité plus haut, « ce résultat était facile à prévoir. A l'ouverture de la guerre, dans le cours des négociations avec le cabinet de Londres, nous insistions tous, afin de désarmer sa résistance et de lever ses scrupules, sur le caractère temporaire des concessions que nous lui demandions; mais dans notre pensée ce régime en apparence transitoire était destiné à se perpétuer par la force même des choses et d'un consentement unanime. En effet, lorsque des intérêts considérables se sont développés pendant un certain temps sous l'abri d'un système plus libéral, ils deviennent à leur tour les fermes appuis et les invincibles défenseurs du régime qui les a d'abord protégés. >>

Voici au surplus en quels termes le congrès de Paris formula, le 16 avril 1856, sa célèbre déclaration sur les nouveaux principes de droit maritime :

<< Les plénipotentiaires qui ont signé le traité de Paris du 30 mars 1856 (2), réunis en conférence,

« Considérant:

« Que le droit maritime en temps de guerre a été pendant longtemps l'objet de contestations regrettables;

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Que l'incertitude des droits et des devoirs en cette matière donne lieu entre les neutres et les belligérants à des divergences

(1) Les neutres pendant la guerre d'Orient. Mémoire lu le 4 avril 1868 à l'Académie des sciences morales et politiques par M. Drouyn de Lhuys.

Gessner, p. 54; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 228; Heffter, § 152; Phillimore, Com., v. III, § ccx; Ortolan, Règles, t. II, pp. 443 et seq.; Moniteur, 30 mars 1854; London Gazette, 20 mars 1854; Gazette du commerce, de Saint Pétersbourg, 19 avril 1854.

(2) De Clercq, t. VII, p. 59; Neumann, t. VI, p. 274; Savoie, t. VIII, p. 380; Martens-Samwer, t. II, p. 770; Bulletin des lois, 1856, no 381; Ann. des Deux Mondes, 1855-1856, p. 901; Lesur, 1856, app., p. 7.

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