jamais cette Sagesse ne quitte l'esprit la première, c'est toujours l'esprit qui d'abord l'abandonne. Que doit donc faire celui qui ne voit pas la divine lumière? Il doit purifier son cœur, nettoyer son âme des péchés et des iniquités, ensuite il contemplera la divine Sagesse qui lui est présente et qui n'est autre que Dieu lui-même. C'est pourquoi nous lisons dans le chapitre cinquième de saint Mathieu Heureux ceux qui ont le cœur pur parce qu'ils verront Dieu.

Selon Origène1, la lumière brille dans les ténèbres, parce que le Verbe de Dieu, la Vie et la Lumière des hommes, ne peut être parfaitement compris par la raison humaine, toujours enveloppée de quelques ténèbres que le Seigneur ne veut pas dissiper, pour confondre notre orgueil; et cependant cette lumière ne cesse de briller. Ainsi, comme elle est incompréhensible à toute créature, les ténèbres ne la comprennent pas. Il faut noter ici qu'il y a trois compréhensions distinctes la première par capacité, la seconde par claire vision, la troisième par l'adhésion de la foi et de la charité. La première compréhension n'existe pas pour cette Lumière qui est éternelle et immense et que, par conséquent, personne ne peut contenir. Les bienheureux dans le ciel jouissent de la seconde compréhension, et les justes de la terre ont la troisième.

Mais le méchant n'a aucune de ces compréhensions; c'est pourquoi il est écrit: Et les ténèbres ne la comprennent pas, c'est-à-dire ceux qui n'ont ni foi ni charité ne la comprennent pas. On dit encore qu'une

'Origène, Hom. 2, sur div.

2 Par clôture, per inclusionem.

chose est comprise, quand elle est parfaitement connue; or il n'y a que l'intelligence divine qui peut comprendre parfaitement cette Lumière éternelle.

Moralement, la lumière luit dans les ténèbres, car la vertu apparait et brille surtout dans l'adversité. La vertu se perfectionne dans l'infirmité 1. Personne ne peut savoir, dit saint Grégoire 2, quels progrès il a faits dans la perfection, si l'adversité ne l'a visité; il n'y a qu'une longue épreuve qui puisse découvrir ce que l'homme est intérieurement. Et parce qu'aucune adversité ne peut vaincre les saints, ni les séparer de l'amour de Jésus-Christ, il est écrit que les ténèbres ne la comprennent pas. En effet, les bons, quand ils sont en proie à l'adversité, non-seulement ne sont ni vaincus ni brisés, mais ils se réjouissent et se délectent dans cet état. On peut encore interpréter ces mots : la Lumière luit dans les ténèbres, de la conduite de Dieu qui prodigue ses consolations à ceux qui sont dans l'adversité et les tribulations, selon cette promesse du Seigneur : Je suis auprès de ceux qui ont le cœur oppressé; Je suis avec le juste dans la tribulation 3.

Et les ténèbres ne l'ont point comprise, car toutes les peines de ce monde n'ont aucun rapport avec la gloire éternelle qui nous attend, car Dieu récompense toujours au-delà des mérites et ne punit jamais toute la grièveté du péché.

La Lumière brille encore dans les ténèbres de ce monde, car le Créateur apparaît aux créatures. Puis,

1 II Corinth. 12.

2 Saint Grégoire, liv. XXXI, Moral., chap. xxviu, et liv. I des Dialog., chap. v.

3 Psaume 33; Psaume 90; Rom. 8.

comme dans la patrie céleste, Dieu est le miroir des créatures, dans lequel les créatures brillent et dans lequel nous verrons toutes les choses qui nous combleront de bonheur; dans cette vie au contraire, les créatures sont le miroir du Créateur, dans lequel nous voyons notre Créateur. C'est pourquoi l'apôtre dit1: Nous voyons maintenant par un miroir, c'est-à-dire par le miroir des créatures, en énigme et obscurément. Les choses invisibles de Dieu, dit le même apôtre 2, se voient comme à l'œil par la création du monde. Ce n'est pas seulement la foi, l'Écriture-Sainte, la raison naturelle et les saints qui témoignent de l'existence de Dieu; mais toutes les créatures le publient: Il nous a faits et nous ne l'avons pas fait 3. Dieu est, telle est la voix de la nature. Tout ce qui est beau atteste qu'il y a une Beauté par excellence; tout ce qui est doux, une Douceur; tout ce qui est sublime, une Sublimité; tout ce qui est pur, une Pureté ; tout ce qui est fort, une Force suprême..... Lorsque vous entendez, comme nous l'avons prouvé plus haut, que le Fils est engendré du Père, gardez-vous de concevoir en votre pauvre esprit quelque idée charnelle, mais ayez plutôt le regard de la colombe ou celui de l'aigle, et croyez, croyez simplement. Contemplez et voyez avec toutes les puissances de votre âme, sortir de cette Lumière immense, très-simple, très-brillante, souverainement secrète, une Splendeur coéternelle, consubstantielle, qui est la souveraine Vertu, la souveraine Sagesse, et dans laquelle le Père a tout disposé de toute éternité, par laquelle il a fait

1 I Corinth. 13.

: Rom. 1.

3 Psaume 99.

་

tice,

les siècles, gouverne et ordonne les événements pour sa plus grande gloire, tantôt dans l'ordre de la nature, tantôt dans celui de la grâce, tantôt dans celui de la justantôt dans celui de la miséricorde, de sorte qu'en ce monde, il n'y a aucun fait qui n'ait sa raison d'être. Saint Augustin dit 1: Comme la clarté naît de la substance du soleil, ainsi le Fils est engendré de la substance du Père; et comme le soleil n'existe pas avant sa lumière, bien que cette dernière procède de lui; qu'il est impossible de concevoir le soleil sans sa clarté, comme cette clarté sans le soleil; de même le Fils est engendré du Père, et il a toujours été dans le Père, et il y demeure toujours, et il est impossible de concevoir le Père sans le Fils qu'il engendre de toute éternité, comme il est impossible de concevoir le Fils sans le Père. O incrédule, lorsque dans la nature vous rencontrez une image si frappante de ce profond mystère, refuserez-vous encore d'y croire?

De même donc que la lumière est substantiellement dans le soleil, et que le soleil est dans la lumière, ainsi le Père est substantiellement dans le Fils et le Fils dans le Père. Et comme le soleil et la lumière, étant de même substance, ne sont pas néanmoins un même être, parce que nous ne pouvons dire que le soleil est la lumière ou que la lumière est le soleil, ainsi le Père et le Fils, quoique étant de même nature, sont cependant deux Personnes distinctes. Comme le soleil par sa lumière réchauffe, éclaire, dessèche, dissout, blanchit, et opère en un mot tout ce que le Seigneur lui commande, le Père

'Saint Augustin: Lett. 66 et Liv. de l'hérésie : ad quod vult Deum.

14

LA GRANDE VIE DE JÉSUS-CHRIST

a fait toutes choses par son Fils. C'est donc avec raison que saint Augustin', rapportant une parole d'un philosophe platonicien, disait que le commencement de l'Évangile selon saint Jean devrait être gravé partout en lettres d'or2, et lu dans les endroits les plus élevés des différentes églises.

↑ Saint Augustin, liv. X de la Cité de Dieu, chap. XXIX.

2 On voit que saint Augustin jugeait autrement que M. Renan. Lequel des deux a raison?