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Lisbonne coïncidait précisément avec le moment de la retraite des escadres alliées qui laissait les ports russes débloqués, et que cette dissimulation de plus sur les papiers de bord ne serait que la reproduction d'une fraude analogue à l'aide de laquelle ce même bâtiment avait été précédemment expédié de Lisbonne pour Elseneur par le même négociant Schaltz avec un chargement destiné en réalité pour la Russie;

Mais que, sans recourir même à cette, supposition, l'expédition du navire pour Hambourg cachait, suivant toute apparence, sinon pour le navire, du moins pour le chargement, une destination ennemie, attendu qu'il était de notoriété publique que la ville de Hambourg avait reçu dans le courant de l'année précédente des quantités de salpêtre qui excédaient de beaucoup ses importations habituelles; qu'au mois de décembre, à l'époque même où la WrowHouwina pouvait être attendue à Hambourg, des tentatives avaient été faites par des négociants de cette ville pour obtenir d'un armateur de Lubeck l'affrètement d'un bâtiment destiné à porter en Russie du plomb, du salpêtre et du soufre, et qu'à la fin du mois de janvier suivant une autre expédition de plomb et de salpêtre, partie de Hambourg par chemin de fer à destination de Koenigsberg, avait été de cette dernière ville dirigée par terre et par traineaux russes vers la frontière de Russie du côté de Kowno, etc. » Le conseil déclara valable la saisie du salpêtre. Quant au navire, il avait été antérieurement au jugement relâché comme neutre.

Prohibition des transports

§ 1716. Si certains transports de territoire ennemi à port neutre et vice versâ constituent une opération illicite, à plus forte par cabotage. raison en est-i lainsi des expéditions faites entre deux ports ennemis par voie de cabotage.

Sans aller aussi loin que Duer, qui voit là un véritable acte de trahison, on comprend que, par cela seul qu'un trafic de ce genre peut avoir pour effet de fournir des secours à l'ennemi, les objets et les marchandises auxquels se rapportent ces transactions sont passibles de saisie et éventuellement de confiscation **.

§ 1717. Mais on peut se demander si une simple tentative faite pour trafiquer avec l'ennemi de façon ou d'autre et qui viendrait à

Wheaton, Elem., pte. 4, ch. 1, § 17; Pistoye et Duverdy, t. II, pp. 523 et seq.; Duer, v. I, lect. 6, § 13; Phillips, v. I, § 237; Wildman, v. II, p. 20; Halleck, ch. 21, § 11; Robinson, Admiralty reports, v. IV, p. 83.

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Kent, Com., v. I, p. 87; Duer, v. I, lect. 6, §14; Halleck, ch. 21, § 11; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 1, § 17.

Tentative déjouée.

en

être déjouée avant son entier accomplissement entraînerait de plein droit la confiscation de la propriété. A nos yeux, ce serait franchir les limites de la stricte équité que d'assimiler en cette matière l'intention au fait et d'étendre à l'infini le principe de confiscation, sans tenir compte des circonstances.

Cas pratique S 1718. Au commencement de ce siècle un navire anglais, se Angleterre. rendant dans une colonie hollandaise des Antilles, alors en guerre avec la Grande-Bretagne, fut capturé avant d'être arrivé à destination. Le juge sir William Scott ne le considéra pas comme étant de bonne prise, en se fondant sur ce que son voyage n'était pas consommé.

La neutralité d'une maison

Malgré l'incontestable autorité de ce magistrat, nous pensons que ce précédent doit être admis avec une grande réserve, en raison surtout de ce qu'il émane de l'amirauté anglaise. En effet il suppose l'application d'un principe d'équité peu conciliable avec la règle que le fait qui rend la marchandise coupable est censé consommé dès qu'un navire, fût-il sur lest, a mis à la voile pour un port ennemi **.

S 1719. Il ne suffit pas pour échapper à la confiscation que de commerce les biens saisis à raison de trafic illégal appartiennent à une maison la propriété de commerce neutre; il faut encore que celle-ci n'ait aucun associé dant en pays résidant sur le territoire ennemi; car autrement la portion cons

ne couvre pas

du sujet rési

ennemi.

Vente d'un navire à un

tituant la propriété de cet associé, placé sous la dépendance politique du belligérant, pourrait également être déclarée de bonne prise, quand bien même la direction supérieure de la société serait confiée à d'autres mains ***.

§ 1720. Nous avons déjà expliqué dans une autre partie de cet sujet neutre. ouvrage l'importance que les cours de prises et les tribunaux maritimes attachent à l'examen des titres de propriété d'un navire de provenance ennemie, et les conditions dans lesquelles ces titres peuvent influer sur la légitimité de la prise. Il n'est pas moins essentiel de scruter avec prudence et circonspection la vente de navires nationaux faite à des neutres. Que cette vente se soit effectuée après l'ouverture des hostilités et que le navire vienne à être employé au trafic avec l'ennemi, il est clair qu'on sera plei

* Duer, v. I, lect. 6, § 16; Wildman, v. II, p. 22; Halleck, ch. 21, § 13.

Duer, v. I, lect. 6, § 16; Wildman, v. II, p. 22; Halleck, ch. 21, § 13; Robinson, Admyralty reports, v. V, p. 251.

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Duer, v. I, lect. 6, § 17; Wildman, v. II, pp. 19, 20; Halleck, ch. 21, § 14; Robinson, Adm. rep., v. VI, p. 127.

nement autorisé à concevoir des soupçons de fraude et à prononcer une sentence de confiscation.

$ 1721. C'est ainsi qu'un navire anglais, vendu à un sujet neutre après l'ouverture des hostilités entre l'Angleterre et la Hollande, et capturé au moment où il naviguait entre Guernesey et Amsterdam sous la conduite du capitaine qui en était précédemment propriétaire, fut déclaré de bonne prise.

Comme on le voit, c'est là une de ces questions de bonne foi fort difficiles à apprécier, et pour la solution desquelles les pièces de bord, les actes de vente ou autres ne fournissent le plus souvent que des éléments très-imparfaits *.

Capture d'un entre Guerne

navire anglais

sey et Ams

terdam.

Acceptation d'une patente

$ 1722. Une loi générale d'ordre public, qui se justifie d'ellemême, veut que les expéditions d'un navire marchand soient toutes de l'ennemi. exclusivement délivrées par l'État dont le navire porte le pavillon. Accepter une commission ou patente du belligérant ennemi et en faire usage crée pour le bâtiment et pour la cargaison une cause légitime de confiscation pendant toute la durée de la période à laquelle s'applique ce document. Cette conséquence rigoureuse, mais juste, est fondée sur ce que le citoyen qui se prévaut de la protection de son adversaire manque à la fidélité qu'il doit à sa patrie.

Dans l'affaire de la Julia Story soutint avec raison devant la cour suprême des États-Unis qu'il n'était pas admissible qu'en plein Océan on pût jouir d'une position neutre à l'aide d'une faveur reçue au mépris des devoirs les plus sacrés, les plus impérieux de la nationalité, et contrairement aux intérêts généraux de l'État.

Certains publicistes vont même jusqu'à prétendre que la prohibition s'étend à tous les territoires qui de fait ou de droit se trouvent sous la domination de l'ennemi, ce qui ne laisse pas que de présenter de grandes difficultés, par exemple dans les cas de soulèvements populaires, de guerres civiles ou d'émancipation de colonies.

L'application stricte de cette règle, admise au moins tacitement par Halleck, nous semble dangereuse dans l'état actuel des relations internationales, et inconciliable avec les principes fondamentaux professés par les publicistes américains. Ainsi l'on sait que la ma

Duer, v. I, lect. 4, §§ 46 et seq.; lect. 6, §§ 18, 19; Phillimore, Com., v. III, § 486; Halleck, ch. 21, § 15; Robinson, Adm. rep., v. I, pp. 252, 253; v. VI, p. 71.

Passavants et licences.

Caractère des permis pour trafiquer.

jeure partie des républiques sud-américaines ont été reconnues
depuis peu par l'Espagne, tandis que le Pérou n'a pas encore vu
reconnaitre son indépendance par son ancienne métropole (1).
Qu'adviendrait-il, si l'Espagne venait à déclarer la guerre à une
autre nation de l'Europe? Pourrait-elle déclarer de bonne prise
les navires péruviens saisis à raison du trafic avec l'ennemi auquel
ils seraient employés? Il y aurait là une contradiction que nous ne
saurions, pour notre part, accepter comme logique ou légitime *.
$ 1723. L'Angleterre, dans presque toutes ses guerres mari-
times, a fréquemment eu recours à des passavants ou à des li-
cences pour permettre à ses sujets de commercer avec l'ennemi :
en 1808 et en 1809 elle en a délivré 16,000 et 8,000 dans la
seule année 1811.

Les dernières guerres européennes, celle de Crimée en 1854, celle d'Italie en 1859 et celle de 1878 entre la France et l'Allemagne, ont considérablement modifié cette partie du droit international. L'histoire de la neutralité et la discussion de ses droits et de ses devoirs nous fourniront l'occasion d'examiner ces modifications plus en détail et d'en apprécier la valeur pratique **.

$ 1724. Certains belligérants sont dans l'usage d'accorder à leurs nationaux, aux ennemis ou aux neutres des licences de commerce, qui ne sont autre chose en réalité qu'un sauf-conduit pour continuer licitement et sans crainte de capture des opérations mercantiles prohibées par les lois générales de la guerre. Sans force ni valeur à l'égard de la partie adverse, ces licences ne lient que les autorités constituées et les tribunaux de l'État qui les a délivrées; quant aux personnes qui en font usage, elles s'exposeraient à de sévères pénalités, si elles s'écartaient le moins du

(1) Depuis que ceci est écrit la situation du Pérou et de l'Espagne à l'égard l'un de l'autre est complètement changée. Le 14 août 1879 leurs représentants à Paris ont signé un traité par lequel les deux pays ont stipulé entre eux « un oubli complet du passé et une paix solide et inviolable »; et après l'échange des ratifications, qui a eu lieu à Lima le 2 octobre suivant, les relations diplomatiques ont été établies au moyen de l'envoi réciproque de ministres et d'agents consulaires respectifs.

Quoi qu'il en soit nous maintenons les lignes qui se rapportent à leur situation antérieure, comme précédent à invoquer ou comme exemple à citer d'une position analogue existant peut-être ailleurs ou de nature à se présenter éventuellement.

Kent, Com., v. I, pp. 91, 92; Phillimore, Com., v. III, § 488, p. 613; Duer, v. I, lect. 6, §§ 31, 34; Wildman, v. II, pp. 115-117, 259, 260; Halleck, ch. 21, §§ 19, 20; Phillips, v. I, ch. 3, sect. 2, § 253.

** Bello, pte. 2, cap. 2, § 3; Hautefeuille, Des 'droits, t. I, prélim., p. 19, note; Klüber, Droits, § 315, note b.

monde de la teneur du privilége qu'elles ont obtenu, c'est-à-dire si elles franchissaient les limites de temps et de lieu de leurs licences, ou s'adonnaient à un trafic autre que celui qu'on a entendu leur permettre, soit pour la quantité, soit pour l'espèce et la qualité des marchandises embarquées*.

§ 1725. Dans certains pays on accorde parfois des licences générales, qui équivalent alors à une suspension complète ou partielle de l'exercice du droit de guerre. Ces licences émanent soit du souverain même de l'État, soit d'une personne gouverneur, général d'armée ou chef d'escadre — investie de pouvoirs spéciaux à cet effet.

Lors de la guerre qu'elles firent en commun à la Chine en 1860 la Grande-Bretagne et la France publièrent dans ce but une déclaration formelle (1).

Aux États-Unis les licences générales sont consacrées en temps ordinaires par un acte du Congrès, et seulement dans des cas d'urgence par le président de la république en sa qualité de général en chef des forces militaires et navales **.

$ 1726. En dehors de ces permissions générales, il est aussi d'usage de délivrer des licences spéciales, individuelles, soit pour voyager, soit pour importer ou exporter certaines marchandises déterminées. La forme de ces actes varie à l'infini et dépend autant des limites dans lesquelles se renferme leur emploi que des pouvoirs de l'autorité appelée à en faire la délivrance.

Licences générales.

Licences spéciales.

Cas survenu
pendant
la guerre
entre les

$ 1727. A une époque rapprochée de nous on a vu faire usage de cette dernière espèce de licences pendant la guerre des ÉtatsUnis contre le Mexique, en raison à la fois de la disette de vivres États-Unis et du manque de navires américains dans les ports du sud de l'Union ***.

§ 1728. Les abus inhérents à la délivrance et à l'usage de licences spéciales délivrées soit à l'ennemi, soit aux navires neutres, ont soulevé de nombreux conflits devant les tribunaux de prises.

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Le cas le plus remarquable dans ce genre est celui du navire

Wheaton, Élém, pte. 4, ch. 2, § 26; Chitty, Law of nations, ch. 7; Kent, Com.,

v. I, pp. 166, 167; Manning, pp. 123, 124; Duer, lect. 6, §§ 37 et seq.; Wildman, v. II,

p. 245; Halleck, ch. 28, §1; Pistoye et Duverdy, Traité, t. II, pp. 85 et seq.

(1) De Clercq, t. VIII, pp. 35, 36.

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Wildman, v. II, pp. 245, 255; Halleck, ch. 28, § 2; Duer, v. I, lect. 6.

Duer, v. I, lect. 6, § 38; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 27; Wildman, v. II, pp. 246, 247; Halleck, ch. 28, § 3; Cushing, Opinions, v. VI, p. 630.

et le Mexique.

Décisions judiciaires en matière de licences.

Affaire du naviro américain The Hope.

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