Images de page
PDF
ePub

tion incontestable, qu'elle soutiendrait et conserverait plus sûrement grâce à l'abolition de la course. Et si cette nation se trouvait engagée dans une guerre avec un autre pays ayant une force navale inférieure, elle n'aurait plus à se préoccuper de protéger son propre commerce et pourrait se consacrer exclusivement à la poursuite des navires réguliers de son ennemi. Or on ne peut se flatter de neutraliser en partie les fatales conséquences d'une semblable inégalité de forces qu'à l'aide de navires armés en

course....

« A une époque très-reculée la France, ne possédant pas encore de marine militaire, eut recours à l'armement de corsaires pour soutenir ses guerres contre l'Angleterre et l'Espagne. Le résultat qu'elle obtint fut complet, et elle remporta de grands avantages sur ses ennemis. Lorsqu'elle se trouvait dans cette situation, il est bien évident qu'elle n'aurait ni pris l'initiative ni prêté son concours en faveur d'une proposition dont l'objet aurait été l'abolition de la course. Telle est précisément la position actuelle de beaucoup d'États vis-à-vis des grandes puissances maritimes. Dans des temps plus rapprochés de nous, sous le règne de Louis XIV, la France arma des escadres entières de corsaires, qui rendirent de grands services et donnèrent beaucoup à faire aux forces ennemies. Les peuples qui sont en état de dominer sur l'Océan s'efforcent de régulariser la liberté des mers en vue de leurs intérêts et de leurs tendances politiques ambitieuses. Mais l'Océan est le patrimoine commun de tous les peuples, et ceux-ci, loin de se prêter à des mesures dont le résultat serait la prépondérance maritime de certains États, doivent énergiquement soutenir leur droit de copropriété....

«Aussi le président propose-t-il d'ajouter à la déclaration de Paris l'alinéa suivant: « Et la propriété privée des sujets de « l'une ou l'autre des puissances belligérantes ne sera pas sujette à capture par les navires de l'autre partie, sauf en <«< cas de contrebande de guerre. »

« Au moyen de cet amendement, le gouvernement des États-Unis accèdera à la proposition qui lui est soumise et acceptera également les trois autres principes renfermés dans la déclaration du 16 avril. Si cette demande n'était pas accueillie, le président m'a autorisé à déclarer qu'il approuve le deuxième, le troisième et le quatrième alinéa, máis non le premier.

« En vue de la non-acceptation de leur amendement, les États

Unis auraient intérêt à savoir de quelle manière seraient éventuellement traités les corsaires par les puissances signataires de la déclaration de Paris. Les États-Unis demandent que ces bâtiments continuent de jouir de la considération qui leur était accordée par la loi internationale en vigueur avant la modification récemment. introduite à cet égard dans le droit maritime. »>

Débats sou

levés

Marcy.

§ 2257. La note qui précède souleva des débats vifs et approfondis au sein du parlement et dans la presse périodique d'Angle- note terre. D'un côté, on soutenait que du moment qu'elle avait reconnu le principe du pavillon couvrant la marchandise la GrandeBretagne était dans son droit en exigeant l'abolition des corsaires; de l'autre, on faisait valoir qu'il était impossible d'admettre l'inviolabilité de la propriété privée sur mer, parce qu'avec une semblable pratique on ne ferait que prolonger indéfiniment la guerre.

$ 2258. Tous les États européens, moins l'Espagne, et toutes les Républiques américaines, à l'exception du Mexique, accédèrent à la déclaration du 16 avril, si illogiquement combattue par les États-Unis. Le gouvernement belge proposa même, pour donner à l'acte plus de force et de solennité, d'en consacrer les termes non pas seulement par un échange de notes diplomatiques, mais bien sous la forme de stipulations conventionnelles synallagmatiques. La résistance du gouvernement anglais, qui redoutait de nouvelles discussions parlementaires sur le droit maritime, empêcha de donner suite à la proposition du cabinet de Bruxelles. En résumé les États qui, par voie d'accession directe sous forme de notes ou par voie indirecte sous forme de stipulations conventionnelles, se sont approprié les principes proclamés par le congrès de Paris sont, dans l'ordre alphabétique: Bade, Bavière, Belgique, Brême, Bolivie, Brésil, Brunswick, Chili, Confédération Argentine, Danemark, Équateur, États Romains, Grèce, Guatemala, Hambourg, Haïti, Hesse, Lubeck, Mecklembourg Schwerin, Mecklembourg Strelitz, Nouvelle Grenade, Oldenbourg, Pays-Bas, Pérou, Portugal, Salvador, Saxe (trois duchés), Saxe Royale, Suède et Norvége, Suisse, Uruguay, Wurtemberg (1).

$ 2259. L'Espagne et le Mexique, partageant les scrupules des États-Unis à l'endroit des armements en course, se réservèrent le droit de faire usage de corsaires et ne donnèrent en conséquence

(1) De Clercq, t. VII, pp. 118 et seq., 133 et seq., 149 et seq., 166, 206, 346.

par la de M.

Actes d'adhésion à la

déclaration Paris.

du congrès de

Adhésions partielles.

Considéra

tions généra

les

sur nouveaux

principes de

droit maritime.

leur adhésion formelle qu'aux trois derniers paragraphes de la déclaration du 16 avril 1856.

S 2260. Malgré l'immense progrès qu'elle a fait faire au droit les maritime, la déclaration du congrès de Paris n'est cependant pas, il faut bien le reconnaître, à l'abri de toute critique. Son premier tort, et c'est peut-être ce qui l'a empêché de recevoir une approbation unanime, réside dans la solidarité forcée qu'elle établit entre les quatre points de droit qui la constituent. On peut également lui reprocher dans la forme le manque de précision et l'absence complète des garanties de solennité qui dans les accords internationaux synallagmatiques contribuent tant à prévenir les difficultés pratiques.

Application pratique de

du 16 avril

mulgation.

Ainsi en Autriche, par exemple, elle n'a été publiée que sous la signature du ministre des affaires étrangères, tandis qu'en Prusse et en France elle a été promulguée comme loi générale de l'État. Enfin la condition de solidarité absolue établie entre les quatre points de droit dont elle se compose semble de nature à soulever des difficultés pratiques par rapport aux États qui, comme l'Espagne, le Mexique et l'Amérique du Nord, n'ont accepté que sous certaines réserves les nouveaux principes de droit maritime. Les États-Unis n'ont évidemment aucun titre pour en réclamer le bénéfice intégral, puisqu'en subordonnant leur accession à une condition qui n'a pas été acceptée ils en ont virtuellement repoussé la charge de réciprocité. Quant à l'Espagne et au Mexique, comme ils se sont réservé la faculté de délivrer des lettres de marque selon leurs convenances, ces deux États devront au contraire, au début de toute guerre maritime dans laquelle ils pourront se trouver engagés, notifier aux autres nations la ligne de conduite qu'ils comptent suivre avant de pouvoir obtenir d'elles la stricte observation de l'ensemble de la déclaration du 16 avril.

S 2261. Plusieurs guerres ont troublé l'Europe depuis la prola déclaration mulgation des actes du congrès de Paris; dans toutes les belligédepuis sa pro- rants ont non seulement observé avec une scrupuleuse fidélité les principes consacrés par la déclaration du 16 avril; ils en ont même dans l'application mieux précisé et étendu la portée sur certains points*.

Cauchy, t. II, pp. 404 et seq.; Gessner, pp. 55 et seq.; Twiss, War, § 86; Fiore, t. II, p. 419, 420; Heffter, § 164; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 228; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 361; Ortolan, Règles, t. II, pp. 484 et seq.; Meyer, Corpus juris, t. II, p. 655.

[ocr errors]

Guerre

d'Italie

de 1859. Ordonnance

$ 2262. Ainsi, lors de la guerre qu'elle eut à soutenir contre la France et la Sardaigne, l'Autriche rendit à la date du 13 mai une ordonnance qui, au point de vue du droit maritime, allait autrichienne. infiniment au delà de ce que les belligérants et les neutres étaient fondés à lui demander. Cette ordonnance peut se résumer ainsi :

1o Les autorités militaires et civiles de l'Empire seront tenues de se conformer rigoureusement aux termes de la déclaration du 16 avril 1856, qui défend tout particulièrement aux navires autrichiens de s'armer en course, et anx habitants de l'Empire de prendre part à aucun armement de ce genre.

2o Dans la confiance qu'il sera usé de réciprocité à l'égard du pavillon autrichien, les navires sardes et français mouillés dans les ports de l'Empire seront autorisés à prendre des chargements et à s'expédier pour l'étranger, à condition de n'embarquer ni contrebande de guerre ni marchandise illicite d'aucune espèce.

3o Il est défendu aux navires nationaux de trafiquer avec l'ennemi; mais il leur est permis de faire le cabotage à leurs risques et périls et de trafiquer avec les ports étrangers.

4o Ces mêmes navires ne pourront embarquer pour aucune destination quelconque les objets suivants, savoir: canons, armes entières ou en pièces, plomb, soufre, poudre, salpêtre, capsules, balles et autres munitions, chevaux et mulets.

5o Il leur est également défendu de transporter les objets qui servent à la construction, à l'armement et à l'entretien des navires, tels que ancres, chaînes, câbles, machines à vapeur complètes ou séparées, bois de construction, bœufs, porcs et toute espèce de viande salée. Demeure également prohibée la sortie des navires à vapeur ou tous autres, sauf les autorisations spéciales accordées par les gouverneurs compétents, qui pourront également, s'ils le jugent opportun, accorder des permis d'exportation pour les diverses marchandises frappées de prohibition.

6o Les ordonnances du 29 janvier 1850 (1), de 1854 et autres relatives à l'admission dans les ports de l'Empire des navires de guerre neutres restent en vigueur.

Au moment où la guerre éclata la France et la Sardaigne adoptèrent des mesures analogues, et se montrèrent plus libérales encore que l'Autriche en faveur des neutres, puisqu'elles décla

(1) Neumann, t. V, p. 157; Martens-Samwer, t. II, p. 82.

Questions

suscitées par

la guerre ciEtats-Unis.

vile aux

Le

Peter Marcy.

l'Angleterre à

navires con

fédéré

rèrent expressément ne pas vouloir comprendre la houille parmi les articles dits contrebande de guerre.

$ 2263. La guerre civile qui en 1861 et les années suivantes ravagea si cruellement les États-Unis souleva, comme on devait s'y attendre, de très-graves questions, se rattachant toutes indirectement à l'état de neutralité.

"Vers la fin de juin 1861 un navire marchand, le Peter Marcy, Conduite de sous pavillon confédéré, parut dans le port de Londres: c'était le l'égard des premier cas de cette espèce. M. Adams, représentant des ÉtatsUnis en Angleterre, s'empressa de demander comment ce navire serait traité, surtout par rapport à son expédition pour le dehors; il craignait que la manière de procéder qu'on adopterait n'entraînat jusqu'à un certain point la reconnaissance des États Confédérés par le gouvernement anglais. Celui-ci lui fit savoir que, conformé ment aux lois anglaises, le pavillon que peut arborer un navire étranger n'est de nulle importance; que la production de ses papiers n'est pas exigée; que le capitaine a seulement à déclarer le pays auquel il appartient, et que la déclaration d'« Amérique » serait tout à fait suffisante. Le Peter Marcy avait été inscrit à l'entrée comme étant « de la Nouvelle Orléans en Amérique », et une définition analogue serait acceptée à sa sortie. En conséquence le Peter Marcy resta sans être inquiété dans le dock Victoria, quoiqu'il y fit flotter son pavillon confédéré.

Conduite du gouvernement russe.

§ 2264. Déjà au mois d'avril précédent la même question avait été soulevée à Saint Pétersbourg par le ministre des États-Unis d'alors, M. Appleton. Le prince Gortschakoff avait répondu que tant que les choses demeureraient comme elles étaient le commerce entre la Russie et les États Confédérés ne serait pas interrompu. Quant aux navires sortant des ports du sud des États-Unis, on ne ferait point de cas des irrégularités que pourraient présenter leurs papiers, et les bâtiments seraient reçus comme des navires appartenant aux États-Unis, mais non pourvus, à cause des troubles existants, des preuves ordinaires de nationalité. S'ils voulaient nier qu'ils appartenaient aux États-Unis, cela ne ferait pas de différence. Cette façon d'agir n'impliquait du reste aucune reconnaissance de nationalité; c'était simplement une concession en vue d'aider le commerce. Quelque temps après, afin de prévenir les difficultés que de pareils cas pouvaient faire naître, les département russes de la marine et du commerce édictèrent des réglements particuliers, dont voici la substance:

« PrécédentContinuer »