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Nous ne úbriquons plus avec nos préjugés, nos passions exclusives a 10s idées étroites, un certain type artificiel du beat, appeût modele ca ideal, pour y comparer pédantesquement les pares que pros voulons juger : nous nous élançons sur les ondes de la réalité toujours changeante, nous parcourons sa surface et nous en almirons l'étendue, nous plongeons dans son stin et tous sommes louis des richesses de cet abîme sans k=d.

La lumière qui nous guide dans ce grand voyage d'exploration, C'est l'histoire. C'est elle qui, nous faisant connaître d'avance les meurs, les institutions, les croyances, les idées de tous les pays du monde, nous met en garde contre l'étonnement naïf et les injustes préventions de l'ignorance; c'est l'histoire qui nous apprend à dépouiller nos préjugés français quand nous mettonsle pied en Angleterre, nos préjugés anglais quand nous descendons sur le sol de France; c'est elle qui nous empêche d'aborder une époque avec l'esprit d'une autre époque, de demander à la cour d'Elisabeth le théâtre de Racine et de chercher celui de Shakespeare au siècle de Louis XIV; c'est elle enfin qui, nous montrant dans tous les arts et dans toutes les littératures des fragments de la beauté universelle, dans toutes les philosophies et dans toutes les religions des fragments de la vérité absolue, nous remplit d'une si pieuse admiration pour la vénérable antiquité, que nous tombons à genoux à l'aspect des rives de la Grèce, prêts à faire, peus'en faut, une libation aux dieux! Les dernières grandes découvertes de l'histoire nous ont appris que cette Grèce siglorieuse n'était cependant pas le premier berceau de la civilisation du monde; elles nous ont révélé chez les poètes et les philosophes de l'antique Orient la morale la plus pure, la poésic la plus riche, la métaphysique la plus haute, et en nous faisant perdre un peu de notre orgueil occidental, elles ont resserré les liens de la grande famille humaine.

IV

DU COMIQUE ET DE LA POÉSIE DANS MOLIÈRE ET DANS SHAKESPEARE.

L'imitation de la nature recommandée par Shakespeare et par Molière. Comment Shakespeare n'a pas suivi son propre précepte dans ses comédies. Comment Molière est supérieur à tous les autres poètes comiques par la vérité de ses traits. Rareté des jeux d'esprit dans son théâtre. Sérieux de Molière et de l'esprit français. Que néanmoins la raison de Molière et du XVIIe siècle n'est pas la plu haute qui se puisse concevoir. La poésie de Molière. Différence entre la fantaisie et la poésie. - La pastorale dans Shakespeare et dans Molière. - Jugements de Victor Hugo et de Sainte-Beuve sur le style de Molière. Poésie du Misanthrope.

Nous savons maintenant que la seule méthode en critique littéraire est l'usage libre et intelligent du goût, avec les périls d'erreur auxquels la liberté est toujours exposée, avec l'esprit de prudence que l'expérience acquiert, avec les lumières que donne l'instruction en général et particulièrement l'histoire. Guillaume Schlegel et les autres théoriciens de la comédie ont incontestablement le droit de dire tout ce qu'ils pensent et sentent; la seule chose que nous leur ayons retirée, c'est l'impertinente prétention de présenter leurs jugements sous la forme rigoureuse de propositions scientifiques et logiques. Je choisirai dans Shakespeare et dans Molière, pour les étudier et les comparer au point de vue du goût, quelques parties de leur talent comique, poétique et dramatique; mais auparavant il est opportun de dire un mot des idées littéraires des deux auteurs.

Peut-être ni l'un ni l'autre ne peut-il être égalé à Aristophane pour la finesse, la vivacité, la portée de l'esprit critique en littérature. La polémique du pamphlétaire grec contre les innovations d'Euripide, quelque opinion qu'on ait sur le fond du débat,est, par l'importance de la question comme par l'ardeur de

les escarmouches de Molière contre les mauvais poètes de son temps, les cuistres, les femmes savantes et les précieuses. Quant à Shakespeare, nous avons maintes fois constaté à son honneur le caractère exclusivement pratique de son activité créatrice et sa profonde indifférence pour les disputes. Aussi le peu qu'on trouve de critique littéraire dans son théâtre a-t-il relativement peu de valeur. On pourrait relever dans Timon d'Athènes, dans le Songe d'une nuit d'eté, dans Peines d'amour perdues, quelques passages sur les poètes et sur la poésie : ils n'ont guère d'importance. Nous avons vu plus haut' avec quelle majesté le Temps en personne, dans le Conte d'hiver, vient revendiquer son indépendance contre les pédants qui voudraient assujettir le drame å la règle étroite des vingt-quatre heures; mais la page de littérature la plus intéressante qui soit dans tout le théâtre de Shakespeare, c'est la célèbre aliocution d'Hamlet aux comédiens :

‹ Dites, je vous prie, cette tirade comme je l'ai prononcée devant vous, couramment; mais si vous la braillez, comme font beaucoup de nos acteurs, j'aimerais autant faire dire mes vers par le crieur de la ville. Nallez pas non plus trop scier l'air en long et en large avec votre bras; mais usez de tout sobrement; car, au milieu même du torrent, de la tempête et du tourbillon de la passion, vous devez avoir et conserver une modération qui lui donne de l'harmonie. Oh! cela me blesse jusque dans l'âme d'entendre un robuste gaillard, à perruque échevelée, mettre une passion en lambeaux, en vrais haillons, pour fendre les oreilles du parterre, qui généralement n'apprécie qu'une pantomime absurde et le bruit. Je voudrais faire fouetter ce gaillardlà qui exagère ainsi le matamore....... Ne soyez pas non plus trop châties, mais que votre propre discernement soit votre guide: mettez l'action d'accord avec la parole, la parole d'accord aver l'action, en vous appliquant spécialement à n'outrepasser jamais la nature; car toute exagération s'écarte du but du théâtre, qui, dès l'origine comme aujourd'hui, a été et est encore de présenter, pour ainsi dire, un miroir à la nature, de montrer à la vertu ses propres traits, à l'infamie sa propre image, à chaque âge et à

chaque transformation du temps sa figure et son empreinte. Si l'expression est affaiblie ou exagérée, elle aura beau faire rire l'ignorant, elle choquera à coup sûr l'homme judicieux, dont la critique a, fût-il seul, plus de poids que l'opinion d'une salle entière. Oh! j'ai vu jouer des acteurs, j'en ai entendu louer hautement, qui n'avaient ni l'accent ni la tournure d'un chrétien, d'un païen, d'un homme! Ils se carraient et beuglaient de telle façon que, pour ne pas offenser Dieu, je les ai toujours crus fabriqués par quelque manouvrier de la nature, qui, voulant faire des hommes, avait manqué son ouvrage, tant ces gens-là imitaient abominablement l'humanité! »

Restez fidèles à la nature telle est la recommandation que Shakespeare fait aux comédiens, et, du même coup, aux poètes dramatiques. C'est exactement ce que dit Molière, avec moins d'ampleur et d'éloquence, sous une forme plus familière et plus comique. Et notons bien qu'en parlant ainsi ces deux grands hommes faisaient un acte de raison indépendante et d'opposition au goût de leur siècle.

Dans les Précieuses ridicules le marquis de Mascarille se vante d'avoir fait une comédie. « A quels comédiens la donnerezvous? lui demande une des deux pecques provinciales à qui il fait visite. - Belle demande! aux grands comédiens (c'est-àdire à ceux de l'Hôtel de Bourgogne.) Il n'y a qu'eux qui soient capables de faire valoir les choses; les autres sont des ignorants qui récitent comme l'on parle; ils ne savent pas faire ronfler les vers et s'arrêter au bel endroit et le moyen de connaître où est le beau vers, si le comédien ne s'y arrête et ne vous avertit par là qu'il faut faire le brouhaha? »

Dans l'Impromptu de Versailles, Molière, qui se met personnellement en scène, donne à ses comédiens, toujours sous une forme ironique, la leçon de déclamation qu'on va lire :

« J'avais songé une comédie où il y aurait eu un poète, que j'aurais représenté moi-même, qui serait venu pour offrir une pièce à une troupe de comédiens nouvellement arrivés de la campagne. « Avez-vous, aurait-il dit, des acteurs et des actrices qui soient capables de bien faire valoir un ouvrage? car ma pièce est une pièce... -Eh! monsieur, auraient répondu les comédiens,

Nous ne fabriquons plus avec nos préjugés, nos passions exclusives et nos idées étroites, un certain type artificiel du beau, appelé modèle ou idéal, pour y comparer pédantesquement les œuvres que nous voulons juger : nous nous élançons sur les ondes de la réalité toujours changeante, nous parcourons sa surface et nous en admirons l'étendue, nous plongeons dans son sein et nous sommes éblouis des richesses de cet abîme sans fond.

La lumière qui nous guide dans ce grand voyage d'exploration, c'est l'histoire. C'est elle qui, nous faisant connaître d'avance les mœurs, les institutions, les croyances, les idées de tous les pays du monde, nous met en garde contre l'étonnement naïf et les injustes préventions de l'ignorance; c'est l'histoire qui nous apprend à dépouiller nos préjugés français quand nous mettonsle pied en Angleterre, nos préjugés anglais quand nous descendons sur le sol de France; c'est elle qui nous empêche d'aborder une époque avec l'esprit d'une autre époque, de demander à la cour d'Élisabeth le théâtre de Racine et de chercher celui de Shakespeare au siècle de Louis XIV; c'est elle enfin qui, nous montrant dans tous les arts et dans toutes les littératures des fragments de la beauté universelle, dans toutes les philosophies et dans toutes les religions des fragments de la vérité absolue, nous remplit d'une si pieuse admiration pour la vénérable antiquité, que nous tombons à genoux à l'aspect des rives de la Grèce, prêts à faire, peu s'en faut, une libation aux dieux! Les dernières grandes découvertes de l'histoire nous ont appris que cette Grèce siglorieuse n'était cependant pas le premier berceau de la civilisation du monde; elles nous ont révélé chez les poètes et les philosophes de l'antique Orient la morale la plus pure, la poésie la plus riche, la métaphysique la plus haute, et en nous faisant perdre un peu de notre orgueil occidental, elles ont resserré les liens de la grande famille

humaine.

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