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Prétaire.

toujours préfent de cinquante mille hommes, fupérieurs aux autres foldats par leurs armes & par leurs inftitutions, feroit évanouir tout efpoir de rebellion, & affureroit l'Empire à fa poftérité. Préfet du Le commandement de ces guerriers redoutables & fi chéris du Souverain, devint bientôt le premier pofte de l'État. Comme le Gouvernement étoit dégénéré en defpotifme militaire, le Préfet du Prétoire, qui, dans fon origine, avoit été fimple Capitaine des Gardes, fut placé à la tête, non-feulement de l'Armée, mais encore de la Finance & même de la Légiflation, Il repréfentoit la perfonne de l'Empereur, & exerçoit fon autorité dans toutes les parties de l'Adminiftration. Plautien, Miniftre favori de Sévère, fut revêtu le premier de cette place importante, & abufa pendant plus de dix ans de la puiffance qu'elle lui donnoit. Enfin, le mariage de fa fille avec le fils aîné de l'Empereur, qui fembloit devoir affurer sa for

tune,

devint la caufe de fa perte (1). Les intrigues du Palais, en excitant tourà-tour fon ambition & fes craintes, menacèrent de produire une révolution. Sévère, qui chériffoit toujours fon Miniftre, fe vit forcé, quoiqu'à regret, de consentir à fa mort (2). Après la chûte de Plautien, l'emploi dangereux de Préfet du Prétoire fut donné au favant Ulpien, Jurifconfulte célèbre.

militaire.

Depuis la mort d'Augufte, la forme Le Sénat opprimé par le de Gouvernement établie par ce Prince defpotime n'avoit point été altérée. La prudence, le bon-fens même, prefcrivirent à fes

(1) Un des actes les plus cruels & les plus hardis de defpotifme, fut la caftration de cent Romains libres, dont quelques-uns étoient mariés, & même pèresde-famille Le Miniftre donna cet ordre affreux, afin que fa fille, le jour de fon mariage avec le jeune Empereur, pût avoir à fa fuite des eunuques dignes d'une Reine d'Orient. Dion, l. LXXVI, p. 1271.

(2) Dion, I. LXXVI, p. 1274. Hérodien, 1. III, p. 122-129. Le Grammairien d'Alexandrie paroît, comme c'eft affez l'ordinaire, connoître beaucoup mieux que le Sénateur Romain, cette intrigue secrète & être plus affuré du crime de Plautien.

fucceffeurs de ne pas s'écarter de la route qu'il avoit tracée, & d'avoir toujours les égards les plus refpectueux pour les branches délicates de la nouvelle conftitution. C'étoit en vertu de ces mêmes. principes qu'ils avoient tous montré un zèle fincère, ou une vénération affectée pour le Sénat. Mais Sévère, élevé dans les camps, avoit été accoutumé dans fa jeunesse à une obéissance aveugle; & lorsqu'il fut plus avancé en âge, il ne connut d'autorité que le defpotifme du commandement militaire. Son efprit fier & inflexible ne pouvoit découvrir, ou ne vouloit pas appercevoir l'avantage de conferver, entre l'Empereur & l'Armée, une Puiffance intermédiaire, quoique fondée uniquement fur l'imagination. Il dédaignoit de s'avouer le Ministre d'une Affemblée qui le détestoit & qui trembloit à fa vue; il donnoit des ordres, tandis qu'une fimple Requête auroit eu la même force. Sa conduite étoit celle d'un Souverain & d'un Conquérant; ik

affectoit même d'en prendre le langage; enfin, ce Prince exerçoit ouvertement toute l'autorité légiflative, auffi - bien que la puiffance exécutrice.

maximes de la

impériale

Il étoit aifé de triompher du Sénat; Nouvelles une pareille victoire n'avoit rien de prérogative glorieux. Tous les regards étoient fixés fur le premier Magiftrat, qui difposoit des armes & des tréfors de l'Etat; tous les intérêts fe rapportoient à ce Chef fuprême. Le Sénat, dont l'élection ne dépendoit point du Peuple, & qui n'avoit aucunes troupes pour fa défense, ne s'occupoit plus du bien public. Son autorité chancelante portoit fur une base foible & prête à s'écrouler: le fouvenir de fon ancienne fageffe. La République n'exiftoit plus; l'ombre même de ce Gouvernement si beau, fi sublime dans la théorię, avoit entièrement difparu (1). On

(1) Cette réflexion eft bien digne de celui que nous avons déjà vu rempli d'admiration pour le bonheur dont jouiffoient cent-vingt millions d'esclaves tombés fous le joug du defpotifme. Voici peut-être la pre

préféroit la forme plus marquée & plus naturelle de la Monarchie. Depuis que

mière fois qu'un homme à qui l'on ne fauroit refufer du talent, en ait fait un pareil ufage, & qu'il ait ofé dire que le Gouvernement Républicain n'eft beau que dans la théorie. Eft-ce donc là le fentiment que doivent lui faire éprouver ces règnes affreux dont

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nous offre le tableau? Ce n'est pas ainfi que penfe ce grand Écrivain qui lui a fervi de modèle, & dont il a fi heureufement adopté les principes, hormis. F'amour de la liberté : ce n'eft pas ainfi que Montefquieu s'exprime, lorfqu'à la vue de la tyrannie & de fes cruels effets, il s'interrompt « pour fe donner le fpectacle des chofes humaines. Qu'on voye, dit-il, dans l'Hiftoire de Rome tant de guerres entreprises, tant de fang répandu, tant de peuples » détruits, tant de triomphes, tant de politique, de fageffe, de prudence, de conftance, de courage; » ce projet d'envahir tout, fi bien formé, fi bien foutenu, fi bien fini à quoi aboutit-il, qu'à affouvir le bonheur de cinq ou fix monftres? Quoi! ce Sénat n'avoit fait évanouir tant de Rois que » pour tomber lui-même dans le plus bas esclavage » de quelques-uns de fes plus indignes citoyens, & » s'exterminer par fes propres armes? On n'élève donc » fa puiffance que pour la voir ́mieux、 renversée ? » Les hommes ne travaillent à augmenter leur pou

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voir, que pour le voir tomber contre eux-mêmes dans de plus heureuses mains ». Grand, & Décad des Rom. c. xv. Note du Traducteur.

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