Images de page
PDF
ePub

tence que vous avez prononcée contre lui, votre vérité n'existe plus, elle ne demeure pas pendant toute l'éternité. Ce débat est envoyé par le Père au Fils, et la Vérité et la Miséricorde tiennent en présence de ce dernier le même langage. On ne voit pas trop comment, au sujet de l'homme, on pourra conserver les lois de la Vérité et les entrailles de la Miséricorde. Mais le Roi éternel, dans sa suprême sagesse, donna cette solution: La Vérité dit : Je ne suis plus rien, si Adam ne meurt pas. La Miséricorde dit Je n'existe plus, si l'on n'a pas pitié de l'homme. Donc, qu'Adam meure, mais que sa mort soit bonne; il mourra et il obtiendra miséricorde, et les deux contestantes auront gain de cause. Cette sentence du Verbe, de la Sagesse éternelle, excita une universelle admiration; mais on se demandait : Comment la mort peut-elle devenir bonne, lorsque son nom même remplit de terreur. Le Roi répondit: La mort des pécheurs est détestable 1, mais la mort des saints est précieuse et elle est la porte de la vie. Qu'on trouve donc quelqu'un qui ne soit pas sujet à sa loi et qui meure par charité, ainsi la mort ne pourra tenir captif l'innocent qui fera dans son sein même une ouverture par laquelle passeront les hommes délivrés. Mais, où trouver cette victime innocente et volontaire? La Vérité parcourt tout l'univers : aucun, pas même l'enfant d'un jour, n'est pur de toute tache. La Miséricorde fait le tour du ciel, mais elle ne trouve personne qui ait une charité assez brûlante pour consommer ce sacrifice. La victoire sur la mort devait revenir à celui qui avait une assez grande charité pour

1 Psaume 33.

2 Job, 15.

sacrifier sa vie pour des serviteurs inutiles. La Miséricorde et la Vérité reviennent donc au jour assigné, plus inquiètes que jamais, n'ayant pas trouvé ce qu'elles cherchaient. Enfin, la Paix leur dit, pour les consoler: Ne savez-vous pas qu'il n'y a personne qui fasse le bien1. Donc, que celui qui a trouvé le remède l'applique lui-même. C'est alors que le Roi éternel prononça ce mot: Pænitet me fecisse hominem, c'est-à-dire, c'est à moi de subir le châtiment mérité par l'homme, ma créature. Ayant donc appelé l'ange Gabriel, il lui dit : Va, dis à la Fille de Sion: voici ton Roi qui vient 3. Le divin messager se hâte d'exécuter l'ordre reçu, et il dit à la fille de Sion: Ornez votre chambre et recevez le Roi. Voyez, dit saint Bernard, combien est grand le péril, combien est énorme le péché, et quelle difficulté il y a de trouver le remède pour guérir une plaie si profonde. La Vérité et la Miséricorde donnèrent leur consentement, et alors fut accomplie cette parole du prophète La Miséricorde et la Vérité se sont montrées; la Justice et la Paix se sont embrassées 1.

4

Saint Léon, traitant cette grande question, dit que le démon ne s'était pas tellement emparé de l'homme, qu'il l'eût privé de son libre arbitre: donc, il y avait à effacer une faute volontaire, l'effet d'un perfide conseil, afin que la loi de la justice ne fût pas un obstacle au don de la grâce. Ainsi, à cette contagion générale qui infestait le genre humain, il n'y avait qu'un seul remède à apporter, et ce remède, dans les secrets conseils de la

1 Psaume 52.

2 Genèse 6.

3 Zacharie, 9.

Psaume 84.

Saint Léon Serm. 8, sur la Nativité du Seigneur.

:

divine Raison, pouvait seul relever ceux qui étaient tombés il fallait qu'un fils d'Adam, exempt de la tache originelle, naquît innocent, et rachetât ses frères par ses mérites et les sanctifiât par ses exemples. Mais, parce que ce fils ne pouvait pas naître tel, le Dieu de David s'est fait fils de David, et il est né sans tache de la famille qui devait donner le Messie.

1

Saint Anselme dit encore à ce sujet : Au commencement, nous avions été créés à l'image de Dieu, pour jouir un jour sans cesse de Dieu lui-mème, et entrer en possession de sa gloire, sans passer par les vicissitudes et la corruption du tombeau. Mais nos premiers parents perdirent ce grand bien, et l'homme fut comme inondé de toutes les misères de ce monde, qui n'étaient que les avant-coureurs du malheur éternel qui l'attendait après la mort. Beaucoup de siècles s'écoulèrent, et la terriblé condamnation qui avait frappé tous les enfants des hommes ne faisait que peser plus lourdement sur leur tête. La Sagesse de l'Éternel elle-même ne pouvait trouver dans toute l'humanité une seule créature digne de contribuer au rachat des hommes; mais la Vierge naquit. Elle naquit de l'homme, et elle resplendit d'une telle beauté d'âme, d'une vertu si éminente, que la Sagesse de Dieu ellemême, voulant se faire homme, la jugea digne d'être sa mère; et la Sagesse de Dieu s'incarna, non-seulement pour effacer la faute de nos premiers parents, mais tous. les péchés des hommes, pour briser l'empire du démon, ennemi de son œuvre, et pour nous rendre le droit de citoyens de la patrie céleste que nous avions perdu. De

1 Saint Anselme : De l'Excellence de la bienheureuse Vierge, chap. vi.

1

quelles louanges est digne celle qui a été la médiatrice d'une si grande grâce! La Sainte-Vierge était prédestinée de toute éternité pour remplir cette sublime mission. C'est pourquoi saint Jean Damascène dit : La Mère de Dieu, présente de toute éternité dans les conseils éternels, a été figurée et annoncée dans beaucoup de passages des anciens Prophètes, inspirés par le Saint-Esprit Avec saint Anselme, élevons donc vers le ciel nos actions de grâces, et rendons à Dieu les louanges qui lui sont dues pour son ineffable miséricorde. Nous vous adorons, ô Christ, Roi d'Israël, Lumière des nations, Prince des rois de la terre, Seigneur Sabaoth, Vertu toute-puissante de Dieu. Nous vous adorons, Gage précieux de notre rédemption, Hostie pacifique, qui seule, par l'indicible suavité de votre odeur, avez incliné sur nos malheurs les regards du Père qui habite au plus haut des cieux, et l'avez rendu miséricordieux pour des fils de colère. Seigneur Jésus, nous prêchons vos miséricordes, nous publions vos bontés de toute la puissance de notre voix, nous vous immolons le sacrifice de notre louange, parce que, pour nous, race coupable et condamnée, vous n'avez pas mis de mesure à votre générosité. Seigneur, lorsque nous étions encore vos ennemis, et que l'antique mort exerçait encore son empire sur toute créature, parce qu'Adam, par sa désobéissance, avait soumis tous ses descendants à sa loi, vous vous êtes souvenu de votre féconde miséricorde, et, du haut de votre trône, vous avez abaissé vos regards sur cette vallée de larmes et de misères. Seigneur, vous avez vu l'affliction de votre peuple, et votre cœur, tou

1 Saint Jean Damascène : De la Foi, liv. IV, chap. xv.
2 Saint Anselme, chap. 11 : In speculo sermonis evangelici.

ché de compassion, vous a inspiré pour nous des pensées de paix et d'amour.

Passons sous silence toutes les prophétiès qui ont été faites avant la naissance de son divin Fils, touchant la Sainte-Vierge. Parlons un instant de la Nativité de Marie, que nous savons avoir été annoncée par de grands prodiges. La glorieuse Vierge, dans le sein de laquelle le Fils de Dieu s'est incarné, était de la tribu de Juda et de la race de David. Car, selon l'enseignement de saint Augustin 1, il était dans l'ordre des desseins de la divine Providence, que celle qui a mérité d'être la Mère de Dieu selon la chair, descendît d'une famille royale et sacerdotale, puisque le Fils de Dieu, qui s'est incarné, est le Roi et le Prêtre éternel. La vingt-sixième année de l'empereur Auguste, naquit la glorieuse Vierge Marie, qui eut pour père Joachim de Nazareth, et pour mère Anne de Sephor, ville distante de Nazareth d'environ deux lieues. Ces deux époux étaient justes devant le Seigneur. Ils vécurent ensemble vingt ans, sans avoir d'enfants; mais ils prièrent avec tant de ferveur pour obtenir la grâce de la fécondité, qu'ils furent enfin exaucés; ils promirent au Seigneur de lui consacrer l'enfant qui naîtrait d'eux. Le prêtre Isachar, apercevant Joachim qui venait avec les autres fidèles apporter son offrande, lui reprocha sa stérilité. C'est pourquoi Joachim se retira avec ses bergers sur les montagnes, et ce fut là que l'ange du Seigneur lui apparut, le consola, lui apprit que ses prières avaient été exaucées et que ses aumônes étaient montées jusqu'au trône du Seigneur. Joachim donnait le tiers de son bien aux pauvres,

'Saint Augustin: De la concord. des Evang., liv. II.

« PrécédentContinuer »