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Opinions

des publicis

$ 1597. Parmi les publicistes modernes, les plus marquants adtes modernes mettent tous, directement ou indirectement, la légitimité de la

sur la guerre.

Wheaton.

Klüber.

Lieber.

Halleck.

guerre.

Wheaton dit que « les sociétés indépendantes appelées États ne reconnaissent ni arbitres communs ni juges, à l'exception de ceux qui sont constitués par des conventions spéciales. La loi qui les gouverne, ou qu'ils reconnaissent comme telle, manque de la sanction positive dont est revêtu le code civil de chaque nation. Chaque État a donc le droit de recourir à la force comme étant le seul moyen d'obtenir réparation des offenses qu'il a reçues, de la même manière que les particuliers auraient le droit d'y recourir, s'ils n'étaient soumis aux lois de la société civile. Chaque État a également le droit de juger par lui-même de la nature et de l'étendue des offenses qui peuvent justifier un semblable moyen de réparation. »

§ 1598. Klüber partage la même opinion, qu'il exprime dans des termes à peu près identiques : « Les nations, dit-il, ne reconnaissent point de supérieur ni de juge; chacune peut user de ses forces contre les offenses qu'elle éprouve, et par conséquent se faire droit à elle-même. »

1599. Le docteur Lieber affirme la légitimité de la guerre d'une façon plus directe et plus absolue encore. Selon lui, la guerre est pour les peuples un puissant élément de civilisation, et il cite comme exemple les résultats qu'eurent les guerres d'Alexandre le Grand dans les contrées qui en avaient été le théâtre.

Quelque paradoxal que cet argument puisse paraître, ajoutet-il, il est indubitable que la guerre met les peuples en contact immédiat et opère un fécond échange de pensées et de sentiments entre les nations, qui autrement resteraient toujours isolées ; c'est une lutte, c'est un état de souffrance nécessaire, mais en même temps salutaire pour l'humanité. »

S 1600. Halleck proclame les mêmes idées et les soutient énergiquement, quoiqu'à l'aide d'arguments généralement faibles ou insuffisants.

Opera; Wayland, Elem. moral science; Dymond, Essays, essay 3, ch. 19; Vera, Int. à la phil. de Hegel; Cousin, Int. à l'hist. de la phil.; Gibbon, Décadence, ch. 43; Laurent, Droit des gens, t. X, pp. 477 et seq.; Vattel, Le droit, liv. 3, § 39; Phillimore, Com., v. III, §§ 49, 50; Twiss, War, §§ 26 et seq.; Halleck, Elem., ch. 13, SS 16 et seq.; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 21; Fiore, t. II, p. 236; Lieber, Political ethics, b. 7, §§ 17 et seq.; Neander, Gesch, der Christ religion, b. 1, p. 249; Funck Brentano et Sorel, Précis, p. 232.

$1601. L'éminent jurisconsulte français Portalis est on ne peut Portalis. plus explicite à ses yeux, la guerre est le « résultat inévitable du jeu des passions humaines dans les rapports des nations entre elles»« C'est, dit-il, dans les desseins de la Providence un agent puissant, dont elle use tantôt comme d'un instrument de dommage, tantôt comme d'un moyen réparateur. La guerre fonde successivement et renverse, détruit et reconstruit les États. Tour à tour féconde en calamités et en améliorations, retardant, interrompant ou accélérant les progrès ou le déclin, elle imprime à la civilisation, qui naît, s'éclipse et renaît pour s'éclipser encore, ce mouvement fatidique qui met alternativement en action toutes les puissances et les facultés de la nature humaine, par lequel se succèdent et se mesurent la durée des empires et la prospérité des

nations... >>

$ 1602. Hegel voit dans la guerre la dispute d'un peuple dont l'idée a fait son temps et qui doit disparaître, et d'un peuple qui représente l'idée le plus en rapport avec l'esprit général de l'époque et qui doit nécessairement arracher la domination à l'autre. « La guerre n'est pas autre chose qu'un échange sanglant d'idées; une bataille n'est pas autre chose que le combat de l'erreur et de la vérité; la victoire n'est pas autre chose que la victoire de la vérité du jour sur la vérité de la veille, devenue erreur du lendemain... » Aussi, selon lui, un peuple n'est progressif qu'à la condition de faire la guerre. Une pareille argumentation, comme on le voit, sort absolument du domaine des idées positives pour s'aventurer sur celui des fictions spéculatives et abstraites; le philosophe a beau invoquer le témoignage de l'histoire : « Ce n'est pas moi qui le dis, écrit-il, c'est l'histoire » ; on ne saurait le suivre sur cette pente du fatalisme, où l'entraîne une théorie confuse et obscure. S1603. D'après Ortolan, « il est dans la vie des nations des cas où une impérieuse nécessité commande de prendre la voie des armes; lorsque la guerre est le seul moyen pour soutenir ses droits outragés ou méconnus, un État ne doit pas hésiter à la faire, sous peine de porter atteinte à son honneur et de préparer sa décadence. D'ailleurs la guerre n'est pas toujours un mal; quelquefois elle est le souverain remède à des maux intérieurs; elle retrempe les caractères amollis et viciés par une longue paix; elle est souvent un moyen de propagation des idées généreuses et du progrès. Les plus nobles vertus, l'amour de la patrie, l'abnégation de soi-même, l'humanité se sont souvent réfugiées dans les camps. »

Hegel.

Ortolan.

Phillimore.

Heffter.

Proudhon.

Parieu.

Giraud.

§ 1604. Phillimore admet la nécessité de la guerre et des lois qui y ont trait il les regarde comme une conséquence de la nature dépravée des sociétés, exactement comme la nécessité du droit criminel d'une société est la conséquence de la nature dépravée de l'individu.

§ 1605. Heffter se prononce également pour la légitimité de la guerre. Son argumentation est aussi concluante que remarquable « Aucune société, dit-il, ne peut compter sur une paix perpétuelle. Les nations, comme les individus, pèchent elles-mêmes et entre elles. Supposer un âge d'or sans la guerre et sans ses nécessités, c'est supposer un état des nations exempt de fautes. Il est certain que la guerre, en provoquant un certain mouvement moral, raffermit des forces qui pendant la paix dorment ou s'émoussent sans profit. En offrant une protection contre l'injustice et contre les violations de la volonté libre et rationnelle des nations, elle conduit elle-même au rétablissement de la paix troublée. Loin de vouloir l'ignorer, le droit international doit donc, au contraire, lui tracer ses lois. »

S 1606. Cette pensée a été développée par Proudhon, dans son livre La guerre et la paix, sous une autre forme. Cet écrivain prétend que la guerre conduit nécessairement à la paix, mais que celle-ci est une manifestation de la conscience universelle à laquelle le monde n'est pas encore arrivé; c'est ce que résume cette formule concise de M. de Parieu: « La paix éternelle est impraticable, mais indéfiniment approximable » (1).

S1607. Examinant quelle influence le droit des gens exerce dans le conflit auquel nous venons d'assister entre la France et la Prusse, M. Giraud, membre de l'Institut de France, dit que « les guerres sont des crises quelquefois nécessaires, comme certaines maladies ». Ceux, ajoute-t-il, qui ont rêvé la perpétuité de la paix ne connaissent pas l'humanité. Le monde est un vaste théâtre d'action. La liberté de l'un s'y heurte constamment contre la liberté de l'autre; de là tous les conflits, mais aussi le sentiment du droit, qui n'est autre chose que le réglement de la liberté. Une société constituée en paix perpétuelle tomberait peut-être en décomposition; mais la guerre, quand elle éclate, doit être juste, motivée et mesurée. Elle n'est légitime qu'autant qu'elle est nécessaire. Dans de pareilles conditions la guerre

(1) De Parieu, Cours de politique, p. 371.

peut retremper les mœurs publiques et relever le caractère des

nations... >>

Comme progrès résultant d'une notion plus juste du droit des gens, M. Giraud constate que désormais « la lutte est restreinte dans les bornes d'un conflit politique par le ministère des armées régulières, la participation de tout un peuple à la guerre demeurant exclue des usages comme une irréparable calamité. »

§ 1608. Dans un ouvrage récent que lui a inspiré la dernière lutte entre la France et l'Allemagne, M. Charles Sumner, un des membres les plus éminents du Sénat des États-Unis, considère la guerre comme un acte qui tient de la barbarie, comme la reproduction en grand des rencontres individuelles au pistolet ou à l'épée; et de cette assimilation il déduit l'espérance que le droit international finira par reconnaître, avec l'assentiment général des cabinets, la règle de l'arbitrage avant les hostilités; que de même que des tribunaux d'honneur ou des conférences d'amis préviennent un grand nombre de duels, l'arbitrage ajustera la majeure partie des différends entre les États et empêchera la plupart de ce qu'il appelle des duels nationaux.

Pour justifier la généreuse espérance de M. Sumner, nous devons rappeler que le traité de Paris de 1856 contenait le principe de l'arbitrage; malheureusement la guerre de 1870 nous à prouvé qu'une pareille déclaration de principes est encore purement théorique ou demeurée à l'état de lettre morte, car les diverses offres d'arbitrage qui ont été faites par les puissances neutres ont été tour à tour déclinées par l'un ou l'autre des belligérants.

1609. C'est ce qui fait dire à M. Michel Chevalier, en terminant l'analyse du livre du sénateur américain: « Le moyen d'empêcher toute guerre, même inique, même digne de l'exécration universelle, n'existe pas; il n'existera jamais. Cependant on peut rendre la guerre beaucoup moins fréquente; le progrès de la civilisation permet de l'espérer, et l'arbitrage est un expédient honorable, moral, qui réussira dans un grand nombre de cas. Que des hommes d'État, praticiens consommés, tels que M. Charles Sumner, insistent pour que l'arbitrage soit inscrit parmi les règles du droit international; qu'ils décident quelque grande nation, comme serait celle des États-Unis, à en prendre l'initiative, et c'est un immense service qu'ils auront rendu au monde. » M. Michel Chevalier admet néanmoins comme vraisemblable que, « conformément aux prophéties de M. Sumner, il se formera avant longtemps une opinion

Charles

Sumner.

Michel

Chevalier.

européenne ou plutôt universelle, qui s'imposera aux gouvernements et qui, après avoir introduit de nouvelles règles dans le droit international, en déterminera l'observation *. »

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Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 1, § 1; Klüber, Droit, § 232; Lieber, Pol. ethics, b. 7, §§ 20, 21; Halleck, ch. 13, § 27; Portalis, Académie des sciences morales et pol., t. XXXVIII, p. 457; Ortolan, Règles, t. II, liv. 3, ch. 1, p. 5; Phillimore, Com., v. III, p. 67; Heffter, int., § 4; Proudhon, La guerre et la paix, t. II, p. 382; Giraud, Revue des Deux Mondes, 1er févr. 1871; Sumner, Le duel entre la France et l'Allemagne; Michel Chevalier, Journal des Débats, 11 octobre 1871.

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