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Opinions de § 2520. «Il est du devoir des neutres, dit Bynkershoek, de faire Bynkershoek. en sorte de ne pas intervenir dans la guerre et de rendre égale et exacte justice aux deux parties, c'est-à-dire pour ce qui a rapport à la guerre qu'ils ne préfèrent pas une partie à l'autre. Un neutre n'a rien à faire avec la justice ou l'injustice de la guerre; il ne lui appartient pas de tenir la balance entre ses amis qui se font la guerre ni d'accorder ou de refuser plus ou moins à l'une on à l'autre partie, selon qu'il croit sa cause plus ou moins juste ou injuste. Si je suis neutre, je ne puis pas servir l'un afin de faire du tort à l'autre... Celui qui connaît ces devoirs et qui prend une part à la lutte cesse d'être neutre; il intervient entre les deux combattants, devient l'allié de l'un et l'ennemi de l'autre, et ne peut plus prétendre à jouir des bienfaits de la paix. Si l'un des combattants était son ami, l'État ne peut pas même lui accorder ces faveurs que les relations d'amitié conseillent en temps de paix; tout acte de partialité toléré et permis avant la guerre devient offensif une fois que la guerre a éclaté, et le neutre ne peut pas accorder ou refuser du secours plus ou moins à l'un qu'à l'autre sans perdre l'avantage de la neutralité. »

Klüber.

Wheaton.

Vattel.

Phillimore.

Klüber admet également qu'en temps de guerre un État neutre ne saurait être ni juge ni partie. Selon lui, «< il ne doit se permettre à lui-même ni à ses sujets la moindre action qui pourrait favoriser ou aider dans les opérations de guerre l'une des parties belligérantes... En vertu des lois de neutralité il ne peut par conséquent prêter secours de guerre à l'un des deux ennemis, ni permettre à ses sujets d'en prêter, notamment en qualité d'arma

teurs. »

Wheaton considère le neutre comme l'ami commun des deux parties; il lui est par conséquent interdit de favoriser l'une au détriment de l'autre. Il suit de là que le neutre manque aux devoirs de l'impartialité envers les deux parties belligérantes, quand il accorde les mêmes faveurs et des secours égaux à toutes les deux. La véritable impartialité consiste à refuser des secours aux deux combattants, et non à leur en donner dans la même mesure; d'ailleurs, comme le fait observer Vattel, « il serait impossible de le faire avec égalité; les mêmes choses, le même nombre de troupes, la même quantité d'armes, de munitions, etc., fournies dans des circonstances différentes, ne forment plus des secours équivalents. >>

Phillimore établit à ce sujet une distinction fort juste, quand il

dit que «< un peuple qui fournit aux deux parties des secours en hommes ou en argent peut être impartial; mais il n'est pas neutre. » La neutralité en effet ne consiste pas à favoriser également les deux belligérants; elle consiste à s'abstenir de toute participation même indirecte à la guerre; or la puissance qui fournirait des secours égaux aux deux belligérants ne s'abstiendrait pas de prendre part aux hostilités; elle y participerait au contraire des deux côtés à la fois*.

Envoi de troupes ou de vaisseaux de guerre à un

S 2321. L'État neutre non seulement ne doit ni envoyer des troupes à l'un des belligérants ni mettre des vaisseaux de guerre à sa disposition; il doit aussi empêcher que ses sujets ne pren- belligérant. nent part aux hostilités en s'enrôlant dans l'une ou l'autre armée, ou en acceptant des lettres de marque des belligérants, en un mot en coopérant à l'armement ou à l'accroissement des forces de l'un d'eux.

Mais lorsque des citoyens d'un État neutre entrent de leur propre initiative, sans autorisation de leur gouvernement, au service de l'un des belligérants, ces citoyens perdent dès lors les droits de sujets neutres et s'exposent à être traités comme ennemis. Ce fait cependant n'engage en rien l'État auquel ils appartiennent par leur origine, et partant ne constitue pas de sa part une violation des devoirs de la neutralité, car les citoyens isolés ne représentent pas l'État. Toutefois il pourrait encourir le reproche fondé d'enfreindre la neutralité, s'il tolérait sciemment sur son territoire la formation de corps francs ou de volontaires destinés à seconder l'un des belligérants au détriment de l'autre **.

Levée de troupes

neutre.

sur

$ 2522. Aucun État et à plus forte raison aucun belligérant n'a le droit de lever de force des troupes sur le territoire d'un un territoire neutre; il y aurait là atteinte manifeste portée à la souveraineté nationale, dont l'enrôlement des troupes est un attribut essentiel. Ces levées ne sauraient donc se faire sans le consentement de l'État sur le territoire duquel elles ont lieu; mais celui-ci, en au

Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 9; Klüber, Droit, § 284; Wheaton, pte. 4, ch. 3 §§ 3, 15; Vattel, Le droit, liv. 3, § 104; Phillimore, Com., v. III, § 150; Hautefeuille, Des droits, t. I, p. 271 et seq.; Fiore, t. II, pp. 370, 371; Bluntschli, § 756; Heffter, § 146; Massé, t. I, p. 200; Ortolan, Règles, t. II, p. 78; Kent, Com., v. I, § 116; Pando, pp. 456, 457; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, P. 445.

** Bluntschli, §§ 757, 758; Heffter, §§ 147, 148; Phillimore, Com., v. III, §§ 143 et seq.; Fiore, t. II, p. 378; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 15; Kent, Com., v. I, p. 120; Martens, Précis, § 309; Klüber, Droit, § 284; Pando, p. 456; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 305; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, p. 454.

Lois des États
Unis.

torisant l'un des belligérants à recruter des troupes chez lui, prend indirectement part à la guerre et viole les devoirs de la neutralité. Agir ainsi équivaut en effet à sanctionner l'accomplissement d'un acte d'hostilité, qui met en quelque sorte le territoire à la disposition de l'un des adversaires en vue de ses opérations militaires.

Autrefois on voyait assez souvent des princes tolérer ou autoriser la levée de volontaires dans leurs États, quand ils ne louaient pas eux-mêmes leurs propres troupes, « non pas, comme le fait remarquer Heffter, en vertu de traités d'alliance antérieurs à la déclaration de guerre, mais dans un pur esprit de lucre ».

Vattel, de son côté, soutient que « lorsqu'un peuple est dans l'usage, pour occuper et exercer ses sujets, de permettre des levées de troupes en faveur de la puissance à qui il veut bien les confier, l'ennemi de cette puissance ne peut traiter ces permissions d'hostilités, à moins qu'elles ne soient données pour envahir ses États ou pour la défense d'une cause odieuse et manifestement injuste. » A l'appui de sa doctrine il cite l'exemple des Suisses, qui accordent des levées de troupes à qui il leur plaît, et auxquels personne jusqu'ici ne s'est avisé de faire la guerre à ce sujet.

§ 2523. Des principes plus rationnels et plus équitables prévalent [1794-1818]. aujourd'hui. Lors de la guerre qui éclata en Europe par suite de la Révolution française, le gouvernement des États-Unis s'opposa aux tentatives faites sur son territoire par les puissances belligé rantes respectives pour enrôler des hommes. Il soutint que s'il est interdit à la puissance neutre, en raison de sa neutralité, de fournir des hommes à l'une ou à l'autre des parties pour l'aider dans la guerre, aucun des belligérants ne peut davantage en enrôler sur le territoire neutre. En 1794 le congrès vota dans ce sens une loi spéciale, confirmée et révisée en 1818. Cette loi déclare que c'est un délit pour toute personne sous la juridiction des États-Unis d'augmenter la force d'un vaisseau de guerre d'une puissance étrangère en guerre contre une autre puissance avec laquelle les États-Unis sont en paix, ou de préparer une expédition militaire contre les territoires d'une nation étrangère avec laquelle ils sont en paix; de lever ou d'enrôler des troupes ou des matelots pour un service étranger de terre ou de mer; de prendre part à l'armement d'un vaisseau pour croiser ou commettre des hostilités dans un service étranger contre une nation en paix avec

eux. »

S 2524. L'Angleterre est entrée dans la même voie en promulguant l'acte du parlement (59, Georges III, c. 69) intitulé: «< Acte pour empêcher l'enrôlement des sujets de Sa Majesté dans les armées étrangères et l'armement en vue d'une guerre, sans permission de Sa Majesté, dans les domaines de la couronne, » Les statuts 9 et 20 de Georges ler, qui avaient pour objet d'empêcher la formation en France et en Espagne de légions jacobites, punissaient de la peine de mort l'entrée au service d'un État étranger (1)*.

$ 2525. Dans le courant du mois d'août 1870 un grand nombre de sujets allemands établis aux États-Unis, ayant été appelés en raison de leur âge à faire partie de la landwehr dans la Confédération de l'Allemagne du Nord, s'embarquèrent à New York sur des navires neutres (anglais) pour se rendre à Anvers et de là dans leur pays afin de prendre part à la guerre contre la France.

Ce fait, accompli au su et au vu du cabinet de Washington, constitue-t-il une violation de la neutralité des États-Unis, soit au point de vue des principes généraux du droit international, soit au point de vue des lois intérieures américaines? Peut-on voir dans l'assistance pécuniaire que les consuls ont fournie à cette occasion pour faciliter à leurs nationaux le moyen d'aller remplir dans leur patrie leurs devoirs militaires une infraction par ces consuls aux devoirs de leur charge et aux lois territoriales du pays dans lequel ils exercent leurs fonctions? Enfin, les navires qui opéraient le trans, port de ces soldats ou miliciens allemands manquaient-ils aux devoirs de la neutralité? Pour nous, il n'est pas douteux qu'en rappelant ses nationaux et en chargeant ses agents de pourvoir à leur rapatriement le pays d'origine ne porte nulle atteinte à la neutralité du pays tiers; en effet les lois de tous les peuples civilisés reconnaissent comme une règle de droit public le rappel dans certaines circonstances solennelles, en cas de guerre par exemple, des nationaux résidant à l'étranger. Il y a par conséquent un intérêt de réciprocité internationale à respecter ce droit de gouver

(1) Voir pte. 3, liv. 1, § 2245.

* Phillimore, Com., §§ 142 et seq,; Bluntschli, §§ 760-762; Heffter, § 147; Twiss, War, §§ 223-225; Manning, pp. 180, 181; Fiore, t. II, pp. 379 et seq.; Klüber, Droit, § 285; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 16; Hautefeuille, Des droits, t. I, pp. 254, 255; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 22; Wolff, Jus gent., § 754; Vattel, Le droit, liv. 3, § 110; Galiani, Dei doveri, pte. 1, ch. 9, §5; Halleck, ch. 22, § 14; Pando' pp. 459, 460; Bello, pte. 2, cap. 7, § 4; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 11; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 305; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 454, 455.

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Armement de navires de

un Etat neu

des belligérants.

nement à gouvernement. Tel est le principe consacré par les ÉtatsUnis eux-mêmes dans l'article 2 de l'acte du 20 avril 1810, qui, après avoir proclamé la règle qu'on ne doit pas faire d'enrôlement sur le territoire de l'Union, fait exception pour les sujets des puissances étrangères qui ne sont pas naturalisés ou en voie de se faire naturaliser Américains.

Dans l'espèce les consuls allemands, se bornant à rapatrier des nationaux placés sous le coup de la loi militaire de leur pays, n'opéraient pas des levées ou un recrutement interdits par le droit des gens et ne s'écartaient pas des devoirs stricts de leur charge. Par contre les navires neutres qui s'étaient volontairement et sciemment affrétés dans le but de ramener dans leur pays des hommes appelés sous les drapeaux pour entrer en campagne compromettaient la neutralité de leur pavillon et étaient exposés à capture par les croiseurs belligérants, puisqu'ils avaient à bord non des passagers civils ordinaires, mais bien de véritables soldats se rendant sur le théâtre des hostilités.

S2326. Ce que nous venons de dire de la levée de troupes doit guerre dans s'appliquer également à la construction ou à l'équipement dans tre pour l'un un port neutre de vaisseaux armés en guerre par les soins ou pour le compte de l'un des belligérants. L'État neutre est moralement tenu d'exercer à ce sujet une surveillance des plus rigoureuses, et d'empêcher par tous les moyens en son pouvoir des actes éminemment hostiles.

Vente ou envoi d'armes

de guerre.

Pour constituer le délit il n'est d'ailleurs pas nécessaire que l'armement du navire de guerre ou du corsaire soit complet; il suffit qu'il soit commencé ou préparé, voire même que l'intention d'armer le navire en guerre soit dûment constatée *.

S2327. Les neutres doivent s'abstenir de fournir à l'un des et de matériel belligérants aucun secours propre à accroître ses forces. C'est pourquoi le fait de procurer des armes ou du matériel de guerre à l'un des adversaires en présence est considéré comme une infraction aux devoirs de la neutralité toutes les fois que le gouvernement ou le souverain de l'État neutre a concouru à la fourniture; mais l'État ne saurait être rendu responsable des envois d'armes, de munitions ou de matériel de guerre fait par de simples particuliers à leurs risques et périls et à titre de pure

* Bluntschli, §§ 763, 764; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 16; Kent, Com., v. I, p. 126; Dana, Elém. by Wheaton, note 215; Heffter, § 147; Fiore, t. II, pp. 378, 430 et seq.; Halleck, ch. 22, § 14; Pinheiro Ferreira, Cours, t. II, pp. 44-47.

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