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Bluntschli.

Achat de vivres pour

mées belligérantes.

opérations commerciales, ne saurait être rendu responsable ni se trouver compromis parce que quelques-uns de ses sujets feraient pour leur compte privé des prêts ou expédieraient des valeurs à l'un des belligérants.

« L'émission d'un emprunt de guerre, dit Bluntschli, lorsqu'elle a lieu publiquement et a pour but de favoriser un des belligérants, doit être assimilée à l'enrôlement de troupes. L'État neutre doit donc s'y opposer. Mais lorsque des particuliers soutiennent de leur fortune privée un des États en guerre, cet acte doit être assimilé à l'entrée d'un ou de plusieurs volontaires sous les drapeaux de l'une des armées en campagne. » Le même auteur soutient avec juste. raison qu'il ne faut pas confondre avec les emprunts ni considérer comme contraires aux obligations des neutres les collectes faites pour l'amélioration du sort des familles atteintes par la guerre, des blessés, des exilés, des prisonniers, etc., alors même que les sommes ainsi recueillies ne seraient appliquables qu'aux citoyens de l'un des États belligérants*.

$ 2352. La fourniture de vivres aux belligérants ou l'autorisation l'une des ar- d'en acheter sur le territoire neutre pour leur approvisionnement n'est pas non plus regardée comme un acte illicite, pourvu qu'elle s'étende aux deux adversaires indistinctement; mais elle pourrait revêtir le caractère d'une participation indirecte à la guerre, si elle se transformait en faveur accordée à l'un des belligérants seulement **.

L'auxiliaire

n'est pas neutre.

Vattel.

Wheaton.

$ 2353. Partant du principe qu'un souverain a le droit de venir en aide à ses alliés sans que pour cela il soit censé prendre part à la guerre, Vattel prétend que dans des cas semblables la neutralité ne se perd ni ne s'altère. Wheaton admet également que la neutralité puisse être modifiée par des engagements antérieurs liant le neutre à l'une des parties en guerre. « Ainsi, dit-il, le neutre peut être obligé par traité antérieur à la guerre de fournir à l'une des parties belligérantes un secours limité d'argent, de troupes, de vaisseaux ou de munitions de guerre, ou d'ouvrir ses ports aux vaisseaux de guerre de son allié avec leurs prises; l'accomplissement d'une pareille obligation ne détruit pas sa neutralité et ne le

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Bluntschli, § 768; Fiore, t. II, p. 383; Phillimore, Com., v. III, § 151; Kent, Com., v. I, p. 120; Halleck, ch. 22, § 15; Vattel, Le droit, liv. 3, § 110; Bello, pte. 2, cap. 7, § 3; Pando, p. 459; Pinheiro Ferreira, Vattel, note sur le § 110; Heffter, § 147; Hautefeuille, Des droits, t. I, p. 267.

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rend pas l'ennemi de l'autre nation belligérante, parce qu'il ne le rend pas l'associé général de son ennemi. »>

Bello, en invoquant les maximes du droit naturel, combat avec raison cette doctrine quelque peu subtile. A ses yeux, et nous ne pouvons que partager sa manière de voir, le secours qui constitue intrinsèquement une violation de la neutralité ne saurait perdre son caractère illégitime pour avoir été prêté en vertu d'un accord préalable contraire à tous les principes sur la matière *.

Bello.

Soldats belligérants ré

ritoire neutre.

$ 2334. Un des principes constants du droit international est qu'une nation neutre ne saurait permettre à un corps de troupes fugiés surterbelligérantes de trouver chez elle une base d'attaque, un point de rassemblement qui lui facilite la poursuite de ses opérations militaires. Mais à côté de ce devoir général l'humanité conserve ses droits, et les soldats qui pénètrent en pays neutre, s'ils sont dès ce moment obligés de renoncer à la continuation des mouvements stratégiques qu'ils opéraient, doivent être accueillis et traités individuellement avec bienveillance et charité. L'État neutre ne compromet pas sa situation en les accueillant, en leur donnant les vivres, les secours et les soins dont ils peuvent avoir besoin. La première précaution qu'il ait à prendre à l'égard de ces réfugiés, c'est de les désarmer, afin de leur retirer en quelque sorte tout caractère militaire. Il doit ensuite, par prudence, les interner, c'est-à-dire les éloigner le plus possible du théâtre des hostilités.

La doctrine comme la pratique du droit international varient. quant aux mesures ultérieures. Dans les temps modernes la règle générale veut que les soldats soient menés dans l'intérieur du pays et retenus par la puissance neutre jusqu'à la fin de la guerre. Certains auteurs soutiennent pourtant une doctrine différente ils prétendent que la puissance neutre ne manque à aucune de ses obligations juridiques envers les puissances belligérantes ni aux égards dus aux nationaux d'un pays ami, quand elle écarte les réfugiés de la frontière où leur présence pourrait être dangereuse

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Vattel, Le droit, liv. 3, § 105; Wheaton, Elem., pte 4, ch. 3, §§ 5, 6; Bello, pte. 2, cap. 7, § 2; Massé, t. I, § 173; Fiore, t. II, pp. 372 et seq.; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 2; Hubner, t. I, pte. 1, ch. 3, § 8; Kent, Com., v. I, p. 120; Phillimore, Com., §§ 138 et seq.; Manning, pp. 167, 168; Heffter, §§ 144 et seq.; Ortolan, Règles, t. II, pp. 76, 77; Hautefeuille, Des droits, t. I, p. 213; Martens, Précis, § 304; Klüber, Droit, § 281; Bluntschli, §§ 751, 759; Halleck, ch. 22, § 2; Garden, Traité, t. II, p. 337; Pando, pp. 457, 458; Pinheiro Ferreira, Précis de Martens, note sur le § 304; Moser, t. X, pte. 1, p. 145; Eggers, Leben von Bernstorf, liv. 2, pp. 118-195.

Pratique française.

et se borne, après les avoir désarmés, à les faire sortir de son territoire d'une manière non préjudiciable à l'ennemi qui les a refoulés, par exemple du côté opposé à celui où la lutte est engagée. Nous ne saurions, pour notre part, nous ranger à cette doctrine, qui transforme en quelque sorte le droit de refuge en un droit de passage (1). Or on s'exposerait à perdre la qualité de neutre en permettant, en tolérant même le passage de corps d'armée sur le territoire neutre; car si ce passage profite seulement à l'un des belligérants sans pouvoir profiter à l'autre, ce dernier peut exiger que le neutre le refuse à son adversaire.

Il faut toutefois faire une exception pour l'admission et le transport sur le territoire neutre de blessés et de malades appartenant aux armées belligérantes. C'est une règle d'humanité qui s'impose d'elle-même, d'autant plus qu'aujourd'hui les soins à donner aux blessés et aux malades sont neutralisés entre les belligérants eux-mêmes. Ainsi pendant la guerre entre l'Allemagne et la France en 1870 et 1871 la Suisse autorisa le transport des blessés des deux armées, non seulement isolément, mais même dans des convois spéciaux organisés par les sociétés de secours des deux pays belligé

rants.

La même raison d'humanité ne rend pas incompatibles avec la neutralité la réception et la protection dans les ports neutres des navires de guerre belligérants en détresse*.

$ 2355. Dans les circonstances exceptionnelles ou de force majeure dont nous nous occupons ici, la France a toujours compris le droit de refuge de troupes étrangères comme lui imposant la double obligation de faire désarmer les soldats et de les mettre hors d'état de participer de nouveau à la guerre: c'est ainsi qu'elle a agi notamment à l'égard de l'Espagne et de la Belgique de 1831 à 1850, et à l'égard de la Suisse lors des troubles de Neuchâtel. $ 2356. Pendant la guerre d'Italie en 1859 le gouvernement fédéral helvétique fit interner à Coire et à Lucerne les déserteurs et de 1870-71. ou les fugitifs italiens et autrichiens qui pénétrèrent dans les di

La Suisse pendant

les guerres

de 1859

vers cantons.

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(1) Voir ci-après, pte. 3, liv. 3.

Bluntschli, §§ 774, 775, 776; Rolin Jaequemyns, Revue de droit int., 1870, t. II, pp. 708-710; Hautefeuille, Des droits, t. I, p. 347; Heffter, §§ 147, 149; Pando, p. 465; Bello, pte. 2, cap. 7, § 6; Fiore, t. II, p. 384; Garden, Traité, t. II, p. 340; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 309; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, p. 479; Woolsey, § 166; Creasy, p. 586; Moser, Versuch, t. X, p. 238.

Au mois de janvier 1871 la Suisse vit non plus des détachements ou des individus isolés entrer sur son territoire, mais bien une armée nombreuse, qui avait encore un reste d'organisation et dont le commandant réclamait l'hospitalité d'un pays neutre. Cette demande fut l'objet d'une convention formelle conclue le 1er février entre le général français Clinchant et le général suisse Herzog (1); l'accès de la Suisse fut généreusement accordé à l'armée française dite de l'Est, mais à la condition expresse qu'elle abandonnerait son artillerie, ses armes, ses équipements et ses munitions, qui seraient restitués à la France après la paix et contre réglement des dépenses supportées par la Suisse. Les voitures de vivres et de bagages purent rentrer en France à vide, tandis que celles du trésor et des postes, ainsi que les caisses militaires, furent remises à la confédération, chargée d'en tenir compte lors du réglement des dépenses.

Nous avons à peine besoin de faire observer que cette convention militaire et l'acceptation intégrale de ses stipulations par le gouvernement français donnent une consécration formelle au principe que l'État chez lequel pénètrent des troupes refoulées contre ses frontières a le droit non seulement de réclamer de l'État auquel ces troupes appartiennent le remboursement des dépenses résultant de leur entretien, mais encore d'exercer un jus retentionis sur leur matériel de guerre *.

S 2337. La Belgique, qui, elle aussi, a vu de nombreux soldats de l'un et de l'autre belligérant se réfugier sur son territoire, s'est inspirée de sentiments d'un autre ordre. Non seulement elle n'a rien réclamé pour l'entretien des fugitifs français; mais encore les chevaux, les armes et les équipements tombés entre ses mains ont été restitués en totalité à la France. Il est vrai que, sauf les péripéties de la capitulation de Sedan, la frontière franco-belge et la frontière luxembourgeoise ne furent guère franchies que par des soldats isolés ou par de faibles détachements.

Voici au surplus les mesures que le gouvernement belge avait prises d'avance pour sauvegarder sa neutralité. Dès le 6 août 1870, le ministre des affaires étrangères de Belgique écrivait à son collègue de la guerre : « Il faut s'attendre à voir soit des soldats iso

(1) De Clercq, t. X; Villefort, Recueil des traités relatifs à la paix avec l'Allemagne, t. II, p. 245.

Bury, La neutralité de la Suisse, dans la Revue de droit int., 1870, t. II, pp. 636 et seq.

Pratique belge pendant la guerre de 1870-71.

lés, soit des corps de troupes refoulés par l'ennemi jusque sur notre sol. Laisser ces soldats ou ces troupes regagner leur patrie serait leur permettre de recommencer la lutte, alors que si notre territoire ne leur avait pas servi d'asile, ils eussent été faits prisonniers. Ce serait donc indirectement augmenter l'armée de l'un des belligérants, contrairement aux obligations qui découlent de la neutralité. En semblable occurrence il faudrait désarmer même par la force les bandes qui chercheraient un refuge chez nous, interner les soldats et les sous-officiers, et ne laisser circuler les officiers que s'ils donnent par écrit leur parole d'honneur qu'ils ne passeront point la frontière. Quant aux armes, elles ne pourraient être restituées qu'après la conclusion de la paix...

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Ce sont là les vrais principes sur la matière, et les instructions spéciales auxquelles ils servirent de base furent strictement appliquées à tous les soldats étrangers qui pénétrèrent sur le territoire belge; aucune exception ne fut même admise pour les blessés, qui, eux aussi, quoique accueillis et traités avec le plus charitable empressement, furent retenus en Belgique jusqu'à la conclusion de la paix. A la suite de négociations entamées avec le cabinet de Berlin, on convint seulement que les blessés reconnus impropres au service et ceux dont la convalescence était présumée devoir durer jusqu'à la fin des hostilités pourraient rentrer dans leurs foyers. Quant aux blessés reconnus, après guérison, être en état de reprendre leur service, ils furent ou internés avec les soldats valides, ou échangés contre des militaires de l'autre puissance belligérante. Conduite à $ 2538. Lorsque la neutralité vient à être violée et qu'il est belligérant en constaté que la violation est imputable à l'État neutre lui-même, 1ation de la le belligérant dont les droits ou les intérêts se trouvent lésés peut soit exiger des dédommagements ou une satisfaction quelconque, et même, dans des circonstances données, en faire un casus belli, soit se borner à déclarer qu'à l'avenir il ne respectera plus la neutralité de l'État qui y a le premier porté atteinte **.

tenir par le

cas de vio

neutralité par l'Etat tiers.

Neutralité individuelle.

2559. Quoique les obligations imposées par la neutralité atteignent tous les sujets du souverain qui a proclamé vouloir rester neutre, il est incontestable que les actes illicites imputables à un individu ne revêtent jamais le caractère de ceux qui engagent di

* Rolin Jaequemyns, Chronique du droit int., dans la Revue de droit int, 1870, t. II, pp. 708-710. Heffter, § 146; Bluntschli § 781.

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