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Réplique de

suivi ceux qui avaient violé les lois américaines, et que l'Angleterre était loin d'avoir tenu une conduite semblable à l'égard des insurgés sudistes qui habitaient le Royaume Uni en qualité d'agents des Confédérés. D'un autre côté, continuait le même ministre, le gouvernement fédéral a accordé à l'Espagne la réparation qui lui était due, en faisant droit par le traité de 1819 aux réclamations de cette puissance comme compensation des indemnités qu'il avait eu lui même à revendiquer contre elle. Il se plaignait aussi que le navire l'Alabama, après s'être échappé d'Angleterre (paroles textuelles de Lord Russell), eût pu y revenir et aborder successivement dans plusieurs ports britanniques, non seulement sans y avoir été ni détenu ni désarmé, comme l'exigeaient les lois en vigueur sur la matière, mais, bien plus, en y trouvant une protection ouverte, qui constituait un procédé en contradiction avec la pratique des nations usitée en pareil cas.

S 2272. Dans sa réplique du 2 août Lord Russell allégua que Lord Russell. la reconnaissance des Contédérés comme belligérants sui generis était commandée à la fois par les circonstances du moment et par les prévisions à venir; qu'en agissant comme il l'avait fait le gouvernement anglais avait admis ipso facto le droit qui appartenait aux États-Unis de fermer leurs ports au commerce de la GrandeBretagne, en même temps que celui de détenir et de visiter ses navires en pleine mer. Quant à ce qui avait été dit au sujet de l'acte de neutralité, il déclarait qu'il n'entrait pas dans les vues des ministres de Sa Majesté Britannique d'y introduire aucune modification, à moins que l'expérience ne démontrât, ce qui n'avait pas eu lieu jusqu'alors, l'insuffisance de la législation existante, à l'efficacité de laquelle les changements suggérés ne semblaient devoir rien ajouter. Il terminait sa dépêche par le refus formel d'accepter un arbitrage, parce que ce serait, suivant lui, mettre en doute, d'une part, que le gouvernement anglais avait agi avec bonne foi et avec toute la vigilance voulue dans l'accomplissement de ses obligations légales, et, d'autre part, que les avocats de la couronne avaient fidèlement interprété les statuts britanniques questions dont l'Angleterre ne pouvait tolérer la discussion par des tiers sans porter atteinte à sa propre dignité.

Nouvelles

notes de M. Adams.

$ 2275. Le ministre américain ne se tint pas pour battu; revenant à la charge dans deux notes successives, il soutint d'abord qu'il ne suffit pas qu'un gouvernement observe scrupuleusement le texte de ses lois quand elles sont reconnues insufli

santes et inefficaces; il déclara ensuite qu'en présence du refus du cabinet de Londres de soumettre à un arbitrage le point en litige, le cabinet de Washington s'abstiendrait de formuler toute autre proposition.

Par une note en date du 5 novembre Lord Russell, comparant la conduite observée par les États-Unis à l'égard de l'Espagne et du Portugal à celle que la Grande-Bretagne avait suivie pendant la guerre de sécession, plaça la question sur le terrain des enrôlements étrangers et admit que le foreign enlistment act n'avait pas prévenu efficacement les abus; mais il fit ressortir en même temps que l'acte correspondant des États-Unis ne lui était en rien supérieur; il proposa en conséquence que les deux gouvernements se missent d'accord pour opérer les réformes convenables, en nommant dans ce but une commission mixte internationale.

Note de M. Adams,

bre.

S 2274. Au lieu de répondre directement à cette ouverture, M. Adams dans une note datée du 21 novembre releva un des du 21 novemincidents relatifs au Shenandoah, et prétendit faire peser sur le gouvernement britannique la responsabilité des dommages causés par les déprédations et les prises de ce corsaire. En effet, pendant que la corvette Kearsage coulait bas l'Alabama en vue de Cherbourg, les hommes d'équipage de ce dernier étaient recueillis sur un yatch privé, le Deerhound, qui les transporta en Angleterre, d'où ils partirent peu de temps après pour monter à bord du Shenandoah, qui n'était jamais entré dans aucun port des Confédérés. « Cependant, ajoutait M. Adams, le gouvernement de la reine, qui n'avait rien fait pour éviter l'accomplissement de ces actes éminemment coupables, en admit les conséquences comme légitimes et toléra que le Shenandoah jouit dans tous les ports du Royaume Uni des droits et des priviléges inhérents aux navires de guerre commissionnés en due forme. » « Or, faisait-il remarquer en terminant, c'est grâce à cette connivence que le Shenandoah put capturer un grand nombre de navires postérieurement à la cessation de la guerre. »

Lord Clarendon, qui avait succédé à lord Russell dans la direction du Foreign office, répondit à cette lettre que le cabinet de Londres considérait la correspondance diplomatique sur l'ensemble de l'affaire comme épuisée, non seulement parce que tous les points de droit semblaient suffisamment élucidés, mais encore parce qu'il craignait qu'en prolongeant la discussion écrite on ne s'exposât à

III.

27

Résumé des notes de Lord

M. Adams.

troubler entre les deux pays cette bonne harmonie dont le maintien avait une si grande importance.

S2275. Maintenant, si nous résumons cet échange de notes diRussell et de plomatiques, nous voyons que les États-Unis poursuivaient auprès du gouvernement anglais l'admission du principe d'une indemnité pécuniaire pour les pertes et les dommages occasionnés au commerce des États du Nord par les corsaires confédérés, en fondant leur demande sur les considérations suivantes :

1° Que la Grande-Bretagne avait reconnu aux rebelles la qualité de belligérants dans des conditions de légèreté et de précipitation qui seules avaient rendu possibles les actes illégaux dont le Nord avait eu à souffrir;

2° Que les mesures prises par le gouvernement anglais pour empêcher la sortie des navires armés et équipés dans les ports du Royaume Uni contrairement aux lois de la neutralité avaient été tardives et insuffisantes, soit que les conseillers de la couronne eussent mal interprété les lois, soit que les autorités secondaires eussent fait preuve de mauvaise foi ou d'incapacité, soit que les moyens fussent demeurés inefficaces: reproches qui se réduisaient en définitive à une question d'administration intérieure, dans laquelle le gouvernement des États-Unis n'avait évidemment nul droit de s'immiscer;

5° Que le gouvernement de la Grande-Bretagne n'avait pas prescrit l'embargo, la saisie ou le désarmement des corsaires, et ne leur avait pas refusé asile après leur sortie illégale et frauduleuse des ports du Royaume Uni;

4° Qu'il avait décliné la proposition de réformer le foreign enlistment act ou de soumettre l'affaire au parlement, bien que le cabinet de Washington se montrât disposé à user de réciprocité et se vit lui-même secondé dans cette tâche par la sympathie et les vœux de quelques sujets anglais, intéressés à ce que leur pays conservât strictement son caractère neutre ;

5° Qu'il avait négligé de poursuivre les citoyens de la prétendue confédération du Sud que l'on savait notoirement occupés à former l'équipage et l'armement des navires destinés à la course. et à porter ainsi atteinte aux devoirs que la neutralité imposait à l'Angleterre ;

6° Que par suite de cette conduite les sécessionnistes étaient parvenus à organiser, dans le but de courir sus au commerce des États-Unis, une force effective de bâtiments à vapeur, qui tous

avaient ensuite trouvé dans les ports anglais asile et protection, ainsi que toutes facilités pour former leurs équipages, réparer leurs avaries et renouveler leurs approvisionnements de vivres et de charbon;

7° Que cet ensemble d'actes et de mesures avait fourni à l'insurrection le secours le plus efficace, causé aux États-Unis des préjudices incalculables, tandis que l'Angleterre y avait trouvé pour son commerce et son industrie des avantages fort importants.

Le gouvernement anglais avait fait valoir pour sa défense:

1° Que la reconnaissance des rebelles comme belligérants était nécessaire à l'époque où elle avait eu lieu; qu'elle intéressait autant les États-Unis que l'Angleterre, attendu que grâce à elle le Nord avait pu librement exercer son droit de visite et de blocus;

2o Que le cabinet de Londres avait agi de bonne foi et apporté à la stricte observation de ses lois toute la vigilance nécessaire pour conserver intact son caractère de neutre; que si dans quelques cas isolés certains employés avaient pu pécher par ignorance ou manque de zèle, la nation entière ne pouvait en être rendue responsable au point de devoir des indemnités pour des actes commis hors de la juridiction du Royaume Uni;

3° Que le gouvernement anglais avait mis embargo et poursuivi dans les ports de ses colonies les navires soupçonnés de s'être équipés en violation du foreign enlistment act, mais qu'il n'avait nulle obligation impérative de refuser asile à ceux qui étaient porteurs de commissions régulièrement délivrées par un État belligérant, ou de faire procéder à leur désarmement, sous le prétexte que dans l'origine ces navires avaient été équipés indùment dans les limites des eaux juridictionnelles anglaises;

4° Que le gouvernement n'était pas convaincu que les actes du parlement fussent inefficaces au point d'exiger absolument une réforme, et que leur maintien intégral pût équitablement être attribué à un manque de bonne foi;

5° Qu'il avait résolu bona fide et d'après l'avis des conseillers compétents la question des poursuites judiciaires contre les personnes nominativement désignées;

6° Que si, malgré tout, les navires dont il s'agit avaient subrepticement mis à la voile, le gouvernement n'était pas responsable des actes d'hostilité qu'ils avaient pu commettre hors de son territoire, ses devoirs ne dépassant pas l'obligation d'être toujours

Le gouver

nement an

une commis

prêt et disposé à restituer les prises qu'ils auraient pu illégalement amener dans ses ports;

7° Enfin, qu'il était incompatible avec sa dignité et son honneur de soumettre à un arbitrage les réclamations des États-Unis*.

S 2276. Quoique le gouvernement anglais eût repoussé le pringlais nomme cipe et la forme des réclamations américaines connues sous le sion compo- nom générique de « Alabama claims », l'attitude des États-Unis consultes dis- lui fit cependant comprendre qu'au point de vue juridique il pourapport. vait y avoir quelque chose à faire pour prévenir le retour des abus

sée de juris

tingués. Leur

signalés; il se décida en conséquence le 30 janvier 1867 à charger une commission spéciale de réviser et de refondre l'acte de Georges III du 3 juillet 1819 relatif aux enrôlements étrangers (foreign enlistment act). Le rapport de cette commission, dans laquelle avaient figuré les jurisconsultes les plus éminents de l'Angleterre, tels que Cranworth, Bramwell, Vernon Harcourt, Phillimore, Cairns, Baring, Twiss, énonce sur la matière des principes beaucoup plus radicaux que ceux professés par les États-Unis euxmêmes. Ainsi l'on y proposait notamment de considérer comme illégaux non seulement l'équipement, l'armement et l'expédition d'un corsaire destiné à un belligérant étranger, mais encore la construction même du navire, la loi devant punir d'amende le constructeur reconnu coupable et donner au pouvoir exécutif le droit formel de confisquer le navire.

Un seul des signataires du rapport, M. Vernon Harcourt, qui s'est fait connaître dans la presse sous le pseudonyme de Historicus, repoussa cette théorie, moins par des arguments de droit que par des considérations puisées dans l'intérêt bien entendu de l'industrie privée du Royaume Uni. Selon lui, la défense de construire des navires causerait un grave préjudice à une des industries dans lesquelles la Grande-Bretagne possède une supériorité incontestable sur les autres nations. Les chantiers anglais exerçant en quelque sorte le monopole de la construction des navires cuirassés, toutes les marines étrangères sont forcées de s'adresser à eux pour s'en procurer; de sorte que armer le pouvoir exécutif ou ses agents du droit d'empêcher l'achèvement d'un navire dont la quille est déjà commencée et posée, ce serait décourager les constructeurs et les ingénieurs en obligeant les gouvernements des autres États à en construire eux-mêmes. Au point de vue

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