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dernes plusieurs guerres engagées sans aucune déclaration préalable et simplement par la perpétration d'actes d'hostilités.

Nous citerons d'abord la guerre entre l'Angleterre et l'Espagne sous le règne d'Élisabeth, où la dévastation des colonies par Drake et l'expédition de la Grande Armada en 1588 n'avaient été précédées d'aucune déclaration de guerre.

Dans la guerre entre. Cromwell et les Hollandais des manifestes ne furent publiés qu'après que l'amiral anglais Blake eût eu déjà des engagements avec l'amiral hollandais Van Tromp et parcouru les mers à la recherche des navires ennemis. La seconde guerre de l'Angleterre avec la Hollande commença en 1664 à la suite d'un simple acte du conseil anglais autorisant des représailles générales; mais les hostilités ne furent positivement déclarées qu'en mars 1665.

A propos de la guerre que lui fit le roi de Suède Gustave Adolphe, l'empereur Ferdinand II se plaignit qu'il n'y avait pas eu de déclaration de guerre; il reçut pour réponse que lui-même, l'empereur, avait auparavant envahi la Prusse sans remplir cette formalité.

La guerre de « dévolution » en 1667 commença sans déclaration aucune par l'entrée des troupes françaises dans les Pays-Bas espagnols que Louis XIV réclamait comme un héritage de sa femme.

Dans la longue guerre qui se termina par la paix de Riswick, Louis XIV ne publia de manifeste que lorsque ses armées étaient dans le Palatinat, où cependant la ligue d'Augsbourg lui donna l'apparence d'agir sur la défensive.

La grande guerre de la succession d'Espagne éclata plusieurs mois avant une déclaration.

Lors des agressions de l'Espagne sous Alberoni en 1718 contre la Sardaigne et la Sicile avec l'intervention de l'Angleterre, la déclaration de guerre eut lieu plus de quatre mois après la destruction de la flotte espagnole par l'amiral Byng à Passaro.

La querelle entre l'Angleterre et l'Espagne en 1726, terminée par la paix de Vienne en 1727, peut être regardée comme une série de représailles sur une large échelle : l'amiral anglais Hosier entrava la navigation espagnole en Amérique; l'Espagne, de son côté, assiégea Gibraltar sans aucune formalité.

Dans la guerre entre les mêmes États en 1758 à l'occasion du droit de recherche exercé par les garde-côtes espagnols, il n'y eut

de proclamation que plusieurs mois après que des lettres de marque et de représailles eurent été délivrées par l'Angleterre.

Au cours de la lutte entre l'Angleterre et la France, comme parties à la guerre de la succession d'Autriche, la bataille de Dettingen précéda de neuf mois les déclations d'hostilités.

L'invasion de la Silésie fut consommée en 1740 par la Prusse sans même faire valoir ni prétentions ni réclamations.

Les différends en Amérique entre la France et l'Angleterre, qui amenèrent la guerre de 1754, furent suivis d'hostilités sur mer jusqu'au printemps de 1756 sans déclaration de guerre.

L'envahissement de la Saxe et de la Bohême par Frédéric le Grand eurent lieu la même année presque à l'improviste.

En 1778 la Grande-Bretagne, trouvant un casus belli dans le traité d'alliance éventuelle intervenu entre ses colonies insurgées de l'Amérique septentrionale et la cour de Versailles, commença sans retard les hostilités sur mer, et déclara de bonne prise tous les bâtiments de commerce français mouillés dans ses ports. De même en 1792 elle adopta des mesures d'agression contre la marine marchande française, aussitôt après le rappel des ambassadeurs des deux nations. L'Assemblée nationale française répondit à ces violences précipitées en décrétant la guerre et en ordonnant la confiscation immédiate de toutes les propriétés ennemies.

Dans la guerre de 1812 entre la Suède et l'Angleterre le cabinet de Stockholm publia une déclaration de guerre; mais le gouvernement anglais ne suivit pas cet exemple: ce qui amena le juge de l'Amirauté, sir W. Scott, à déclarer qu'à ses yeux il n'était pas démontré que les sujets britanniques eussent perdu le droit de continuer leurs relations habituelles de commerce avec les ports de la Suède.

Lors de la guerre de 1812 entre l'Angleterre et les États-Unis les hostilités commencèrent dès que le congrès eut approuvé la guerre et sans qu'on eùt attendu que ce vote fùt communiqué à l'Angleterre et aux puissances neutres.

Nous mentionnerons aussi la guerre des États-Unis contre le Mexique en 1846, laquelle débuta par un conflit entre les troupes des deux républiques sur le territoire même en litige; l'état de guerre ne fut régularisé que par une déclaration subséquente du congrès de Washington.

Bien d'autres pays ont dans des temps rapprochés de nous procédé de la même façon ; mais comme leur conduite a dans tous

les cas été influencée par des circonstances exceptionnelles, il est assez difficile d'en déduire une règle générale *.

A qui appartient le

la guerre.

§ 1665. Le droit de faire la guerre appartient chez les nations civilisées au chef du pouvoir exécutif, agissant tantôt seul, tantôt droit de faire avec le concours ou l'agrément des autres corps de l'État. Comme les relations politiques entre les divers pays ne sont entretenues et cultivées que par l'intermédiaire du pouvoir suprême de l'État, il s'ensuit que ce pouvoir a seul qualité pour en déclarer la rupture et engager les forces vives de la nation dans la poursuite de la guerre; mais ce droit peut être délégué en subordination à l'État, soit par la transmission d'ordres à des autorités inférieures dans des circonstances particulières, à des gouverneurs de provinces éloignées ou de colonies, à une corporation commerciale, telle qu'était par exemple la Compagnie anglaise des Indes; soit par l'autorisation donnée à des individus de se livrer à des actes déterminés d'hostilité, comme cela se pratique par les lettres de marque et de représailles qu'on accorde pour les armements en course. L'exercice du droit de faire la guerre est réglé par les lois fondamentales ou la constitution de chaque pays.

Dans les anciennes républiques de la Grèce et de l'Italie, chez les tribus de l'antique Germanie, le pouvoir d'appeler la nation aux armes, de déclarer la guerre, appartenait au peuple tout entier en sa capacité collective. Au moyen âge chaque seigneur, chaque municipe s'était arrogé la faculté de prendre les armes contre son suzerain; mais lorsque les monarchies européennes se furent constituées sur les débris de la féodalité, le droit de la guerre passa naturellement aux souverains. Chez les nations modernes, chez celles du moins où la souveraineté réside dans le peuple, c'est celui-ci qui exerce le droit de guerre, tantôt directement et collectivement, par voie plébiscitaire par exemple, tantôt indirectement, par ses représentants ou ses organes naturels **.

'Twiss, War, §§ 35 et seq.; Wildman, v. II, pp. 6-8; Manning, p. 120; Valin, Com, liv. 3, tit. 6, § 3; Hale, Pleas of the Crown, v. I, p. 162; Martens, Nouv. causes célèbres, t. I, p. 406.

**Wattel, Le droit, liv. 3, § 4; Martens, Précis, § 264; Wheaton, Élém., pte 4, ch. 1, §5; Klüber, Droit, § 236; Cauchy, t. I, pp. 291 et seq.; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap.7; Bello, pte. 2, cap. 1, § 2; Ortolan, Règles, t. II, liv. 3, ch. 1; Phillimore, Com., v. III, pte. 9, ch. 4; Kent, Com., v. I, §§ 51, 52; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 9, § 15; Chitty, Law of nations, p. 28; Halleck, ch. 15, § 1; Polson, sect. 6, § 1, p. 37; Puffendorf, De jure, lib. 8, cap. 6, § 10; Réal, Science, t. V, ch. 2, sect. 1; Rayneval, Inst., liv. 3, ch. 1, § 6; Eschbach, Inst., p. 112; Kamptz, Neue lit., § 278; Pauli, Dissertatio de jure belli; Houzel, Const. sociale, pp. 492 et seq.; Berriat Saint-Prix,

Publication

de la guerre.

Manifestes aux nations neutres.

Résidence en pays ennemi.

1666. Le chef de l'État doit publier ou proclamer dans l'intérieur de son propre pays la déclaration de guerre pour l'instruction et la direction de ses sujets, pour fixer la date à partir de laquelle ils ont à exercer les droits particuliers que l'état de guerre confère aux sujets d'une puissance belligérante par rapport à l'ennemi, et pour leur communiquer les ordres qu'il croit devoir leur donner relativement à ce même état *.

S1667. Comme les effets de la guerre peuvent ne pas se limiter aux puissances qui y sont engagées directement, mais affecter des intérêts internationaux, il importe que les nations qui sont sur le point de devenir belligérantes notifient leur intention aux autres nations, afin que celles-ci sachent à partir de quelle époque elles sont tenues d'observer les devoirs de la neutralité; une parcille notification est même nécessaire pour rendre obligatoire l'accomplissement de ces devoirs, ainsi que pour éviter les difficultés qui pourraient autrement naître de la continuation des relations des personnes neutres avec les sujets des belligérants, comme par exemple dans le cas où des neutres conduiraient à l'ennemi des objets qualifiés de contrebande de guerre.

De là l'origine des manifestes, par lesquels les belligérants au commencement de la guerre annoncent aux autres puissances qu'ils ont pris les armes. Les documents de ce genre contiennent toujours implicitement, sinon en termes exprès, une déclaration de guerre et l'exposé des causes ou des motifs propres à la justifier.

Après que le manifeste a été remis par les agents diplomatiques des puissances belligérantes aux gouvernements des diverses puissances neutres, les sujets de ces gouvernements ne sauraient être admis à prétexter l'ignorance de l'état de guerre entre les parties intéressées **.

§ 1668. Une conséquence logique et immédiate de la déclaration de la guerre est celle qui autorise la détention comme prison

Théorie, pp. 492 et seq.; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 205, 206; Pinheiro
Ferreira, Précis de Martens, § 264; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. 3, § 4; Lawrence,
Elem. by Wheaton, note 179; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp 341, 342.

"Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 4, ch. 4, § 64; Ortolan, Règles, t. II, p. 12; Twiss, War, § 36; Heffter, § 121; Martens, Précis, § 267; Klüber, Droit, § 239; Halleck, ch. 15, § 3; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 414.

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Vattel, Le droit, liv. 3, § 64; Ortolan, Règles, t. II, p. 12; Twiss, War, §§ 33, 37; Heffter, § 121; Martens, Précis, § 267; Klüber, Droit, § 239; Halleck, ch. 15, § 22; Cussy, Dict., pp. 347, 442; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, p. 414.

niers de guerre des étrangers résidant dans le pays avec lequel leur patrie est en hostilité. Hàtons-nous toutefois de dire que ce droit absolu s'est adouci, grâce aux progrès de la civilisation, au point que de nos jours aucune nation chrétienne n'oserait l'exercer dans son extrême rigueur. Depuis le commencement du siècle l'usage a généralement prévalu d'accorder aux sujets de l'un des belligérants un délai moralement suffisant pour leur permettre de sortir du territoire de l'autre.

Vattel avait déjà établi à ce propos que « le souverain qui déclare la guerre ne peut retenir les sujets de l'ennemi qui se trouvent dans ses États au moment de la déclaration, non plus que leurs effets.» «Ils sont, dit-il, venus chez lui sur la foi publique, en leur permettant d'entrer dans ses terres et d'y séjourner; il leur a permis tacitement toute liberté et toute sûreté pour le retour. » Il en conclut qu'il doit leur marquer un temps convenable pour se retirer avec leurs effets; mais il admet que « s'ils restent au delà du terme prescrit, il est en droit de les traiter en ennemis, toutefois en ennemis désarmés. »

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Dans les temps modernes tous les traités de commerce stipulent qu'en cas de guerre entre les contractants on accordera de part et d'autre un délai pour que leurs sujets respectifs puissent sortir du territoire ennemi. Or cette stipulation, conforme aux vrais principes du droit naturel, a reçu une consécration trop générale pour qu'on ne doive pas la considérer comme ayant acquis la valeur d'un axiome international et comme étant moralement obligatoire pour les puissances mêmes qui ne se la sont pas appropriée par voie de traité. $1669. Plusieurs États ont d'ailleurs introduit dans leur législation intérieure des règles parfaitement d'accord avec ce que l'équité naturelle réclame sous ce rapport: ainsi un statut du roi Édouard III d'Angleterre fixait aux étrangers un terme de quarante jours pour sortir du royaume avec leurs biens.

En 1798 le congrès des États-Unis autorisa le président John Adams à accorder en cas de guerre un délai convenable aux sujets ennemis pour qu'ils pussent régler leurs affaires avant de sortir de la république.

En 1829 le gouvernement espagnol déclara Cadix port libre et décida qu'en cas de guerre les commerçants étrangers qui s'y trouveraient établis ne seraient pas considérés comme sujets ennemis, qu'il leur serait accordé un délai pour quitter la ville et que leurs biens ne seraient en aucun cas confisqués.

Vattel.

Preuves

historiques.

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