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Glossaire de Barbazan pourroit à la rigueur remplir une partie de cette lacune, et les nouveaux manuscrits dont s'est enrichie la Bibliothéque impériale aideroient à compléter l'autre.

A la vue des richesses que contient ce vaste dépôt des connoissances de l'esprit hu main, comme de ses foiblesses; à la vue des secours que nous ont préparés les sçavants que j'ai cités plus haut, et ceux que nous pouvons trouver dans les précieux Mémoires de cette Académie, les travaux de tant d'illustres écrivains ne doivent-ils pas enflammer le zèle de ceux qui aspirent à marcher sur leurs traces, ou qui briguent l'honneur de leur succéder.

Je sçais qu'il faut un goût bien déterminé et un penchant presque irrésistible pour ce genre de recherches; j'ai calculé d'avance toute l'étendue d'une pareille entreprise, je sçais qu'elle est immense, et par dessus tout, je n'ignore pas le peu d'estime qu'on accorde communément aux travaux de ce genre; mais, le seul désir de bien faire, et de composer un ouvrage dont l'utilité soit généralement reconnue; tant de motifs ne sont-ils pas suffisants pour déterminer à l'entreprendre, surtout dans un siécle où l'esprit de discussion et de critique, épuré par le goût, paroît être porté au plus haut degré de maturité, et où l'homme

studieux ayant la faculté de puiser dans une multitude de monuments littéraires connus, peut trouver des secours assurés et fidèles pour

ses travaux ?

Aucune langue, peut-être, n'a été sujette à autant de variations que la langue françoise; et, pour les apprécier, il faut se livrer à l'étude de ses divers monuments écrits, qui sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense communément; malgré ses imperfections, elle avoit commencé dans le XIII. siécle à devenir universelle : car à cette époque on parloit et on écrivoit la langue françoise dans l'Orient, l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre, l'Allemagne et dans les Pays Bas.

Mais, dira-t-on, de quelle utilité peut être un Glossaire françois? Les sçavants qui ont travaillé à notre histoire n'ont point eu ce secours, et n'en sont pas moins venus à bout de dé chiffrer nos chartes, nos chroniques et nos anciens écrivains; en convenant en partie de cette vérité, j'ajouterai qu'un pareil ouvrage auroit évité la perte d'un temps considérable que ces sçavants ont employé à chercher, à tâtonner, à comparer et à deviner; qu'ils auroient mieux lu, ou plus facilement entendu et traduit certains passages sur lesquels on a souvent multiplié les commentaires pour interpréter des mots mal lus ou mal articulés; enfin, ce Glossaire n'eût-il que l'a

vantage d'accélérer les premiers pas toujours pénibles et rebutants dans quelque carrière que ce soit, d'épargner les recherches en conduisant au but, de fixer la signification. d'un mot pendant chaque siécle, et de faire connoître à l'Europe sçavante nos premières richesses littéraires enfouies dans les Bibliothéques, tous ces motifs ne sont-ils assez puissants pour porter à entreprendre ce travail? D'ailleurs, quelle langue peut être aussi intéressante pour nous que celle de nos ayeux, puisque c'est dans leurs productions que sont consignés nos anciennes coutumes, nos lois, nos usages, les différents droits et redevances, les arts, les métiers, les monnoyes, les mesures de capacité, de superficie, etc. « Com<< bien, dit le respectable Dom JEAN-FRANÇOIS, «combien de procès n'ont-ils pas été perdus <<< faute d'avoir entendu le jargon barbare «d'un vieux titre? Combien d'usurpations << n'ont-elles pas été commises, faute d'avoir <<connu la valeur des mots, par lesquels on «désignoit les limites des possessions? »

La connoissance de l'ancien françois est donc évidemment nécessaire à tous les écrivains qui font de notre histoire et de nos antiquités l'objet de leurs études; s'ils entreprennent de publier quelques monuments, ils ne les donneront qu'avec des fautes et des incorrections qui en dénatureront le

sens. Qu'il me soit encore permis, Messieurs, de rappeler à votre attention les dissertations. qui se trouvent dans les premiers volumes des sçavants Mémoires de votre compagnie, pour trouver la signification d'un seul mot, et n'oublions pas que Dom Mabillon qui le pre mier apprit à déchiffrer les monuments latins, encourut une partie de ces reproches, en publiant en tête de son édition des œuvres de Saint Bernard, un fragment de la traduction françoise du premier Sermon de ce docteur éloquent; n'oublions pas encore qu'il est échappé à Du Cange lui-même quelques altérations, ainsi qu'à la Thaumassière Fauchet, d'Herouval, au P. Labbe; et enfin, pour achever le tableau, montrons que les sçavants de cette Académie qui ont rapporté différents passages des anciens écrivains, ne sont pas même exempts de ces fautes; ce qui prouve que ces habiles antiquaires connoissoient mieux la latinité du moyen âge que notre ancien langage.

A présent, Messieurs, que l'Empire françois, brillant de gloire, est parvenu au plus haut degré de splendeur, par la sagesse et le courage du Héros qui le gouverne, les nouvelles loix, aussi sages dans leurs principes, que simples dans leur exécution, ont réduit cette foule prodigieuse de dénominations de loix et de coutumes à une seule.

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Ce que n'avoient pu faire tant de rois, a été l'ouvrage des premiers moments du règne de Napoléon; le voeu de Philippe-le-Bel, de n'avoir qu'une coutume, un poids et une monnoye uniforme, a été accompli. Cette réduction a été un des premiers bienfaits que la main victorieuse de notre illustre Souverain, a répandus sur notre belle patrie. Je ne vous parle pas encore, Messieurs, des Codes civil et criminel, ni de l'érection de tous ces monuments fruits de sa haute sagesse, qui font de la France le modèle des nations, la gloire de ses habitants, le centre de la politesse, de la science et du bon goût.

Toutes ces dénominations de coutumes, de droits féodaux, de mesures, etc., doivent faire partie de l'ouvrage dont j'ai l'honneur de vous entretenir, en ajoutant à chaque article, l'époque de la création du mot ou de la chose, leurs changements successifs, et leurs variations; il en sera de même des monnoyes, des armures, des vêtements, etc., etc.

Il n'est pas étonnant que plusieurs auteurs se soient trompés en transcrivant d'anciens monuments; l'éloignement des temps a rendu leur erreur excusable; je n'en citerai qu'un exemple. Le Roman de la Rose fut l'ouvrage le plus en vogue chez nos ayeux, et c'est encore celui qui parmi nous a conservé le plus de réputation : hé bien! il fut

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