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Il est encore au Caire des gens assez éclairés

pour sentir qu'une couche de couleur ou de chaux ne doit point être le voile injurieux de chef-d'oeuvre. Leurs péristyles. leurs kiochks offrent aux yeux des colonnades que la peinture et l'enduit n'ont point défigurées. Nous avons le plaisir de voir à découvert ces belles productions de l'art, et la consolation de gémir avec ceux qui les possèdent de la démence de leurs compatriotes qui non-seulement barbouillent des chapiteaux corinthiens ou en mutilent les feuillages, mais leur préfèrent le chapiteau ægyptien, ce cube informe de marbre mal poli dont ils chargent les angles d'une moulure grossière, et les faces d'un médaillon

nu.

Nous voyons avec la même satisfaction des fruits de basalte, de porphyre même, de conques d'albâtre et d'autres pièces rares que ces partisans du bon goût ont respectées. Mais que ceux-ci sont en petit nombre, et que celui des profanateurs des trésors de l'antiquité est grand! Plusieurs même de ceux qui employent des pièces bien conservées dans la décoration de leurs édifices ne le font qu'à regret.

J'achève, par ce dernier trait, le tableau de l'état déplorable des arts et des sciences en Ægypte. Telle est la détérioration, la cor

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ruption des uns, tel est l'avilissement des autres chez cette même nation qui les a vu naître, qui les a cultivés si longtemps, et qui les a transmis aux autres peuples. En vain les Fatimites ont tâché de la retirer de la barbarie où le Bas-Empire avoit commencé à la plonger: En vain quelques princes circassiens ou mamelucks ont encouragé les savans: foible éclat de lumière auquel ont bientôt succédé les ténèbres: efforts impuissans contre lesquels a prévalu l'esprit de dévastation et de cruauté qui n'a cessé d'agiter l'Egypte depuis trois cents ans, et caractérise encore son gouvernement actuel. Les Beys, soumis en apparence à la Porte, indépendans en effet, ne pensent qu'à jouir de l'autorité momentanée qu'ils usurpent, qu'ils s'enlèvent réciproquement. Privés de cette tranquillité qui peut seule ramener le goût des lettres et ranimer celui des talens de tous les genres; éloignés de ce goût par les préjugés d'une superstitieuse ignorance, ils ne s'en occupent point, ils ne les protègent point; et, par les révolutions continuelles qu'ils suscitent, ne permettent point non plus aux habitans de l'Egypte de s'en occuper. Sans cesse les armes à la main, ils portent partout le fer et le feu. Le flambeau du génie peut-il s'allumer aux flammes de ces incendiaires? Estil au milieu de tant de troubles toujours reTome II. Avril 1811. 25

naissans, est-il désormais un asile pour les arts et les sciences? Non : s'il en reste encore quelques foibles vestiges, ils vont disparoître. Chaque jour les efface, et bientôt le berceau des connoissances humaines en sera le tombeau.

ET

CORRESPONDANCES LITTÉRAIRES.

NOUVELLES ÉTRANGERES.

AUTRICHE.

On a remarqué que tandis que des journaux politiques et littéraires très-estimés, sont tombés successivement dans le nord de l'Allemagne, le nombre en augmentoit chaque jour en Autriche. Il a déja paru deux numéros du journal en grec moderne, intitulé Anthimus Gazis ou Mercure. Les personnages les plus marquans de la nation grecque à Vienne, Paris, Venise, Constantinople, Jassy, elc., se sont associés pour cette entreprise.

-La Société de Médecine de Paris a envoyé des diplômes de membres honoraires à MM. de HARRACH, docteur en médecine, chambellan de S. M., BEIN EDLEN, conseiller de cour et médecin en chef des armées; PROBOSKA, SCHERER, BEING, professeurs de l'Université.

-M. le docteur CARRO, justement célèbre par les efforts qu'il ne cesse de faire pour la propagation de la vaccine en Asie comme en Europe, vient de traduire en français le Plutarque autrichien, ouvrage trèsestimé de M. le baron HOMMAYER. Il a dédié son travail à S. M. l'impératrice, qui lui a fait remettre une très-belle tabatière d'or.

PARIS.

La Classe de la langue et de la littérature française a tenu, mercredi 10 avril, sa séance publique annuelle, pour la distribution des prix; M. le Comte REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angély) en a fait l'ouverture par un rapport sur le concours, et la proclamation des vainqueurs : ce sont MM. VICTORINFABRE et MILLEVOYE. Le premier a remporté le prix de poésie proposé sur les embellissemens de Paris; le second, celui qui avoit pour sujet la mort de Rotrou.

L'Académie ayant fixé cette séance pour la réception de M. PARSEVAL-GRANDMAISON, nommé à la place vacante par la mort de M. DESAINTANGE, le Récipiendaire a pris la parole pour prononcer le discours d'usage.

M. le Comte Regnaud a répondu au Récipiendaire par de nouvelles observations singulièrement ingenieuses, sur le mérite et même sur la nécessité des traductions en vers.

M. le Sénateur Comte GARAT a lu la pièce de vers de M. Victorin - Fabre sur les embellissemens de Paris; celle de M. Millevoye, sur la mort de Rotrou, a été lue par M. le Sénateur Comte FRANçois (de Neufchâteau ).

La séance a été terminée par la lecture qu'a faite M. le Comte Regnaud des vers qu'avoit envoyés M. Millevoye au premier concours sur les embellissemens de Paris.

-M. GÉRARD, peintre d'histoire, vient d'être nommé, par un décret de Sa Majesté, du 5 avril

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