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sur ce fleuve, et de ne les soumettre qu'à des restrictions temporaires nécessitées par les exigences de la guerre; ces restrictions. doivent être levées aussi promptement que possible (1).

S 2298. En résumé, comme on le voit par cet exposé sommaire des faits accomplis durant ces trois phases de l'histoire de la neutralité maritime, les règles et les principes aujourd'hui définitivement reconnus et sanctionnés par la pratique sont les suivants :

1° L'inviolabilité de la propriété neutre à bord des navires ennemis et réciproquement;

2o L'abolition des armements en course;

3o La répudiation des blocus dits « sur le papier » ou par simple proclamation officielle du gouvernement qui veut les établir;

4o La détermination plus précise des articles qui constituent la contrebande de guere;

5° L'accomplissement plus strict des devoirs qu'impose la neutralité ;

6o Le respect absolu de la propriété privée sur mer, réclamé par tous les organes du commerce et mis en pratique à trois reprises différentes par l'Autriche et la Prusse.

(1) Revue de droit international, 1877, t. IX, p. 136.

Résumé.

LIVRE II

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA NEUTRALITÉ ET DEVOIRS
DES NEUTRES

Division de la neutralité.

Hubner.

Klüber.

Heffter.

Azuni.

§ 2299. Les publicistes ont envisagé la neutralité sous deux aspects différents, se rapportant l'un aux principes généraux du droit des gens, l'autre aux règles spéciales consacrées par des engagements internationaux écrits. Cette distinction a une importance qu'on ne saurait méconnaître, puisqu'elle permet de bien préciser quels sont les droits et les devoirs qui incombent à un État neutre. Hubner divise la neutralité en générale et en particulière: il entend par la première celle qui est commune à toutes les guerres, et par la seconde celle qui, s'appliquant à une guerre déterminée, peut être ou complète ou limitée, c'est-à-dire plus favorable à l'un des belligérants ou égale pour tous les deux. C'est là, suivant nous, une distinction plus subtile que juste; car par lui-même le mot neutralité exclut toute pensée de moyen terme, toute situation équivoque.

Klüber, sans plus de raison, classe la neutralité en naturelle ou conventionnelle, en volontaire ou forcée, en complète ou limitée, en générale ou partielle, en armée ou non armée, en continentale ou maritime. Cette surabondance de distinctions n'a d'autre résultat que de jeter le trouble dans l'esprit et de mettre en relief l'arbitraire des subdivisions dans lesquelles se complaisent certains publicistes. Tel est le défaut dans lequel tombe également Heffter, qui établit les distinctions de neutralité stricte ou incomplète, de neutralité générale ou partielle. Azuni ne nous semble pas mieux inspiré lorsqu'il imagine sa classification en neutalité active et neutralité passive.

Pour nous, laissant de côté toutes ces distinctions dont la valeur pratique est assez difficile à saisir, nous n'admettons que deux sortes de neutralité; celle qui est naturelle ou parfaite, et celle qui découle d'engagements conventionnels*.

§ 2300. Sous le premier nom nous désignons la neutralité qu'un État doit observer dans les guerres qui éclatent entre deux ou un plus grand nombre d'États indépendants et souverains

**

La neutralité parfaite, stricte ou complète exige qu'un État se tienne tout à fait à l'écart des opérations militaires de la guerre et ne donne aide et appui à aucun des belligérants, du moins en ce qui peut leur être utile ou nécessaire en vue de la guerre; qu'il se conduise impartialement, soit en accordant ou en refusant à l'un ce qu'il accorde ou refuse à l'autre, soit en continuant de se conduire à leur égard comme il le faisait en temps de paix. Tant qu'un État reste fidèle à ces devoirs, il a droit de demander d'être traité comme ami par chacun des belligérants, et de jouir de cette indépendance que la loi naturelle lui assure et qu'il n'est pas obligé de sacrifier aux intérêts des puissances en guerre.

Dès que, au contraire, un État neutre s'écarte de ces devoirs en un point quelconque même en observant encore les autres, sa neutralité n'est qu'imparfaite, et dès lors il ne peut plus réclamer que le traitement qui correspond à une neutralité limitée.

§ 2301. La neutralité imparfaite peut être de deux sortes elle peut être impartiale, en tant que les deux belligérants ont liberté égale de poursuivre les opérations de la guerre ou certaines opérations, telles que le passage de troupes, l'achat de provisions militaires, l'enrôlement de soldats ou de marins sur le territoire du neutre; ou elle peut être modifiée par un engagement antérieur envers l'une des parties, celui, par exemple, de lui fournir un contingent de troupes ou de mettre un certain nombre de navires à sa disposition. Or des accords de ce genre participent évidemment de la nature de l'alliance, de sorte que l'autre belligérant est donc libre de décider s'il regarde l'État qui se trouve dans cette situation comme neutre ou comme l'allié de son ennemi.

* Hubner, De la saisie, t. I, pte. 1, ch. 2, § 2; Klüber, Droit, §§ 280-282; Heffter, § 144; Azuni, Droit marit., ch. 1, art. 4, § 9; Wheaton, Elem., pte. 4, ch. 3, § 2; Hautefeuille, Des droits, tit. 4, sect. 2; Fiore, t. II, p. 361 et seq.

** Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 3; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 9; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 7, §§ 103-110; Martens, liv. 8, ch. 7, § 306; Woolsey, § 163; Heffter, § 144.

Neutralité

parfaite ou naturelle.

Neutralité

imparfaite.

Heffter.

Neutralité

conven

tionnelle.

Neutralité perpétuelle.

Neutralité de la Confé

vétique.

Heffter limite aux deux cas suivants les circonstances dans lesquelles la neutralité imparfaite ne sort pas des bornes de la neutralité proprement dite 1° lorsqu'une puissance, avant le commencement des hostilités et non en vue même d'une guerre actuelle, a promis à l'un des belligérants des secours, pourvu que, purement défensifs, ils ne présentent aucun caractère agressif, que l'autre partie ne s'y oppose pas, et qu'au surplus les conditions de la neutralité soient observées par elle; 2° lorsqu'une puissance accorde les mêmes faveurs à toutes les parties belligérantes, ou seulement à l'une d'elles soit en vertu de conventions antérieures, soit avec le consentement des autres parties, soit enfin d'une manière passagère et de bonne foi dans des cas urgents*. § 2302. La neutralité conventionnelle, au contraire, est celle dont les termes, les conditions et les limites sont spécifiés dans des engagements internationaux synallagmatiques. Ces engagements varient dans leur portée suivant qu'ils ont été conclus à titre éventuel en pleine paix, à titre transitoire pendant le cours d'une guerre, ou à titre permanent, pour placer, par exemple, la sûreté d'un État faible sous la garantie collective d'une ou de plusieurs grandes puissances, en cas de luttes auxquelles cet État entendrait demeurer étranger.

§ 2503. La neutralité d'un État peut aussi reposer sur la configuration topographique de son territoire et être la conséquence durable permanente de ses relations avec les autres puissances : cette neutralité est dite perpétuelle **.

§ 2304. La paix de Westphalie conclue en 1648 (1) reconnut dération Hel- l'indépendance de la Confédération Helvétique, qui était, comme on sait, restée étrangère à la guerre de Trente ans. La neutralité suisse, admise à de légères exceptions près par l'Europe entière jusqu'à l'époque de la Révolution française, eut pour base des pactes ou des conventions spéciales par lesquels les cantons se lièrent envers les principaux États étrangers. Le traité que la France signa dans ce but le 7 mars 1689 (2) renfermait une clause en vertu de

Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 3; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 9; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 7, §§ 103-110.

Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 4; Hautefeuille, Des droits, tit. 4, sect. 2; Klüber, Droit, § 280; Hubner, De la saisie, t. I, pte. 1, ch. 2, § 2; Azuni, Droit marit., ch. 1, art. 4, §§ 1, 2; Bluntschli, §§ 741, 745; Fiore, t. II, pp. 361 et seq. (1) Dumont, t. IV, pte. 1, p. 450; Léonard, t. III; Bougeant, t. III, p. 507; Savoie, t. I, p. 552.

(2) Dumont, t. VII, pte. 2, p. 228.

laquelle elle se réservait le droit de recruter des soldats suisses pour le service de ses armées, sans porter atteinte au caractère neutre de la confédération tout entière.

D'autres contrées, l'Autriche notamment, adoptèrent la même marche, et la Suisse put ainsi fournir des éléments pour entretenir les luttes qui ensanglantèrent l'Europe au XVI et au XVIIe siècle, sans s'y associer elle-même et sans compromettre l'intégrité de son territoire, qui, du côté de l'Italie surtout, formait une barrière infranchissable entre les divers belligérants.

Lors des guerres de la Révolution française, les déchirements intérieurs de la Suisse facilitèrent les atteintes réitérées que la France et les coalisés du continent portèrent tour à tour à la neutralité de la Confédération Helvétique. La garantie formelle que devait offrir sous ce rapport l'acte de médiation du 27 septembre 1805 (1), qui élevait en même temps de 16,000 à 24,000 le nombre des soldats susceptibles d'être enrôlés au service de la France, n'eut qu'une efficacité relative; car si jusqu'à la fin de son règne Napoléon Ier y demeura fidèle pour son compte, les alliés ne se firent pas faute d'invoquer à la fois le caractère particulier de leurs traités et les exigences de la stratégie, lors de leur envahissement de la France, pour fouler le sol neutre de la Suisse.

1813.

Passage de

trichienne à

travers le ter

ritoire suisse,

S 2305. On sait en effet que dans les premiers mois de l'année 1815 l'armée autrichienne, commandée par le prince l'armée aude Schwartzenberg, traversa, au mépris de sa neutralité, le territoire suisse par Bâle, Lauffenbourg et Schaffhouse, pour se diriger sur Huningue et Belfort, sans que la Confédération pût s'y opposer ni qu'aucun gouvernement étranger fit entendre la moindre protestation contre cette injustifiable violation du droit des gens.

$ 2306. L'acte final du congrès de Vienne du 9 juin 1815 (2) avait reconnu de nouveau la neutralité perpétuelle de la Suisse; mais lors du retour de Napoléon de l'île d'Elbe les alliés provoquèrent la Suisse à s'unir à la coalition. Dans la note qu'ils adressèrent à cet effet à la Diète de Zurich ils exprimaient la confiance que les Suisses n'hésiteraient pas à seconder le but commun de l'alliance; qu'il ne s'agissait pas d'imposer aux cantons un arme

(1) De Clercq, t. II, p. 76; Martens, 1re édit., Suppl., t. III, p. 568; 2o édit., t. VIII, p. 132 (2) De Clercq, t. II, p. 567; Russie, t. I, p. 165; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 379.

Efforts ten

tés pour ob

tenir le con

cours actif de

la Suisse.

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