Images de page
PDF
ePub

moment qu'il est permis par la nation qui a le droit de l'autoriser sur son territoire.

Pratique ancienne.

$ 2408. Dans l'opinion de Manning et de Phillimore, les Hollandais furent les premiers qui en 1674 prétendirent que l'Angleterre n'avait pas, comme puissance neutre, le droit de faire le cabotage des ports français; mais le cabinet de Saint-James ayant démontré que les traités en vigueur l'y autorisaient formellement, les Provinces Unies durent se désister de leurs prétentions. Parmi les traités qui ont reconnu aux neutres le droit de faire le cabotage nous mentionnerons ceux de 1675 (1) entre l'Angle-cordant le caterre et la Hollande, de 1676 (2) et de 1677 (5) entre les Provinces Unies et l'Espagne, de 1715 (4) entre l'Angleterre et la France, de 1725 (5) entre l'Espagne et l'empire d'Allemagne, et de 1795 (6) entre l'Espagne et les États-Unis d'Amérique.

D'autres traités ont, par contre, expressément refusé aux neutres la faculté de faire le commerce de cabotage des ports ennemis. De ce nombre sont ceux de 1691 (7) entre l'Angleterre et le Danemark, de 1762 (8) entre la Prusse et la Suède, et de 1801 entre l'Angleterre et la Russie (9).

1675-1795. Traités ac

botage.

1691-1801.

Traités qui

interdisent le cabotage.

commerce de

Principes admis par la

mée de 1780.

La neutralité armée de 1780 reconnut aux neutres le droit de se livrer aux opérations de cabotage dans les ports belligérants. neutralité arOn sait que l'adoption de ce principe fut provoquée par les injustes prétentions de la Grande-Bretagne, qui depuis 1756 s'était guidée dans la pratique d'après la doctrine contraire*.

$ 2409. L'histoire nous offre des exemples de concessions faites à un neutre pour se livrer à un trafic exclusivement réservé aux nationaux, sans que ce privilége fùt simultanément étendu à tous les États ou à tous les individus ayant le même caractère. Nul doute que dans de semblables conditions la faveur accordée à une

(1) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 288. (2) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 325. (3) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 340.

(4) Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 345.

(5) Cantillo, p. 218; Dumont, t. VIII, pte. 2, p. 124.

(6) Calvo, t. IV, p. 113; Elliot, v. I, p. 390; Cantillo, p. 665; State papers, v. VIII, p. 540; Martens, 1re édit., t. VI, p. 561; 2e édit., t. VI, p. 143.

[blocks in formation]

(9) Herstlet, v. I, p. 208; Martens, 1re édit., Suppl., t. II, p. 476; 2e édit., t. VII, p. 260.

Gessner, pp. 266-269, 287; Manning, p. 198; Phillimore, Com., v. III, p. 309; Heffter, § 165; Bluntschli, § 800; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 53 et seq.

Règle

de 1756.

Règle de 1793.

Cas pratique.

1800.

de la Havane aux ÉtatsUnis, puis en Espagne.

personne déterminée ne crée pour celle-ci une qualité qui la place en quelque sorte sous l'action des droits de l'autre belligérant. C'est du reste la concession par la France, sous Louis XV, au pavillon hollandais de priviléges de ce genre, qui amena l'Angleterre à adopter en 1756 la règle restrictive dont nous nous sommes déjà longuement occupé au livre II, section ш, de la deuxième partie de cet ouvrage, sous le titre : « Du commerce avec l'ennemi et des licences*. »

S 2410. On ne saurait confondre cette règle avec celle que l'Angleterre proclama et mit en pratique en 1793. Il existe entre elles la même différence qu'entre la concession de licences spéciales faite à titre de tolérance à des sujets ennemis pour garantir les propriétés engagées par eux dans l'exercice d'un trafic déterminé, et l'exception accordée à titre général à la même branche de commerce. Dans le premier cas il peut y avoir matière à confiscation, tandis que dans le second il n'en est jamais ainsi. D'ailleurs, comme le font remarquer Wheaton et Duer, la règle de 1756, telle qu'elle fut transformée en 1793, impliquait prohibition absolue de toute transaction commerciale sous pavillon neutre avec les colonies et les côtes ennemies.

S 2411. Pour faire ressortir combien l'interprétation juridique de cette même règle est préjudiciable aux neutres, un seul exemple suffira. En 1800 un bâtiment nord-américain avait amené de la Navire allant Havane aux États-Unis un chargement de denrées coloniales, dont les droits d'entrée avaient été régulièrement acquittés. Ayant peu de temps après rembarqué une partie de la même cargaison, i mit à la voile à destination d'un port d'Espagne et tomba pendant la traversée entre les mains d'un croiseur anglais, qui prétendit faire valider sa prise, en alléguant que le second voyage n'était que la continuation du premier. Mais le juge Sir W. Scott ordonna la restitution du navire, par la raison que le débarquement des marchandises et le paiement des droits de douane à l'entrée dans un port neutre prouvaient suffisamment que le second voyage avait été entrepris bona fide.

Sentence

du tribunal d'appel. 1805.

S 2412. Cinq ans plus tard, en 1805, la cour d'amirauté britannique rendit, sur appel, un jugement en sens contraire, posant en

[ocr errors]

Gessner, pp. 269-277; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 27; Phillimore, Com., v. III, §§ 21 et seq.; Heffter, § 165; Bluntschli, § 799; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 53 et seq; Bello, pte. 2, cap. 8, § 8; Manning, pp. 195 et seq.; Duer, v. I, pp. 699 et seq.; Kent, Com., v. I, p. 82; Halleck, ch. 26, §§ 19-21 ; Wildman, v. II, pp. 51, 71, 95.

principe la confiscation du navire et de la cargaison. Cette der-
nière décision était ruineuse pour le commerce nord-américain,
qui, plein de confiance dans la jurisprudence établie par Sir W. Scott,
s'était livré avec ardeur à ce genre de trafic; aussi le gouverne-
ment des États-Unis fit-il de vives réclamations afin d'en empêcher
l'application à titre général, alléguant que c'était introduire une
innovation subversive dans des principes qui avaient toujours été
considérés comme sacrés entre les nations; il alla même un mo-
ment jusqu'à envelopper dans cet anathème les règles de 1756 et
de 1793; mais il ne tarda pas à admettre que l'on pouvait faire
une distinction entre les deux, la première lui semblant justifiée,
tandis que la seconde avait à ses yeux un caractère tel que toutes
les nations neutres devaient s'opposer à son application.
règle de 1756, dit Kent, peut donc encore être considérée comme
douteuse et sujette à controverse. »> « Il est très-possible, ajoute-
t-il, que si les États-Unis atteignent le haut degré de puissance et
d'influence maritimes auquel semblent les appeler leurs grandes
ressources et leur rapide développement, et qui deviendrait suffi-
sant pour faire juger convenable à leur ennemi maritime (si jamais
pareil ennemi existait) d'ouvrir tout son commerce intérieur à des
neutres entreprenants, nous pourrions être portés à sentir plus
vivement que nous ne l'avons fait jusqu'ici le poids des argu-
ments des jurisconsultes étrangers en faveur de la sagesse et de
l'équité de la règle en question. »

« La

Protestations du cabinet de

Washington.

l'Emmanuel.

S 2415. Dans l'affaire relative à la capture du navire l'Emma- Cas du navire nuel Sir W. Scott justifia de la manière suivante les principes de la règle de 1756: « Les neutres, dit-il, ont le droit, lorsque la guerre éclate, de continuer leur commerce accoutumé, excepté pour les articles de contrebande et avec les ports en état de blocus. Je ne veux pas dire que par suite des accidents de la guerre la propriété neutre ne se trouve pas quelquefois mise en danger. Dans la nature des choses humaines il n'est guère possible d'éviter complètement cet inconvénient. Il y aura des neutres qui font sciemment un commerce illicite en protégeant les propriétés ennemies; il y en aura d'autres à qui l'on imputera injustement ce délit. Ce dommage est plus que compensé par le bénéfice que les dissensions des autres peuples procurent au commerce neutre. La circulation commerciale entravée en grande partie par la guerre reflue dans la même proportion dans les canaux libres. Mais, abstraction faite des accidents, la règle générale est que le neutre a

III.

33

le droit de continuer en temps de guerre son commerce accoutumé et même de lui donner toute l'extension dont il est susceptible. Il n'en est pas de même à l'égard d'un commerce que le neutre n'a jamais exercé, qu'il ne doit qu'à la supériorité des armes de l'un des belligérants sur l'autre, et qu'il abandonne au préjudice de celui dont la prépondérance est la cause que ce commerce lui a été accordé. C'est dans ce cas que se trouve le commerce colonial, généralement parlant, parce que c'est un commerce que la métropole se réserve exclusivement à deux fins s'approvisionner des produits particuliers de ses colonies, et se procurer un marché avantageux et sûr pour l'écoulement des siens propres. Quand la guerre interrompt cet échange, quels sont par rapport aux colonies les droits réciproques des belligérants et des neutres? Le belligérant a le droit incontestable de s'en emparer, s'il le peut, et il a un moyen presque infaillible de le faire, s'il se rend maitre de la mer. Les colonies tirent leurs provisions du dehors, et si en coupant leurs communications maritimes il parvient à les priver de -ce qui est nécessaire à leur subsistance et à leur défense, elles se ront contraintes de se rendre. En supposant donc que le belligérant emploie les moyens d'obtenir ce résultat, à quel titre un neutre pourra-t-il intervenir pour l'en empêcher ? Le neutre n'a point droit de tourner à sa convenance et à son profit les conséquences d'un simple acte du belligérant; il n'a point droit de lui dire : « Il est vrai que tes armées ont mis en danger la domination de ton ad« versaire sur ces pays; mais il faut que je participe au fruit de tes « victoires, quoique ce partage en diminue la valeur et en arrête le « succès. Tu as par des moyens légitimes arraché à l'ennemi ce monopole qu'il avait conservé contre le monde entier jusqu'à ce jour et que nous ne pensions jamais lui disputer; mais je viens « m'interposer pour t'empêcher d'achever ton triomphe. Je porte<< rai aux colonies de ton ennemi les articles dont elles ont besoin, et j'exporterai leurs produits. Tu as répandu ton sang et dépensé << ton argent non pas pour ta propre utilité, mais pour le profit « d'autrui... » Il n'y a donc pas de raison pour que les neutres s'ingèrent dans une branche de commerce qui leur a été constamment prohibée et qui ne leur est tolérée maintenant que grâce à l'urgence de la guerre. Si l'ennemi mis dans l'incapacité de faire du commerce avec ses colonies les ouvre aux étrangers, ce n'est pas de sa propre volonté, mais par suite de la détresse à laquelle nos armes l'ont réduit. »

[ocr errors]

«

[ocr errors]

Commerce des neutres

S2414. Halleck soutient pourtant qu'aujourd'hui les États-Unis regarderaient comme un acte immédiatement et directement hostile la sur les côtes tentative faite pour appliquer à leurs navires les mesures restrictives de 1793.

Phillimore, de son côté, prétend que le trafic réservé exclusivement en temps de paix aux nationaux sur les côtes ennemies ne peut être exercé par les neutres lorsque la guerre est franchement et ouvertement déclarée, mais que le même principe ne s'applique point au commerce d'un neutre avec l'ennemi quand il s'agit de cargaisons provenant d'un pays tiers également neutre.

S2415. Quant aux transactions commerciales avec les colonies, Phillimore pense, comme Story, que celui qui s'y livre avec l'autorisation de l'un des belligérants est passible de capture et de confiscation, bien que cette doctrine ne doive pas s'étendre aux cas auxquels s'applique la célèbre règle de 1793.

Gessner est d'opinion contraire. « Chaque nation, dit-il, peut en temps de paix entrer en relations avec les colonies d'une autre nation, si celle-ci le lui permet; l'explosion des hostilités ne change rien pour les neutres à l'état de choses qui la précédait, et ils peuvent agir en temps de guerre comme ils étaient libres de le faire en temps de paix. Une fois que les neutres ont le droit par la permission de la métropole de faire le commerce avec les colonies d'une puissance belligérante, ce commerce ne peut être soumis à d'autres restrictions que celles généralement établies par le droit international. On ne peut donc interdire aux neutres que le commerce des articles de contrebande. » Cette doctrine est, à notre sens, plus conforme aux principes modernes du droit des gens *.

* Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 27; Gessner, p. 277; Ortolan, Règles, t. II, liv. 3, ch. 6; Hubner, De la saisie, t. I, ch. 4, § 6; Kent, Com., v. I, p. 90; Heffter, § 174; Bello, pte. 2, cap. 8, §8; Halleck, ch. 26, §§ 22-26; Phillimore, Com., v. III, §§ 212225; Chitty, Law of nations, pp. 176 et seq.; Duer, v. I, pp. 701, 719-725.

ennemies.

Commerce des neutres

avec les colo

nies d'autres

Etats.

FIN DU TOME TROISIÈME.

« PrécédentContinuer »