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SCÈNE VI.

MITHRIDATE seul.

Ils s'aiment. C'est ainsi qu'on se jouait de nous. Ah, fils ingrat! Tu vas me répondre pour tous; Tu périras. Je sais combien ta renommée

Et tes fausses vertus ont séduit mon armée.
Perfide, je te veux porter des coups certains.
Il faut, pour te mieux perdre, écarter les mutins;
Et faisant à mes yeux partir les plus rebelles,
Ne garder près de moi que des troupes fidelles.
Allons. Mais, sans montrer un visage offensé,
Dissimulons encor, comme j'ai commencé.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE IV.

SCÈNE PREMIÈRE.

MONIME, PHOEDIME.

MONIME.

PHOEDIME, au nom des dieux, fais ce que je désire.
Va voir ce qui se passe, et reviens me le dire.
Je ne sais. Mais mon cœur ne se peut rassurer.
Mille soupçons affreux viennent me déchirer.
Que tarde Xipharès? Et d'où vient qu'il diffère
A seconder des vœux qu'autorise son père?
Son père, en me quittant, me l'allait envoyer.
Mais il feignait peut-être? Il fallait tout nier.
Le roi feignait? Et moi, découvrant ma pensée...
O dieux! En ce péril m'auriez-vous délaissée?
Et se pourrait-il bien qu'à son ressentiment
Mon amour indiscret eût livré mon amant?
Quoi, Prince! Quand tout plein de ton amour extrême,
Pour savoir mon secret tu me pressais toi-même,
Mes refus trop cruels vingt fois te l'ont caché;
Je t'ai même puni de l'avoir arraché;
Et quand de toi peut-être un père se défie,
Que dis-je? Quand peut-être il y va de ta vie,
Je parle; et, trop facile à me laisser tromper,

Je lui marque le cœur où sa main doit frapper.

PHOEDIME.

Ah, traitez-le, Madame, avec plus de justice!
Un grand roi descend-il jusqu'à cet artifice?
A prendre ce détour qui l'aurait pu forcer?
Sans murmure à l'autel vous l'alliez devancer.
Voulait-il perdre un fils qu'il aime avec tendresse?
Jusqu'ici les effets secondent sa promesse :
Madame, il vous disait qu'un important dessein,
Malgré lui, le forçait à vous quitter demain.
Ce seul dessein l'occupe; et, hâtant son voyage,
Lui-même ordonne tout, présent sur le rivage.
Ses vaisseaux en tous lieux se chargent de soldats,
Et partout Xipharès accompagne ses pas.

D'un rival en fureur est-ce-là la conduite?
Et voit-on ses discours démentis par la suite?

MONIME.

Pharnace, cependant, par son ordre arrêté,
Trouve en lui d'un rival toute la dureté. ·
Phœdime, à Xipharès fera-t-il plus de grâce?

PHOEDIME.

C'est l'ami des Romains qu'il punit en Pharnace; L'amour a peu de part à ses justes soupçons.

MONIME.

Autant que je le puis, je cède à tes raisons;
Elles calment un peu l'ennui qui me dévore.
Mais pourtant Xipharès ne paraît point encore.

PHOEDIME.

Vaine erreur des amans qui, pleins de leurs désirs, Voudraient que tout cédât au soin de leurs plaisirs! Qui, prêts à s'irriter contre le moindre obstacle...

MONIME.

Ma Phœdime, et qui peut concevoir ce miracle?
Après deux ans d'ennuis, dont tu sais tout le poids,
Quoi, je puis respirer pour la première fois ?
Quoi, cher Prince, avec toi je me verrais unie!
Et loin que ma tendresse eût exposé ta vie,
Tu verrais ton devoir, je verrais ma vertu
Approuver un amour si long-temps combattu?
Je pourrais tous les jours t'assurer que je t'aime?
Que ne viens-tu?

SCÈNE II.

MONIME, XIPHARÈS, PHOEDIME.

MONIME.

Seigneur,je parlais de vous-même.

Mon âme souhaitait de vous voir en ce lieu,

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Oui, Madame, et pour toute ma vie.

MONIME.

Qu'entends-je? On me disait... Hélas, ils m'ont trahie!

XIPHARÈS.

Madame, je ne sais quel ennemi couvert,

Révélant nos secrets, vous trahit et me perd.
Mais le roi, qui tantôt n'en croyait point Pharnace,

Maintenant dans nos cœurs sait tout ce qui se passe.
Il feint; il me caresse, et cache son dessein.
Mais moi qui, dès l'enfance élevé dans son sein,
De tous ses mouvemens ai trop d'intelligence,
J'ai lu dans ses regards sa prochaine vengeance.
Il presse, il fait partir tous ceux dont mon malheur
Pourrait à la révolte exciter la douleur.

De ses fausses bontés j'ai connu la contrainte.
Un mot même d'Arbate a confirmé ma crainte
Il a su m'aborder; et, les larmes aux yeux :
On sait tout, m'a-t-il dit, sauvez-vous de ces lieux,
Ce mot m'a fait frémir du péril de ma reine;
Et ce cher intérêt est le seul qui m'amène.
Je vous crains pour vous-même, et je viens à genoux
Vous prier, ma Princesse, et vous fléchir pour vous.
Vous dépendez ici d'une main violente,

Que le sang le plus cher rarement épouvante;
Et je n'ose vous dire à quelle cruauté
Mithridate jaloux s'est souvent emporté.
Peut-être c'est moi seul que sa fureur menace.
Peut-être, en me perdant, il veut vous faire grâce.
Daignez, au nom des dieux, daignez en profiter.
Par de nouveaux refus n'allez point l'irriter.
Moins vous l'aimez, et plus tâchez de lui complaire.
Feignez. Efforcez-vous. Songez qu'il est mon père.
Vivez; et permettez que, dans tous mes malheurs,
Je puisse à votre amour ne coûter que des pleurs.

Ah, je vous ai perdu!

MONIME.

XIPHARES.

Généreuse Monime,

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