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la considérer qu'avec un certain respect mêlé de crainte. Il voulut donc, en face d'une si grande faveur, s'humilier, se jugeant indigne de demeurer, comme époux, avec une Vierge si illustre. Ce qui fait dire à saint Jérôme1 : C'est un précieux témoignage en faveur de Marie, que Joseph, connaissant sa chasteté, et étonné de ce qui se passe, parce qu'il en ignorait le mystère, l'enveloppe du silence. Saint Chrysostôme 2 s'écrie à son tour: O éloge incomparable pour Marie! Joseph croyait plus à sa chasteté qu'à sa grossesse, à la grâce qu'à la nature; il voyait que Marie avait conçu et ne pouvait la soupçonner coupable, car sa culpabilité lui paraissait chose moins possible que sa conception sans l'intervention de l'homme.

Marie n'était pas non plus exempte d'inquiétude; elle voyait Joseph en proie à un grand trouble, et se troublait beaucoup elle-même. Toutefois, son humilité lui faisait garder le silence et tenir caché le don de Dieu; elle préférait passer pour coupable, que de faire connaître le secret de Dieu et de dire une seule parole qui eût pu respirer la jactance; mais elle priait le Seigneur de vouloir bien dissiper la tribulation qui lui était commune avec son époux; et le Seigneur, qui laisse dans l'épreuve ceux qu'il aime, pour les épurer et augmenter leurs mérites, exauça les supplications de Marie. Tandis que Joseph pense à renvoyer Marie et délibère, le Seigneur lui envoie son ange, c'est-à-dire Gabriel, selon saint Augustin. Et pour trois raisons, dit saint Chrysostôme: un homme juste ne devait pas être exposé à faire une démarche blâ

1 Saint Jérôme : In cap. 1, in Matth., de Laud. Mariæ. Saint Chrysostôme : Hom. 1, Operis imperfecti.

3 Saint Chrysostôme : Hom. 1, Operis imperfecti.

mable; il fallait sauvegarder l'honneur de Marie; Joseph, comprenant la cause de sa conception, environnerait Marie de beaucoup plus de respect et de considération La Glosse donne une quatrième raison : l'homme qui se recommandait par son équité ne devait pas être livré plus longtemps à la perplexité.

Un ange apparut donc en songe à Joseph (en songe, et non pas dans une véritable vision comme celle des prophètes, car son esprit était livré au doute et comme au sommeil de l'infidélité), et lui dit : Joseph, fils de David. L'Ange rappelle à Joseph, dit saint Chrysostome 1, la promesse faite à David touchant Jésus-Christ. C'est comme s'il disait, selon la Glosse Reconnais la promesse faite à David dont tu descends ainsi que Marie; et vois en celle-ci la réalisation de cette parole: Ne crains pas de prendre et de garder chez toi Marie pour épouse, non pour une union charnelle, mais pour rester avec elle, la soutenir et lui être dévoué, et vous aimer réciproquement, ce qui est le devoir de deux époux. A l'exemple de Marie et de Joseph, les fidèles mariés peuvent, d'un commun accord, rester dans la continence et leur union être un vrai mariage, lequel ne consiste pas dans l'union des corps, mais bien dans celle des volontés et des

cœurs.

L'ange dit donc à Joseph: Ne crains pas qu'il y ait ici intervention de l'homme. Non; ce qui est né en elle, c'est-à-dire a été conçu, est du Saint-Esprit, c'est-àdire été produit par la vertu du Saint-Esprit, car les mots naître en elle veulent dire être conçu, et naître

1 Saint Chrysostôme : Hom. 1, Operis imperfecti.

d'elle, venir au monde. C'est en ce sens qu'on dit qu'il y a une double naissance, celle in utero et celle ex utero. Nous naissons in utero lorsque nous sommes conçus, et ex utero lorsque nous venons au monde.

Ici donc se place la révélation explicite faite par l'ange à Joseph; car il avait déjà connu implicitement qu'il y avait quelque chose de divin dans la conception de la Vierge; mais il ignorait la réalité du fait et le mode de conception, c'est-à-dire le mystère; et c'est ce que l'ange vient lui apprendre clairement. Elle enfantera un fils, quand sera arrivé le temps de la seconde nativité, comme l'étoile produit le rayon, l'arbre la fleur. Et vous lui donnerez le nom de Jésus, c'est-à-dire Sauveur; car ce sera lui qui sauvera son peuple en le délivrant de ses péchés; œuvre importante, parce qu'il n'est pas de servitude comparable à celle du péché, qui est la chose la plus méprisable au monde. Vous le voyez, en montrant qu'il est enfanté par une Vierge, l'ange prouve que Jésus-Christ est vraiment homme, et d'un autre côté qu'il est Dieu, puisqu'il arrache son peuple au péché, et que Dieu seul peut revendiquer un semblable privilége.

Ainsi Joseph, certain de la conception et en même temps de la virginité de Marie, étant sorti du sommeil du doute, fait ce que l'ange lui avait ordonné; sa fiancée devient son épouse; il reste avec une vierge, gardant lui-même sa virginité; Marie est pour lui une maîtresse à laquelle il prodigue ses services de la manière la plus obséquieuse.

Nous trouvons ici une belle leçon. Obéissons promptement à tous les avertissements qui nous viennent de Dieu. Avez-vous fait une promesse à Dieu, accomplissez-la tout

de suite, si vous le pouvez; dans le cas d'impossibilité, n'oubliez pas que vous êtes tenu de le faire dès que vous le pouvez. Vous devez même accomplir promptement les promesses contractées sans époque fixe pour leur exécution.

Saint Chrysostôme dit1: Joseph est instruit de la vérité du mystère; il obéit tout joyeux aux conseils de l'ange et exécute les ordres de Dieu. Il accepte Marie pour femme et se félicite d'être l'époux de la Mère du Sauveur. Joseph songeant à renvoyer Marie, assuré du mystère par l'ange et acceptant celle-ci pour son épouse, figure l'homme d'une foi chancelante, qui a des passions mal domptées et qu'un prédicateur ou un bon confesseur parvient à raffermir et à fortifier, s'il obéit à ses conseils.

Et il ne l'avait point connue, quand elle enfanta son fils premier-né, c'est-à-dire après la naissance de Jésus, il connut la grande dignité de la mère. Assurément, dit saint Chrysostôme, Joseph ne connaissait pas avant, la dignité de Marie; mais après son enfantement, il la connut; car elle était plus belle et plus grande que le monde entier, quand Celui que l'univers ne peut contenir eût daigné se renfermer dans les étroites limites de son chaste sein. Ou bien Joseph ne la connaissait pas comme femme, à cause de ce que l'ange lui avait appris; on doit prendre alors le mot donec dans le sens de jamais, car il a plusieurs significations: il désigne quelquefois un temps déterminé, lequel écoulé, on fait une chose. Ainsi, l'on dit cet homme n'a pas mangé avant telle heure,

1 Saint Chrysostome: Hom. 1, Operis imperfecti. Saint Chrysostôme : Hom. 1, Operis imperfecti.

donec; mais cette heure passée, il a mangé. Il se prend aussi pour toujours, comme ici : Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que j'aie fait de vos ennemis l'escabeau de vos pieds, c'est-à-dire restez toujours assis à ma droite. Enfin, il est exclusif du plus petit intervalle de temps et signifie jamais, comme dans notre cas. Car si Joseph n'a pas connu Marie avant son enfantement, à plus forte raison, ne l'a-t-il pas connue après. L'aurait-il pu en face de tant de signes et de miracles qui accompagnèrent et suivirent la naissance du Sauveur, et qui lui prouvaient que Celui qui venait au monde était Dieu.

D'après quelques auteurs, il est ici question de la connaissance du visage de Marie. La présence de Jésus-Christ, disent-ils, dans le sein de la Vierge, fit briller son visage d'un tel éclat, que Joseph ne pouvait regarder face à face Celle sur qui le Saint-Esprit avait répandu sa plénitude. C'est ainsi qu'autrefois Moïse, après ses entretiens avec Dieu sur le Sinaï, descendit au milieu des enfants d'Israël, le front environné d'une clarté si resplendissante, que ceux-ci ne pouvaient le regarder. Ainsi Joseph n'avait jamais vu face à face, avant qu'elle eût enfanté, celle qui lui était fiancée. Il demeure donc, plein de contentement, avec son épouse bénie ; il l'aime d'un amour chaste vraiment ineffable; il lui prodigue toutes ses attentions; et Marie est heureuse d'être avec Joseph; elle met en lui toute sa confiance; ils vivent contents au sein de leur obscurité. Nous les avons vus plongés dans la tribulation ; les voilà maintenant inondés de consolations. Voulons-nous éprouver la même réaction? Sachons être patients sous les coups de l'épreuve.

Le Seigneur Jésus, comme nous tous, reste neuf mois dans

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