étoit fermée entre leurs appartemens; on avoit fortifié avec foin les portes & les paffages; & les fentinelles qui les gardoient, fe relevoient avec la même précaution que dans une ville affiégée. Les Empereurs ne fe voyoient qu'en public, en présence d'une mère affligée. entouré chacun d'une troupe nombreuse & toujours armée; & même dans les grandes cérémonies, la diffimulation, fi ordinaire dans les Cours, cachoit à peine l'animofité des deux frères (1).

le Janicule, dans les jardins qui portèrent fon nom, & fi Caracalla habitoit les jardins de Mécène fur le mont Efquilin, les frères rivaux étoient féparés l'un de l'autre par une distance de plufieurs milles : l'espace intermédiaire étoit occupé par les jardins impériaux de Sallufte, de Lucullus, d'Agrippa, de Domitien, de Caius, &c. Ces jardins formoient un cercle autour de la capitale, & ils tenoient l'un à l'autre, ainfi qu'au palais, par des ponts jetés fur le Tybre, & qui traverfoient les rues de Rome.

Si ce paffage d'Hérodien méritoit d'être expliqué, il exigeroit une differtation particulière & une carte de l'ancienne Rome.

(1) Hérodien, 1. IV, p. 139.

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2

des deux

fer l'Empire

entre eux.

Négociations Déjà cette guerre intestine déchiroit res pour divi-l'État, lorsque l'on propofa tout-àcoup un plan qui fembloit également avantageux aux deux Princes. On leur repréfenta que, puifqu'il leur étoit impoffible de se réconcilier, ils devoient féparer leurs intérêts & fe partager l'Empire. Les conditions du traité avoient été foigneufement dreffées; on étoit convenu que Caracalla, comme l'aîné, resteroit en poffeffion de l'Europe & de l'Afrique occidentale, & qu'il abandonneroit à fon frère la fouveraineté de l'Afie & de l'Egypte. Géta pou voit fixer fa résidence dans la ville d'Alexandrie ou dans celle d'Antioche, qui le cédoient à peine à Rome pour la grandeur & pour l'opulence. De nombreuses armées, campées des deux côtés du Bofphore de Thrace, auroient gardé les frontières des Monarchies rivales; enfin, les Sénateurs nés en Europe devoient reconnoître le Souverain de Rome. Les pleurs de l'Impératrice rompirent cette négociation,

négociation, dont l'idée feule avoit rempli tous les cœurs romains d'indignation & de furprise. La maffe puiffante d'une Monarchie compofée de tant de nations, étoit tellement cimentée par la main du Temps & de la Politique, qu'il falloit une force prodigieufe pour la féparer en deux parties. Les Romains avoient raison de craindre qu'une guerre civile n'en rejoignît bientôt les membres déchirés; & fi l'Empire restoit divifé, tout préfageoit la chûte d'un édifice dont l'union avoit été jusqu'alors la base la plus ferme & la plus folide (1).

Géta.

Ann. 212,

Si le traité projeté entre les deux Meurtre de Princes eût été conclu, le Souverain de l'Europe fe feroit bientôt emparé de l'A- a7 Février. fie. Mais Caracalla remporta, avec l'arme du crime, une victoire plus facile. Il parut fe rendre aux fupplications de fa mère, & confentit à une entrevue avec fon frère dans l'appartement de l'Impé

ratrice Julie. Tandis que les Empereurs

s'entretenoient de réconciliation & de paix, quelques Centurions, que le barbare Caracalla avoit lui-même cachés, fondirent, l'épée à la main, fur l'infortuné Géta. Julie veut en vain le fouftraire à leurs coups : elle fe précipite audevant des affaffins, & ferre tendrement fon fils dans fes bras; mais tous fes efforts font inutiles. Bleffée ellemême à la main, elle est couverte du fang de Géta; & elle apperçoit le frère impitoyable de ce malheureux Prince, animant les meurtriers, & leur montrant lui-même l'exemple (1).

Dès-que ce forfait eut été commis, Caracalla parut faifi d'horreur, & courut avec précipitation fe réfugier dans le camp des Prétoriens, comme dans fon unique afyle; il se profterna aux pieds

(1) Caracalla confacra, dans le temple de Sérapis, l'épée avec laquelle il fe vantoit d'avoir tué fon frère Géta. Dion, 1. LXXVII, p. 1307.

des ftatues des Dieux tutélaires (1). Les foldats entreprirent de le relever & de le confoler. Il leur apprit, dans un difcours fouvent interrompu, & qui peignoit le trouble de fon ame, qu'il avoit eu le bonheur d'échapper à un danger imminent; & après leur avoir infinué qu'il avoit prévenu les deffeins cruels de fon ennemi, il leur déclara qu'il étoit réfolu de vivre & de mourir avec fes fidèles Prétoriens. Géta avoit été le fa→ vori des troupes; mais leur regret devenoit inutile & la vengeance dangereuse; d'ailleurs, elles refpectoient toujours le fils de Sévère. Le mécontentement se diffipa en vains murmures; & Caracalla fut bientôt les convaincre

(1) Hérodien, 1. IV, p. 147. Dans tous les camps Romains, on élevoit, près du quartier général, une petite Chapelle où les Divinités tutélaires étoient gardées & adorées. Les Aigles & les autres Enfeignes militaires tenoient le premier rang parmi ces Divinités; inftitution excellente, qui affermiffoit la discipline par la fanction de la Religion. Voyez Jufte-Lipfe, de Militia Romanâ, IV, S, V, 2.