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lui ayant donné l'assurance qu'il ne serait pas inquiété, le Belliqueux alla mouiller devant Bristol. A peine cut-il laissé tomber son anere qu'il fut capturé et les hommes de son équipage retenus comme prisonniers de guerre.

$ 2569. Du reste l'article 14 du réglement français du 26 juillet 1778 (1), confirmé par les articles 19 et 20 de l'arrêté du 6 germinal an VIII, place également les navires ennemis qui échouent sur les côtes de France sur la même ligne que les bâtiments capturés en pleine mer. Cette règle, qui dans sa rigueur semble confondre le droit d'asile et le droit d'hospitalité et qui ne s'étend jamais aux navires neutres, a dans la pratique été l'objet de plus d'une exception. Nous citerons comme exemple le cas d'une frégate anglaise, chargée sous le premier Empire de surveiller l'embouchure de la Loire, qui, s'étant de nuit trop approchée de la côte, s'échoua contre des roches à fleur d'eau. Sa perte était imminente sans le dévoûment des pêcheurs français accourus à son aide, lesquels parvinrent à la remettre à flot. Le gouvernement anglais répondit à cet acte de générosité en mettant en liberté les prisonniers francais que des liens de parenté attachaient aux marins qui avaient coopéré au sauvetage.

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Relache forcée

de l'ile de Cuba.

$ 2570. L'histoire maritime de l'Espagne offre un exemple analogue d'abnégation et d'humanité envers l'ennemi. En 1746 le sur les côtes capitaine Edwards, commandant le navire anglais Élisabeth, surpris par un de ces ouragans qui désolent si souvent le golfe du Mexique, alla se réfugier à la Havane; se présentant ensuite devant le gouverneur militaire de la place, il lui déclara qu'il lui remettait son navire et son équipage pour en disposer comme prise, s'il le jugeait convenable. Le gouverneur, tenant compte des raisons de force majeure qui l'avaient amené dans le port, lui répondit qu'il ne saurait voir en lui un ennemi, mais bien un naufragé, et qu'en conséquence il serait autorisé à réparer ses avaries et à remettre librement en mer, muni d'un sauf-conduit jusqu'aux iles Bermudes.

$ 2571 Lors de la guerre de la sécession aux États-Unis le gouvernement anglais déclara par ordre en conseil du 1er juin 1861 que les prises faites par l'un ou l'autre des belligérants ne seraient reçues dans aucun port du Royaume Uni. Se prononcer en termes aussi absolus, c'était peut-être dépasser ce que réclament les prin

(1) Martens, 1re édit., t. IV, p. 198; 2e édit., t. III, p. 18.

1861-1862. Principes de

l'Angleterre cerne le droit

en ce qui con

d'asile.

cipes de la neutralité et les devoirs découlant des stipulations conventionnelles; aussi, sur les représentations du gouvernement de 1862. Washington, dès le mois de janvier 1862 les ministres de la reine troduite dans Victoria publièrent-ils un réglement général, qui est encore en précédente. vigueur aujourd'hui, et qui peut se résumer ainsi l'entrée et le

Réforme in

la législation

Cas survenu à

séjour dans les eaux, les rades ou les ports du Royaume Uni et de ses colonies sont limités à vingt-quatre heures pour les navires de guerre et les corsaires des belligérants; ce délai ne peut être prolongé qu'en cas de tempête, d'avaries ou de manque de vivres; dès qu'il a pourvu à ses besoins, le bâtiment doit remettre en mer; les approvisionnements en vivres et en charbon ne peuvent dépasser les quantités indispensables pour atteindre le port national le plus rapproché. Les prescriptions de ce réglement, qui ont été appliquées durant la guerre de 1870 entre la France et l'Allemagne, réduisent, comme on voit, l'asile à un simple droit de refuge. Cette mesure peut sembler rigoureuse; mais au fond elle est strictement conforme à ce que la neutralité et les exigences de la guerre maritime imposent à ceux qui ne veulent prendre aucune part, même indirecte, aux hostilités. Voici au surplus les circonstances qui en ont provoqué l'adoption.

1861. § 2372. Vers la fin de l'année 1861 un navire de guerre des Southampton. Confédérés, le Nashville, entra dans le port de Southampton pour et la y subir des réparations sans lesquelles il était hors d'état de con

Le Nashville

Tuscarora.

Limite imposée à l'ad

mission de na

vires belligé

rants dans les

ports neutres.

Conventions françaises.

tinuer sa navigation. Peu de temps après la corvette fédérale la Tuscarora entra dans le même port pour surveiller son ennemi et l'attaquer dès qu'il reprendrait la mer. Devant cette attitude hostile les autorités locales intervinrent, et la Tuscarora, abandonnant son poste d'observation sans toutefois renoncer à ses projets, resta près d'un mois dans les eaux anglaises, au mépris des règles les moins contestées du droit international *.

2373. L'admission dans les ports d'un État neutre d'une forte escadre belligérante n'est jamais un fait indifférent; car elle peut susciter des dangers et des difficultés de plus d'une sorte. Aussi certaines nations ont-elles par des traités limité le nombre des bâtiments de guerre appartenant à une même escadre qu'elles consentent à admettre à la fois dans leurs eaux.

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Parmi les traités de ce genre conclus par la France nous men

Hautefeuille, Des droits, tit. 6, ch. 2, sect. 1; Ortolan, Règles, t. II, liv. 3, ch. 8, in fine; Pistoye et Duverdy, Traité, tit. 6, sec. 7.

tionnerons ceux du 11 avril 1713 (art. 7) avec le Portugal; du 25 août 1742 (art. 29) avec le Danemark; du 10 août 1797 (art. 5) avec le Portugal; et du 17 octobre de la même année (art. 17) avec l'Autriche (1).

hollandaises.

Par un traité remontant à 1667 (2) l'Angleterre et la Hollande Conventions convinrent qu'il ne pourrait entrer dans un même port plus de huit vaisseaux appartenant à l'un des contractants.

dano-génoise.

La convention signée en 1789 entre le Danemark et la Répu- Convention blique de Gênes (5) réduit ce nombre à quatre.

La Russie et le Portugal stipulèrent en 1798 (4) qu'ils n'admet- Convention traient respectivement que six navires à la fois.

russo

portugaise.

Tous les arrangements que nous venons de citer déterminent bien le nombre maximum des bâtiments de guerre qui peuvent être admis sur la même rade ou dans le même port; mais aucun ne spécifie ni la portée ni l'armement de ces navires: d'où l'on peut inférer que c'est là un point laissé à l'appréciation des autorités territoriales et subordonné aux circonstances de temps et de lieu*. S2374. L'usage impose certaines conditions aux bâtiments de guerre mouillés dans des ports étrangers sans arrière-pensée posées aux hostile. Voici celles qui sont habituellement exigées :

1° Ces bâtiments doivent entretenir des relations amicales et pacifiques non seulement avec tous les autres navires mouillés dans le même port, mais surtout avec les bâtiments armés appartenant à leurs ennemis.

2o Ils ne peuvent augmenter le nombre et le calibre de leurs canons, ni acheter et embarquer des armes ou des munitions de guerre.

3o Il leur est défendu de renforcer leur équipage et de faire des enrôlements volontaires, même parmi leurs nationaux.

4° Ils doivent s'abstenir de toute enquête sur les forces, l'emplacement ou les ressources de leurs ennemis, et ne pas mettre brusquement à la voile pour poursuivre ceux qui leur seraient signalés.

(1) De Clercq, t. I, pp. 14, 46, 329, 343; Calvo, t. II, p. 109; Castro, t. II, p. 243; t. IV, p. 32; Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 353; Wenck, t. I, p. 591; State papers, v. XXV, p. 1263; Martens, 1re édit., t. VII, p. 201; 2e édit., t. VI,

(2) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 44.

(3) Martens, 1re édit., t. IV, p. 532; 2e édit., t. IV, p. 438.

p. 413.

(4) Castro, t. IV, p 52; Martens, 1re édit., t. VII, p. 256; 2e édit., t. VI, p. 537; State papers, v. III, p. 1092.

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Hautefeuille, Des droits, tit. 6, ch. 2, sect. 1; Mably, Traité, II, p. 300.

Conditions générales im

navires belligérants dans

les ports neu

5 Il leur est également défendu de sortir du port moins de vingtquatre heures après le navire ennemi qui l'a quitté avant eux.

6 Ils ne peuvent employer ni la force ni la ruse pour recousser les prises faites sur leurs concitoyens, ou pour délivrer des prisonniers de leur nation.

7 Il leur est interdit de procéder à la vente des prises qu'ils ont pu faire tant qu'il n'est pas intervenu un jugement de condamnation et avant d'en avoir l'autorisation du souverain territorial.

Les règles que nous venons d'énumérer sont assez précises et assez généralement acceptées pour ne suggérer que de courtes réflexions sur leur portée pratique.

La première se justifie pour ainsi dire d'elle-même, et le bâtiment qui l'enfreindrait en se livrant à des actes hostiles dans le port neutre où il reçoit l'hospitalité perdrait aussitôt tout droit aux immunités acquises à la flamme militaire et deviendrait en même temps passible de l'action répressive des tribunaux locaux, qui dès lors ne se trouveraient plus en présence du représentant d'une force publique étrangère, mais d'un criminel ordinaire dont un intérêt d'un ordre supérieur, le maintien de la paix et du respeet de la souveraineté territoriale les autorise pleinement à réprimer les coupables écarts.

En principe la défense faite aux bâtiments belligérants de profiter de leur séjour dans les eaux neutres pour modifier leur armement et accroître leurs moyens agressifs est absolue de sa nature. Hautefeuille se montre pourtant disposé à admettre une exception lorsqu'il s'agit de transborder des canons, des fusils ou des munitions d'un navire sur un autre appartenant à la même nation, par exemple d'un corsaire qui désarme sur un bâtiment de guerre. C'est là une exception dont celui qui l'énonce n'a évidemment pas bien calculé les graves conséquences, les inextricables difficultés pratiques, et qu'en tout cas aucune nation pénétrée des devoirs stricts de la neutralité ne consentirait à tolérer et moins encore à sanctionner.

La troisième règle, qui a trait à la défense de renforcer les équipages et de faire des enrôlements de volontaires, est assez difficile à appliquer dans toute sa rigueur; car, avec les exigences inhérentes à certaines navigations, celle à vapeur par exemple, elle conduirait à mettre un bâtiment dans l'impossibilité matérielle de reprendre la mer. Ce sont évidemment des considérations de

cet ordre qui ont amené Galiani, Azuni et Hautefeuille à interpréter la défense comme ne devant s'entendre que des marins du pays, et non de matelots ou de volontaires appartenant à la même nation que le belligérant et destinés à ramener l'effectif de l'équipage du bâtiment au nombre que comporte un armement réglementaire. Dans cette limite nous croyons même que le bâtiment de guerre pourrait, sans violer la neutralité, enrôler des volontaires provenant d'un pays tiers.

Les prohibitions qui font l'objet de la quatrième et de la sixième règle sont empruntées aux lois générales de la guerre et peuvent se passer de commentaire. Sur mer comme sur terre toute trahison, toute arme déloyale sont sévèrement proscrites, et il n'est pas besoin de démontrer que c'est manquer à la fois à l'honneur et à la justice que de violer un territoire étranger ou de profiter, pour surprendre son ennemi, de la protection hospitalière accordée par un État neutre.

Concernant la cinquième condition, on peut dire qu'elle forme le complément de la précédente; car sans un intervalle de rigueur entre la mise en mer de deux belligérants ennemis le moins fort pourrait courir à une perte certaine ou se verrait condamné à rester indéfiniment à l'ancre pour ne point tomber au pouvoir d'un adversaire plus puissant. A ce sujet, on se demande si un navire belligérant peut sortir lorsqu'il n'y a pas vingt-quatre heures qu'un autre navire non ennemi a quitté le même port. Nous pensons, comme Hautefeuille, que cette question doit se résoudre par la négative, le caractère neutre ne mettant pas en toute hypothèse un navire à l'abri de visite et même de capture, en d'autres termes ne l'affranchissant pas de tout acte de guerre proprement dit.

En 1865 la guerre civile qui venait d'éclater aux États-Unis donna lieu à un échange de notes diplomatiques entre le repréentant de l'Angleterre à Madrid et le ministre des affaires étrangères espagnol; il résulte de ces documents que l'Angleterre et l'Espagne adhérèrent à la règle des vingt-quatre heures comme à un principe sanctionné par le droit international.

Mais ici se présente une question assez délicate par les conséquences pratiques qu'elle peut avoir. A qui revient de droit la priorité de sortie, lorsqu'il s'agit de deux ou de plusieurs navires de guerre se trouvant dans le même mouillage? L'usage veut qu'on donne la préférence au navire qui est arrivé le pre

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