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fécondes et qui lui donneront la plus longue célébrité, ce sont ces recherches sur les substances animales. Il y attachoit une importance toute particulière, parce qu'elles lui paroissoient devoir lier plus intimement la chimie à la médecine, et il les considéroit comme un des devoirs de sa chaire à la Faculté.

Sa détermination de la quantité d'azote extraite par l'acide nitrique de chaque substance animale, quantité d'autant plus considérable que ces substances sont plus auimalisées, a achevé de constater la nature de l'animalisation.

Il a contribué plus qu'aucun de ses contemporains à fixer les caractères des principes immédiats du corps animé; de cette fibrine dépositaire des forces motrices; de cette matière médullaire plus merveilleuse encore qui transmet les sensations et la volonté; de cette gélatine qui, dans ses diverses formes, a pour fonction générale de retenir ensemble tous les élémens du corps. Diverses humeurs partiulières, comme le mucus des narines, les larmes, le chyle, le lait, la bile, le sang, l'eau des hydropiques ont été l'objet de ses analyses; il a examiné le tartre des dents. 11 n'est pas jusqu'à la composition chimique des os qui n'ait reçu un jour nouveau de ses recherches; il y a découvert le phosphate de

magnésie que personne n'y avoit trouvé avant

lui.

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L'un des faits les plus curieux qu'il ait découverts, fut celui que lui offrit en 1786 le cimetière des Innocens. Le Gouvernement, ayant résolu de supprimer ce foyer d'infection, qui, depuis un grand nombre de siécles, recevoit les corps de la partie la plus peuplée de la capitale, défendit non-seulement d'y enterrer, mais ordonna de transférer ailleurs les corps qui y étoient déposés, opération dangereuse qui fut exécutée avec ȧutant d'habileté que de courage par MM. Thouret et de Fourcroy. Une grande partie de ces corps se trouva transformée en une substance blanche, grasse et combustible semblable pour l'essentiel, à celle que l'on nomme blanc de baleine, et qui se tire de la tête du cachalot. L'examen approfondi des circonstances, le rapprochement de quelques faits anlogues montra que cette métamorphose a lieu pour toutes les matières animales préservées du contact de l'air dans des lieux humides, et l'on assure que l'on a tiré parti de cette découverte en Angleterre pour convertir en matière bonne à brûler les chairs' des animaux que l'on ne mange pas; tant il est vrai qu'il n'est pas une de nos observations en apparence les plus indifférentes qui ne puisse devenir utile à la société.

Cependant M. de Fourcroy estimoit ses découvertes sur les calculs urinaires et sur les divers bezoards, plus que toutes les autres, parce qu'il en prévoyoit une application, plus immédiate au bien public.

On ne connoissoit avant lui qu'une sorte de calcul dans la vessie, dont la nature acide avoit été déterminée par l'illustre Schéele; M. de Fourcroy entrevit vers 1798, d'après certaines expériences de M. Pearson, chimiste anglois, qu'il pouvoit y en avoir de plusieurs espèces; que quelques-unes même ne seroient peut être pas indissolubles. Il annonça aussitôt ses idées, et invita les médecins à lui envoyer les calculs dont ils pourroient disposer. Plus de cinq cents lui furent adressés; il les examina et les compara aux calculs des animaux, aux bezoards et aux autres concrétions. Les calculs de la vessie lui offrirent cinq combinaisons différentes, et il en trouva sept autres dans les différentes concrétions; non content de les faire connoître par leur analyse, il leur assigna aussi des caractères extérieurs propres à les faire distinguer au premier coup d'oeil, comme les naturalistes distinguent les minéraux. Il est déja certain par ces recherches que le calcul des animaux. herbivores peut se dissoudre par des injec tions de vinaigre affoibli, et l'on n'est pas entièrement saus espérance de produire le

même effet sur quelques-uns des calculs humains.

En même temps qu'il examinoit les calculs, M. de Fourcroy faisoit un grand travail sur l'urine de l'homme et des animaux, dont les résultats ont été d'un égal intérêt pour la chimie, pour la médecine et pour la physio. logie. Les animaux herbivores ont une urine très-différente de celle de l'homme, mais les principes de celle-ci se retrouvent jusques dans les excrémens des oiseaux,

Un résultat non moins piquant pour la physiologie a été la ressemblance de composition observée M. de Fourcroy entre le sperme de certains animaux et la poussière fécon. dante de quelques plantes.

par

Telle est une légère esquisse de l'immense recueil de faits et d'expériences dont M. de Fourcroy a eurichi la chimie; s'il n'a pas eu le bonheur d'attacher son nom à quelqu'une de ces grandes vérités générales qui donnent une gloire populaire, il l'a inscrit en tant d'endroits et à tant d'articles particuliers que les savans seront toujours obligés de le citer.

Dans un grand nombre de ces travaux, le nom de M. de Fourcroy est associé, comme on vient de l'entendre, à celui de M. Vauquelin, son élève et son ami; et l'envie a cru gagner beaucoup en se prévalant de cette association pour contester au premier de ces Tome 11. Mars 1811.

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deux chimistes la meilleure partie de leurs découvertes communes; comme si d'avoir engagé un homme tel que M. Vauquelin à des recherches qui ont été si heureuses, n'étoit pas pour la science un service au moins équi valent à quelques expériences de plus. Qu'il nous soit du moins permis de voir dans la noble constance que M. Vauquelin a mise à travailler avec son maître, une preuve des sentimens que M. de Fourcroy savoit inspirer, et de croire que l'homme qui a su choisir si bien son ami et le garder si longtemps méritoit d'être aimé.

On a besoin de faire de telles remarques, dans ce temps où de longues discordes ont laissé tant de haines, et où quiconque a joui d'une parcelle de pouvoir a été en butte à des outrages publics.

M. de Fourcroy devoit être plus exposé que personne à ce malheur, à cause du moment où il fut appelé aux places supérieures, et à cause de l'espèce irritable d'hommes avec qui ses fonctions l'ont mis le plus en rapport.

A cette époque où une nation entière s'avisant subitement de se trouver malheureuse, imagina de faire sur elle-même toutes les sortes d'expériences; lorsque l'on essaya tourà-tour de tous les hommes qui avoient de la célébrité dans quelque genre que ce fût,

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