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de Jean. Encore un nouvel enseignement pour nous. Félicitons notre prochain du bien qui lui arrive et mêlons-nous à ŝa joie, contrairement aux envieux qui se réjouissent du mal d'autrui, et s'attristent de son bonheur. C'est encore aujourd'hui que saint Jean l'évangéliste sortit de la prison de ce monde, pour s'envoler tout glorieux vers le royaume céleste où les anges l'accueillirent avec des transports de joie. Comme, à cause de l'office solennel, on n'a pu célébrer sa fête en ce jour, l'Église l'a fixée au troisième jour après la Nativité du Sauveur, pour qu'elle se fasse avec toute la solennité qu'elle mérite. Et l'Église a déterminé ce jour, soit parce que c'est celui où la Basilique de Rome fut dédiée à saint Jean, soit parce qu'il correspond au jour où Jean fut établi patriarche des Églises d'Asie. Par conséquent, la fête de Jean-Baptiste fut célébrée en son jour, jour marqué par l'ange, qui avait annoncé qu'on se réjouirait à la naissance du Précurseur. Honorez donc, mes très-chers frères, ces deux grands amis de Dieu, qui resplendissent de gloire parmi les choeurs des anges; prionsles de porter nos prières auprès du trône du Seigneur, afin que nous obtenions miséricorde et que nous trouvions grâce au jour où elle nous sera nécessaire.

Mais, nous dira-t-on, pourquoi célébrez-vous la Nativité de saint Jean-Baptiste plutôt que celle de tout autre saint? La raison en est, d'après saint Augustin, que les autres saints n'ont eu foi en Jésus-Christ qu'après leur naissance et lorsque leur raison a été développée ; la naissance d'aucun d'eux n'a été un témoignage en faveur de Jésus-Christ; mais la Nativité de saint Jean prophétisa l'avénement du Fils de Dieu en ce monde, puisqu'il

le salua étant encore dans le sein de sa mère. On célèbre aussi la Nativité de Jean-Baptiste, parce qu'il fut l'enfant de la grâce de Dieu; qu'il naquit au commencement du règne de la grâce; qu'il devait prêcher la grâce du nouveau Testament, et qu'il fut rempli de grâce dès le sein de sa mère. Il en est qui ont coutume d'allumer de grands feux le jour de la Nativité de Jean; cette pratique signifie que c'est le jour de celui dont le Seigneur a dit: Il était une lumière qui échaussait et éclairait 1.

Le huitième jour après la naissance du Précurseur, on vint pour circoncire l'enfant, selon le précepte de la loi. Comme dans la circoncision, on donnait un nom à l'enfant, ainsi qu'on le fait aujourd'hui au baptême, l'Évangile ajoute: Et ils le nommaient Zacharie, du nom de son père. C'était la coutume chez les anciens de donner le nom du père au premier-né, et surtout au fils après lequel on n'espérait pas en avoir d'autres. C'est avec raison qu'on donnait un nom à l'enfant à sa circoncision, parce que cette cérémonie légale figure le retranchement de notre cœur des passions mauvaises, sans lequel personne n'est digne de voir son nom inséré dans le livre de vie.

Et la mère répondit en disant : Non, nous ne l'appellerons pas Zacharie; Jean sera son nom. Dieu avait fait à Élisabeth cette révélation : elle ne pouvait rien avoir appris de son époux puisqu'il était muet et qu'elle l'interrogea par signe sur le nom qu'il fallait imposer à l'enfant ; ce qui prouve que non-seulement il était muet, mais encore sourd; il demanda par signe un pugillaire, c'est-à-dire une tablette de la dimension de la main. Dans le langage

Jean, 5.

ordinaire des Romains, le pugillaire était une tablette sur laquelle on écrivait; quelquefois aussi on entend par pugillaire, le roseau ou le stylet qui servait à écrire. - Zacharie écrivit donc : Jean est son nom. Il n'écrit pas sera, mais est, comme s'il disait : Dieu et l'ange ont imposé un nom à l'enfant; ainsi, moi, je ne le donne pas; je déclare qu'il a été donné. Remarquons que ce nom convenait à Jean; et il y a de cela plusieurs raisons: Jean avait reçu la plénitude de la grâce; puis le règne de la grâce commençait avec lui; il prêcha le premier cette grâce suréminente, qui devait remettre les péchés et conférer la vie véritable.

Et tous furent dans l'admiration, par rapport à l'entente non calculée du père et de la mère à l'endroit du nom à imposer à Jean. Alors la langue de Zacharie se délia, et il commença à parler. Chose admirable! la foi détruisait ainsi ce qu'avait fait le défaut de confiance en Dieu. Cet événement prouve que la grâce du nouveau Testament s'était déjà manifestée.

Il parlait et bénissait Dieu pour les bienfaits qu'il avait fait éclater sur lui. Il parlait, parce que son supérieur, c'est-à-dire Dieu, lui avait donné sa bénédiction; et il bénissait Dieu, d'après cette parole sacrée : Prêtres du Seigneur, bénissez le Seigneur.

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Et tous leurs voisins furent saisis d'une grande crainte; c'est ici le saisissement de l'admiration produit par les prodiges qui avaient eu lieu à la naissance de Jean la fécondité d'une femme jusque-là stérile et avancée en âge; l'imposition à son enfant d'un nom particulier; la restitution miraculeuse de la parole à Zacharie. Il peut aussi être question ici de la crainte d'un châtiment : à la vue d'un homme juste puni pour défaut de confiance envers

Dieu, ils craignaient, comprenant qu'offenser Dieu est une imprudence et une témérité.

Et le bruit de ces merveilles se répandit dans tout le pays des montagnes de la Judée. Et tous ceux qui entendirent ces choses les conservèrent dans leur cœur ; ils y réfléchissaient; ils attendaient l'accomplissement des grandes choses que promettait la naissance de Jean, et disaient entre eux : Quel pensez-vous que sera cet enfant? Comme s'ils disaient : il sera grand; la louange universelle l'environnera. Y a-t-il lieu de s'étonner de cette question à l'endroit de l'enfant prédit? La main du Seigneur, c'est-à-dire la puissance divine, la vertu essentiellement efficace de Dieu, n'était-elle pas avec Jean dans les prodiges que le Seigneur avait opérés à son égard? Et n'était-il pas alors rationnel de prévoir, d'après tous ces événements, la grandeur future de cet enfant devant Dieu ?

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Et Zacharie fut rempli de l'Esprit, et prophétisa, en entonnant en l'honneur du Seigneur ce cantique de louange Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, etc. Voilà une leçon pour nous. Empressons-nous toujours d'obéir aux inspirations d'en haut, et Dieu, dans sa bonté, nous enverra ses dons. Car voyez ! Zacharie a laissé naître dans son âme un sentiment de défiance, et il est devenu muet; mais il s'abandonne ensuite à la confiance la plus entière, et Dieu lui rend la parole et accompagne cette restitution du don de prophétie. Où avait abondé le mal, là surabonde la grâce. Ainsi en agit Dieu vis-à-vis de nous : bien souvent il nous rend plus qu'il ne nous a enlevé; il envoie la souffrance à notre corps, pour mieux opérer la guérison de notre âme.

Écoutons à ce sujet les réflexions de saint Ambroise : Considérez, dit-il, la grandeur de la bonté de Dieu, son indulgence pour celui qui pèche; non-seulement il rend ce qu'il avait pris, mais il y ajoute des dons inattendus. Zacharie était muet, et il prophétise. N'est-ce pas, je vous le demande, une faveur insigne de la part de Dieu, que celui qui n'avait pas voulu croire à sa parole le confesse maintenant? Ah! ne perdons jamais confiance! Que la vue de nos fautes les plus invétérées ne nous fasse pas désespérer d'atteindre aux récompenses divines, car Dieu ne dédaigne pas de changer ses desseins sur nous, lorsque nous voulons bien nous amender nousmêmes 1.

Enfin, Marie dit adieu à Élisabeth et à Zacharie, bénit Jean, et retourna dans sa demeure à Nazareth. Selon l'opinion la plus commune, elle ne partit qu'après la naissance du Précurseur. Marie, durant son séjour chez sa cousine, lui rend toutes sortes de bons services; elle ne s'en va qu'après son enfantement. Apprenons, par cet exemple, à ne jamais rester là où nous ne sommes plus utiles. Ah! quelle peine dut éprouver Zacharie, que de larmes Élisabeth dut verser au départ de la Vierge Marie, lorsque cette Joie du monde, cette Étoile de la mer retourna chez elle. Et que ce départ dut aussi être cruel pour Jean, lui que l'arrivée de Marie avait fait tressaillir de tant d'allégresse. Dans ce retour de Marie, admirons son amour de la pauvreté. Elle revient chez elle, où elle ne trouve ni pain, ni vin, ni les autres choses něcessaires à la vie. Elle était restée trois mois environ

1 Saint Ambroise: Livre II, sur saint Luc. De la prophétie de Zacharle.

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