Images de page
PDF
ePub

J'ai surpris ses soupirs, qu'il me voulait cacher. Hélas, de son accueil condamnant la tristesse, J'osais me plaindre à lui de son peu de tendresse !

SCÈNE VI.

ACHILLE, IPHIGÉNIE, ÉRIPHILE, DORIS.

ACHILLE.

[ocr errors]

Il est donc vrai, Madame, et c'est vous que je vois! Je soupçonnais d'erreur tout le camp à la fois. Vous en Aulide? Vous ? Hé, qu'y venez-vous faire? D'où vient qu'Agamemnon m'assurait le contraire?

IPHIGÉNIE.

Seigneur, rassurez-vous. Vos vœux seront contens. Iphigénie encor n'y sera pas long-temps.

SCÈNE VII.

ACHILLE, ÉRIPHILE, DORIS.

ACHILLE.

Elle me fuit! Veillai-je ? Ou n'est-ce point un songe?
Dans quel trouble nouveau cette fuite me plonge?
Madame, je ne sais si, sans vous irriter,
Achille devant vous pourra se présenter.
Mais si d'un ennemi vous souffrez la prière,
Si lui-même souvent a plaint sa prisonnière,
Vous savez quel sujet conduit ici leurs pas.
Vous savez...

ÉRIPHILE.

Quoi, Seigneur! ne le savez-vous pas ? Vous qui, depuis un mois, brûlant sur ce rivage,

Avez conclu vous-même et hâté leur voyage?

ACHILLE.

De ce même rivage absent depuis un mois,
Je le revis hier pour la première fois.

ÉRIPHILE.

Quoi! lorsqu'Agamemnon écrivait à Mycène, Votre amour, votre main n'a pas conduit la sienne? Quoi ? Vous qui de sa fille adoriez les attraits...

ACHILLE.

Vous m'en voyez encore épris plus que jamais,
Madame; et, si l'effet eût suivi ma pensée,
Moi-même dans Argos je l'aurais devancée.
Cependant on me fuit. Quel crime ai-je commis ?
Mais je ne vois partout que des yeux ennemis.
Que dis-je ? En ce moment Calchas, Nestor, Ulysse,
De leur vaine éloquence employant l'artifice,
Combattaient mon amour, et semblaient m'annoncer
Que, si j'en crois ma gloire, il y faut renoncer.
Quelle entreprise ici pourrait être formée?
Suis-je, sans le savoir, la fable de l'armée ?
Entrons. C'est un secret qu'il leur faut arracher.

SCÈNE VIII.

ÉRIPHILE, DORIS.

ÉRIPHILE.

Dieux, qui voyez ma honte, où me dois-je cacher?
Orgueilleuse rivale, on t'aime, et tu murmures!
Souffrirai-je à la fois ta gloire et tes injures?
Ah! plutôt... Mais, Doris, ou j'aime à me flatter,
Ou sur eux quelque orage est tout prêt d'éclater.

J'ai des yeux. Leur bonheur n'est pas encor tranquille,
On trompe Iphigénie. On se cache d'Achille.
Agamemnon gémit. Ne désespérons point;
Et, si le sort contre elle à ma haine se joint,
Je saurai profiter de cette intelligence

Pour ne pas pleurer seule, et mourir sans vengeance.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE III.

SCÈNE PREMIÈRE.

AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE.

CLYTEMNESTRE.

Our,Seigneur,nous partions; et mon juste courroux.
Laissait bientôt Achille et le camp loin de nous.
Ma fille dans Argos courait pleurer sa honte :
Mais, lui-même étonné d'une fuite si prompte,
Par combien de sermens, dont je n'ai pu douter,
Vient-il de me convaincre et de nous arrêter!
Il presse cet hymen, qu'on prétend qu'il diffère,
Et vous cherche, brûlant d'amour et de colère.
Prêt d'imposer silence à ce bruit imposteur,
Achille en veut connaître et confondre l'auteur.
Bannissez ces soupçons qui troublaient notre joie.

AGAMEMNON.

Madame, c'est assez. Je consens qu'on le croie.
Je reconnais l'erreur qui nous avait séduits,
Et ressens votre joie autant que je le puis.
Vous voulez que Calchas l'unisse à ma famille,
Vous pouvez à l'autel envoyer votre fille ;
Je l'attends. Mais, avant que de passer plus loin,
J'ai voulu vous parler un moment sans témoin.
Vous voyez en quels lieux vous l'avez amenée.
Tout y ressent la guerre, et non point l'hyménée.

Le tumulte d'un camp, soldats et matelots,
Un autel hérissé de dards, de javelots,

Tout ce spectacle enfin, pompe digne d'Achille,
Pour attirer vos yeux n'est point assez tranquille;
Et les Grecs y verraient l'épouse de leur roi
Dans un état indigne et de vous et de moi.
M'en croirez-vous? Laissez, de vos femmes suivie,
A cet hymen, sans vous, marcher Iphigénie.

CLYTEMNESTRE.

[ocr errors]

Qui, moi? Que remettant ma fille en d'autres bras,
Ce que j'ai commencé, je ne l'achève pas ?
Qu'après l'avoir d'Argos amenée en Aulide,
Je refuse l'autel de lui servir de guide?
Dois-je donc de Calchas être moins près que vous ?
Et qui présentera ma fille à son époux?
Quelle autre ordonnera cette pompe sacrée ?

AGAMEMNON.

Vous n'êtes point ici dans le palais d'Atrée :
Vous êtes dans un camp....

CLYTEMNESTRE.

Où tout vous est soumis;

Où le sort de l'Asie en vos mains est remis ;
Où je vois sous vos lois marcher la Grèce entière;
Où le fils de Thétis va m'appeler sa mère.
Dans quel palais superbe, et plein de ma grandeur,
Puis-je jamais paraître avec plus de splendeur ?

AGAMEMNON.

Madame, au nom des dieux auteurs de notre race,

Daignez à mon amour accorder cette grâce.

J'ai mes raisons.

« PrécédentContinuer »