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politique, M. Harcourt pensait que si l'on adoptait les mesures suggérées par la commission, il faudrait accroître considérablement le budget de la marine royale, afin de mettre celle-ci en état de construire elle-même en toute circonstance les navires qu'elle demande aujourd'hui à l'industrie privée, qui se verrait contrainte de limiter sa sphère d'action, quand surgirait la moindre menace de guerre entre deux nations étrangères quelconques.

Dans cet ordre d'idées M. Vernon Harcourt proposait à ses collègues de se borner à admettre le principe qu'en temps de guerre l'accès des ports anglais serait interdit à tout navire qui, prenant une part active aux hostilités, ne serait pas muni à cet effet d'une commission spéciale dressée en due forme (1).

1870.

Nouvel acte

de l'Angleter

re.

S 2277. Le ministère anglais n'adopta complètement ni les conclusions de la majorité de la commission ni l'amendement suggéré de neutralité par M. Vernon Harcourt; il s'arrêta à une sorte de moyen terme, qui, après avoir été longuement discuté et remanié par le parlement, fut définitivement sanctionné le 3 août 1870 et devint en quelque sorte, sous le nom de nouvel acte des enrôlements élrangers, la charte de neutralité de l'Angleterre *.

$ 2278. Le ministère anglais était encore occupé à examiner dans quels termes il proposerait au parlement la révision des lois sur la neutralité, dont la rédaction vague ou l'inefficacité lui avait attiré un conflit si délicat avec le cabinet de Washington, lorsque M. Reverdy Johnson, qui avait succédé à M. Adams comme ministre des États-Unis à Londres, entreprit la tâche de réconcilier les deux pays au moyen d'une transaction équitable.

Après de longs pourparlers, précédés d'une habile polémique dans les journaux et d'une série de discours empreints d'une grande bienveillance et d'une cordiale sympathie prononcés dans divers banquets publics, il proposa à Lord Stanley, alors chef du Foreign office, de confier le réglement de toutes les questions contentieuses pendantes à une commission mixte composée de deux Anglais et de deux Américains. Cette demande fut finalement acceptée, sous la réserve expresse que la commission arbitrale n'aurait pas le droit d'examiner si la Grande-Bretagne avait eu tort ou raison d'accorder aux rebelles la qualité de belligérants

(1) Moniteur universel, 15 juin 1868.

The case of the United States, pp. 116, 117.

Reprise des pour l'affaire

négociations

de l'Alaba

ma.

Traité de Washington,

dès le début de la guerre. C'est sur cette base que le 14 janvier 1869 M. Johnson et Lord Clarendon, qui avait succédé à Lord Stanley dans la direction du Foreign office, signèrent un protocole, qui avant de prendre la forme d'une véritable convention dut être expédié à Washington pour recevoir l'approbation du gouvernement américain. Transmis au sénat fédéral par le président Grant, récemment entré en fonctions, le protocole fut repoussé par cinquante-quatre voix contre une. « Le président », disait à ce sujet M. Fish dans une dépêche à M. Motley, successeur de M. Reverdy Johnson, « croit de son devoir de déclarer que les conditions insérées dans ce protocole sont insuffisantes pour assurer aux États-Unis, dans l'étendue qu'ils peuvent exiger, la réparation qui leur est due. Il n'est pas encore en mesure de se prononcer sur la question des indemnités à donner aux citoyens. américains à l'occasion des torts qui leur ont été causés par des croiseurs rebelles équipés dans les ports de la Grande-Bretagne. Le président n'est pas prêt non plus à parler de la réparation due par le gouvernement britannique comme compensation des immenses pertes nationales infligées aux États-Unis. Il ne peut davantage apprécier les préjudices résultant de diverses causes, telles que reconnaissance inopportune des belligérants, armement de croiseurs, fourniture de navires et de munitions de guerre. Enfin il ne saurait discuter en ce moment les modifications importantes qu'il y aurait lieu d'introduire dans le droit international, modifications dont la dernière guerre a démontré l'utilité et que la supériorité maritime de la Grande-Bretagne et des États-Unis leur commande de proposer aux autres puissances chrétiennes. Quand le jour sera venu, le président examinera ces nombreuses questions avec le désir sincère de les résoudre à l'amiable dans des conditions compatibles avec l'honneur de chacune des deux nations. >>

S 2279. La question en demeura là jusqu'au commencement du 8 mai 1871. de 1871. Dans le mois de janvier de cette année le cabinet anglais prit l'initiative de nouvelles ouvertures en vue d'arriver à un réglement amiable des différends entre les États-Unis et l'Angleterre et particulièrement des « Alabama claims ». Ces butertures eurent pour résultat la nomination d'une commission de dix membres, cinq sujets anglais et cinq citoyens des États-Unis, laquelle conclut le 8 mai suivant à Washington un traité déférant toutes les réclamations généralement connues sous le titre de

mations sont

tribunal d'ar

« réclamations de l'Alabama » à un tribunal d'arbitrage composé Les réclade cinq arbitres, nommés par le président des États-Unis, la reine déférées à un d'Angleterre, le roi d'Italie, le président de la Confédération Suisse bitrage. et l'empereur du Brésil, et, en cas de refus ou d'omission de la part d'un de ces trois derniers, par le roi de Suède et de Norvége. Ces arbitres devaient se réunir à Genève dans le plus bref délai, après leur nomination, et rendre leur sentence, autant que possible, dans les trois mois après la clôture de la discussion. Ils décideraient à la majorité les questions qui leur seraient soumises par les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne, et pour leurs décisions ils seraient guidés par les trois règles suivantes, que les hautes parties contractantes étaient convenues d'accepter comme celles qui devaient être appliquées à la cause, et par les principes du droit des gens qui n'y seraient pas incompatibles et que les arbitres jugeraient y être applicables :

« Un gouvernement neutre est tenu: 1° d'user de toute diligence pour empêcher dans sa juridiction l'équipement et l'armement de tout vaisseau qu'il a des motifs raisonnables de croire destiné à croiser ou à concourir à des opérations hostiles contre une puissance avec laquelle il est en paix, et aussi d'user de la même diligence pour empêcher le départ hors de sa juridiction de tout navire destiné à croiser ou à concourir à des opérations hostiles, ce navire ayant été dans la dite juridiction adapté en tout ou en partie à des usages de guerre ;

<< 2o De ne permettre à aucun des belligérants de faire de ses ports ou de ses eaux la base d'opérations, ni de s'en servir pour augmenter ou renouveler des approvisionnements militaires et des armements, ou pour recruter des hommes;

« 5° D'exercer toute diligence nécessaire dans ses propres ports et dans ses eaux, et, à l'égard de toutes personnes dans sa juridiction, pour empêcher toute violation des obligations et des devoirs susmentionnés. »

Sa Majesté Britannique avait ordonné à ses commissaires de déclarer que son gouvernement ne pouvait donner son assentiment à ces règles comme étant un exposé des principes de la loi internationale en vigueur au moment où les réclamations s'étaient élevées; mais, pour témoigner de son désir de fortifier les relations amicales entre les deux pays et de pourvoir d'une manière satisfaisante aux éventualités de l'avenir, elle a consenti qu'en décidant les questions soulevées par ces réclamations les arbitres.

Mode

sui

admissent que son gouvernement avait entendu agir conformément aux principes énoncés dans ces règles. En conséquence les parties contractantes étaient convenues d'observer ces obligations entre elles à l'avenir et de les porter à la connaissance des autres puissances maritimes, en les invitant à y accéder.

§ 2280. Voici le mode suivant lequel devait s'effectuer le réglevant lequel devait s'effec- ment des réclamations :

tuer le réglement des réclamations.

Le tribunal d'arbitrage commencera par déterminer pour chaque navire séparément si la Grande-Bretagne par un acte ou une négligence quelconque a failli à l'accomplissement des devoirs énoncés dans les trois règles précédentes ou reconnus par les principes du droit international qui ne sont pas incompatibles avec ces règles; et dans le cas où il trouvera que la Grande-Bretagne a failli à remplir ces devoirs ou l'un d'eux, il certifiera le fait pour chaque navire.

Le tribunal pourra, s'il le juge convenable, décréter en bloc une somme à payer par l'Angleterre aux États-Unis pour toutes leurs réclamations, laquelle serait payée en espèces à Washington dans les douze mois de la date du jugement.

Dans le cas où le tribunal trouverait que la Grande-Bretagne a failli à quelques-uns des devoirs susénoncés et n'accorderait pas une somme en bloc, il serait nommé un bureau d'assesseurs, choisis par la reine d'Angleterre, le président des États-Unis et le représentant du roi d'Italie à Washington, pour déterminer quelles sont les réclamations valables et quelle somme l'Angleterre devra payer aux États-Unis. Ces assesseurs, à l'expiration d'une année à dater de leur première réunion ou avant ce délai, adresseront à chacun des deux gouvernements un rapport fixant le montant des réclamations sur lesquelles ils auront statué jusque là. S'il reste encore des réclamations sur lesquelles ils ne se soient pas prononcés, ils présenteront un autre rapport à la fin de la seconde année ou avant ce délai; et si à cette époque l'examen de toutes les réclamations n'est pas terminé, il leur sera accordé un dernier délai de six mois. pour faire un rapport définitif.

Les sommes allouées seront payables à Washington en espèces dans les douze mois qui suivront la remise de chaque rapport.

Les parties contractantes s'engagent à considérer les décisions du tribunal d'arbitrage et du bureau des assesseurs comme le réglement définitif de toutes les réclamations respectives.

Les dépenses du tribunal d'arbitrage et du bureau d'assesseurs

seront supportées en parts égales par les deux gouvernements, qui en outre paieront leurs agents respectifs.

Le traité stipule aussi que toutes les réclamations de la part de corporations, de compagnies ou d'individus privés citoyens des États-Unis sur le gouvernement de Sa Majesté britannique, provenant d'actes commis contre les personnes ou les propriétés de citoyens des États-Unis pendant la période écoulée du 13 avril 1861 au 9 mai 1865 inclusivement, n'entrant pas dans la catégorie des réclamations dites de l'Alabama, et toutes réclamations analogues adressées par des sujets anglais au gouvernement des États-Unis par suite d'actes commis contre les personnes ou les propriétés de sujets anglais pendant la même période, lesquelles auraient été présentées à l'un des deux gouvernements en sollicitant son intervention auprès de l'autre et ne seraient pas encore réglées, ainsi que toutes les autres réclamations encore à présenter, seront déférées à trois commissaires, dont un sera nommé par la reine d'Angleterre, un par le président des États-Unis, et le troisième par la reine et le président conjointement; et dans le cas où ce dernier ne serait pas nommé dans les trois mois de la date de l'échange des ratifications du traité, il serait choisi par l'envoyé de l'Espagne à Washington. Les commissaires seront tenus d'examiner et de décider chaque réclamation dans les deux ans qui suivront le jour de leur première réunion. Leurs décisions seront sans appel, et les sommes allouées seront payées par un gouvernement à l'autre, selon le cas, dans les douze mois à dater de la décision définitive.

du traité.

§ 2281. Le traité du 8 mai 1871 fut ratifié par le sénat des États- Ratification Unis à la majorité de cinquante voix contre douze, et approuvé finalement par le parlement britannique, au sein duquel il ne manqua pas de soulever d'acerbes récriminations.

S 2282. Le tribunal d'arbitrage qu'il constituait se composait de cinq membres, dont les noms suivent: Sir Alexander Cockburn, lord président de la cour du Banc de la reine et premier juge d'Angleterre, nommé par la reine de la Grande-Bretagne; M. Charles Francis Adams, ancien envoyé à Londres, nommé par le président des États-Unis; le comte Sclopis, sénateur italien, nommé par le roi d'Italie; M. Jacques Staempfli, ancien président de la Confédération Suisse et actuellement membre du conseil d'État, nommé par le président de cette confédération; et le baron d'Itajuba, actuellement envoyé du Brésil à Paris, nommé par l'empereur du

Les membres d'arbitrage.

du tribunal

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