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Seigneur habite et qu'il soupire sans cesse après les Tabernacles éternels; par la ferveur de sa foi et de son espérance, par l'ardeur de sa charité, il méritera de recevoir Jésus-Christ dans ses bras et de jouir de la véritable paix, car celui qui voit la vie, ne verra jamais la mort éternelle. Heureux mille fois celui qui s'étudie ainsi à contempler Jésus-Christ des yeux du cœur; en se livrant à la méditation des choses saintes, il aura la véritable paix que nous devons attendre. Saint Bernard dit à ce sujet : Il possédera la paix, celui qui a Jésus-Christ dans son cœur, car seul il est notre véritable paix. Mais toi, âme malheureuse, où iras-tu, si tu n'as pas Jésus-Christ pour guide? Siméon, qui signifie obéissant, est l'image d'un bon religieux qui habite dans Jérusalem, c'est-à-dire dans la paix tant extérieure qu'intérieure, car il est juste et craignant Dieu, attendant la consolation d'Israël, qui est la vision divine, et le Saint-Esprit demeure en lui par la grâce, et il reçoit ainsi Jésus-Christ dans ses bras et bénit Dieu de concert avec le saint vieillard; il désire sortir de cette vie pour s'unir à Dieu et le posséder en paix, selon cette parole de l'Apôtre : Je désire quitter la prison de cette terre mortelle et vivre avec Jésus.

Siméon, en recevant Jésus-Christ dans ses bras, nous apprend que, pour le recevoir nous-mêmes, nous devons pratiquer les bonnes œuvres, avoir soin de nous dépouiller du vieil homme, c'est-à-dire du péché, et nous revêtir de l'homme nouveau, c'est-à-dire de la grâce et de la vertu. Jésus-Christ, en daignant se laisser porter par ce vieillard, lui qui porte le monde, voulut également nous donner l'exemple de l'humilité; enfin la reconnaissance de Siméon nous enseigne que nous devons rendre à Dieu de conti

nuelles actions de grâces pour les bienfaits que nous recevons de sa bonté. Nous pouvons dire aussi que le magnifique Cantique de Siméon renferme en quatre mots l'éloge parfait et complet de Jésus-Christ, qui en effet s'y trouve spécialement désigné par ces quatre noms : Paix, Salut, Lumière et Gloire. Il est la Paix, puisqu'il est notre Médiateur; le Salut, puisqu'il est notre Rédempteur; la Lumière, puisqu'il est notre Docteur; la Gloire, puisqu'il doit être notre Rémunérateur. Et ces quatre noms contiennent en abrégé toute l'histoire évangélique. En effet, tout ce qui a rapport au mystère de l'Incarnation est représenté par le mot paix. Jésus-Christ est notre Paix, lui qui dans sa personne a uni la nature divine et la nature humaine, de deux peuples n'a formé qu'un peuple, en communiquant la paix à ceux qui étaient éloignés comme à ceux qui étaient proches, et qui a réconcilié les hommes avec Dieu. Tout ce qui concerne la conversation, la vie, la prédication et les miracles du Sauveur, est désigné par le mot lumière, car ne dit-il pas lui-même : Je suis la Lumière du monde? Le mot salut comprend tout ce qui est relatif à sa passion, à sa mort et à la rédemption du genre humain; et celui de gloire désigne les mystères de sa Résurrection et de son Ascension. Enfin, comme ce cantique contient la plénitude de louanges en l'honneur du Christ, et la consolation de ce vieillard mourant, l'Église le chante seulement le soir et à la fin des Complies.

Et son père, c'est-à-dire Joseph, son père putatif, qui mérita d'être appelé le père du Christ, parce qu'il prit soin de son enfance et lui procura les choses nécessaires à la vie; et sa véritable Mère, c'est-à-dire Marie, étaient dans l'admiration et dans la joie de tout ce qu'ils entendaient

dire de l'Enfant Jésus. Ils se rappelaient avec bonheur les paroles de l'ange dans l'Annonciation, celles d'Élisabeth dans la Salutation, celles de Zacharie à la naissance de Jean, qui s'était réjoui dans le sein même de sa mère. Ils repassaient également en esprit l'enthousiasme des anges à la naissance du Sauveur et le chant de leurs glorieux cantiques; l'arrivée des bergers à l'étable; l'adoration des Mages, et en dernier lieu la venue de Siméon au Temple, et plus ils réfléchissaient, plus ils étaient dans l'admiration. Ce qui fait dire à saint Ambroise 1 : L'Incar. nation du Fils de Dieu fut attestée, non-seulement par les anges, par les prophètes et par les patriarches, mais chaque âge, chaque sexe vint lui rendre témoignage et fortifier notre foi. Nous voyons une Vierge qui conçoit, une femme jusqu'alors stérile qui enfante, un muet qui parle, Élisabeth qui prophétise, les rois Mages qui adorent, une veuve qui proclame le Sauveur du monde et un vieillard qui l'attend.

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Siméon donc, par la vertu de l'Enfant qu'il tient dans ses bras, bénit Marie et Joseph avec joie en rendant grâces à Dieu. Sans doute, Marie et Joseph étaient plus élevés en sainteté, mais comme il était prêtre et que, conformément aux prescriptions de la loi, les devoirs de sa charge l'obligeaient de bénir les parents qui venaient au Temple offrir à Dieu leurs enfants, il les bénit aussi en leur souhaitant toute sorte de bonheur devant Dieu. La tradition ne nous a pas conservé la formule de cette bénédiction, mais il est à croire qu'elle consistait en louanges et en actions de grâces, dans ce même sens que nous disons

Saint Ambroise: Lib. II in Luc. cap. de Simeone.

que la créature bénit le Créateur en chantant ses louanges et ses bienfaits. Ordinairement les enfants sont bénis à cause de leurs parents; ici, au contraire, les parents sont bénis à cause de leur enfant. Remarquez que Joseph, qui était regardé comme le père de Jésus, quoiqu'il ne fût que son père nourricier, participa à la bénédiction commune; mais comme Marie était véritablement sa mère, quoiqu'elle fût demeurée vierge, et que ce mystère eût été divinement révélé à Siméon, le vieillard s'adresse spécialement à elle, et c'est à elle qu'il va dévoiler les secrets de l'avenir. Cet Enfant, dit-il, a été établi de Dieu pour la ruine et la résurrection de beaucoup en Israël, c'est-à-dire pour l'abaissement des superbes qui se croient justes, et dont Jésus-Christ luimême dit dans l'Evangile : Si je n'étais pas venu, et si je ne leur avais parlé, ils seraient moins coupables; et pour l'élévation des humbles qui, croyant en lui, sont sortis de leurs péchés pour ressusciter à la grâce. Il ajoute : En Israël, parce que bien des Juifs, abandonnant la vérité, tombèrent dans l'aveuglement, et d'autres, qui étaient simples de cœur, passèrent à la lumière de l'Évangile. In signum ce signe de l'alliance et de la réconciliation entre Dieu et les hommes sera un sujet de contradiction (cui contradicetur), pour les Juifs d'abord, puis pour les gentils et les païens, et ensuite pour les hérétiques et les incrédules. Remarquons ici, avec Origène1, que tout ce qui est dit dans l'Évangile a été faussement contredit par les incrédules, dont se plaint Jésus-Christ par le Psalmiste: De faux témoins se sont élevés contre moi, et l'iniquité a menti à elle-même. Jésus-Christ peut être attaqué, mais il ne

1 Origène Hom. 17 in Lucam.

sera jamais vaincu. Bien des mauvais chrétiens font profession de la foi en Jésus-Christ, mais la démentent par leur conduite, accomplissant en eux cette parole de l'Apôtre · Ils confessent Dieu par leurs discours, mais le nient par leurs œuvres.

Le Sauveur vint en ce monde pour la ruine des pécheurs qui ne voudraient pas croire en lui, mais seulement par occasion, tandis qu'il vint exprès pour le salut des humbles qui devaient vivre de sa foi. Il vint nonseulement pour la perte des uns et pour la résurrection des autres, mais pour opérer en même temps dans le même sujet et la mort et la vie, c'est-à-dire pour la destruction du péché et la résurrection de la vertu; en effet, la vertu ne peut naître que sur les ruines du vice. La vertu, dit saint Bernard, ne peut, dans le même cœur, subsister avec le vice; pour qu'elle y croisse, il faut que le péché en soit banni. Otez de votre âme les superfluités, et bientôt y naîtront les pensées salutaires. Jésus-Christ est donc venu sur la terre pour détruire l'empire du vice et établir le règne de la vertu; par son humilité, il a terrassé notre orgueil; par sa pauvreté volontaire, notre avarice; par sa chasteté, notre luxure; par sa bonté, notre envie; par sa sobriété, notre gourmandise; par sa patience, notre colère; par ses veilles et ses travaux, notre paresse; et c'est ainsi qu'en établissant l'empire de la vertu sur les débris du vice, le Sauveur est venu en ce monde et pour la ruine et pour la résurrection des mêmes individus; car, selon saint Chrysostôme, lorsque l'orgueilleux devient humble, que le débauché devient chaste et l'avare libéral, le péché meurt dans son cœur, en même temps que la vertu y prend naissance. En un mot, Jésus-Christ fut donné au monde.

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