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de l'Arche. C'est ainsi que sont anéantis nos vices, si Dieu entre dans notre âme rendue déserte par le péché. D'après l'histoire scholastique, Jérémie, prisonnier chez les Égyptiens, leur prophétisa l'enfantement miraculeux d'une Vierge, et leur annonça que toutes les idoles de l'Égypte crouleraient, que le culte de leurs dieux serait

abandonné.

Les Égyptiens firent sculpter l'image d'une vierge tenant un enfant dans ses bras, et lui rendirent leurs hommages. Or, cette prophétie s'accomplit, lorsque Jésus-Christ entra en Égypte avec sa Mère: toutes les idoles tombèrent et semblèrent attester l'enfantement de la Vierge. Cet événement fut encore figuré en Pharaon et en Moïse. Voici comment: D'après l'histoire scholastique, Pharaon, roi d'Égypte, avait un diadème royal sur lequel était sculptée l'image d'Hammon, le dieu des Égyptiens. La fille du roi, ayant adopté le jeune Moïse, résolut un jour de le présenter à Pharaon; celui-ci, par mode d'amusement, pose sa couronne sur le front de l'enfant; le jeune Moïse la jette par terre et la brise. Le roi, furieux, veut le tuer; mais on lui fait observer que l'enfant a agi sans réflexion, sans intention; ainsi Moïse, par la permission de Dieu, échappe à la colère du roi. De même Jésus-Christ, par la permission de Dieu, échappe au glaive d'Hérode; Moïse vient au monde pour tirer de l'Égypte les enfants d'Israël; Jésus-Christ se fait homme pour nous arracher au gouffre de l'enfer; Moïse brise le diadème de Pharaon où est sculpté le dieu de l'Égypte ; Jésus-Christ anéantit toutes les idoles et les dieux des Égyptiens.

Cette ruine des idoles était encore figurée par la statue

que le roi Nabuchodonosor vit en songe1: une pierre se détache d'elle-même de la montagne et va heurter contre les pieds de cette statue, image ou idole; elle la brise, la réduit en poussière, et devient ensuite elle-même une grande montagne. Cette pierre est la figure de JésusChrist; il est arraché de la montagne sans le secours d'un bras humain, c'est-à-dire qu'il naît de Marie sans l'intervention de l'homme. Cette pierre, c'est-à-dire Jésus-Christ, brise en Égypte toutes les idoles, de quelque matière qu'elles se composent. Elle se transforme ensuite, peu à peu, en une grande montagne; car sur les ruines de l'idolâtrie s'élève la religion du Christ, qui se répand dans le monde entier; et Jésus-Christ devient une montagne si grande qu'il remplit le ciel et la terre de son immensité incommensurable.

La fuite de Jésus-Christ en Égypte, à cause de la persécution d'Hérode, figure les apôtres allant porter l'Evangile aux gentils, à cause de la persécution que les Juifs avaient soulevée contre eux. Son retour en Judée, après la mort d'Hérode, est la figure de la conversion des Juifs à la fin des temps. D'après saint Remi, Joseph représente les apôtres prêchant l'enfant Jésus, la foi et la connaissance du Sauveur; Marie, l'Église et la sainte Écriture; la persécution d'Hérode, celle fomentée par les Juifs. La fuite de Joseph en Égypte figure aussi le passage des apôtres aux gentils, auxquels ils portèrent la foi de Jésus-Christ et de l'Église, après avoir abandonné Hérode, c'est-à-dire les Juifs qui ne voulaient pas embrasser la foi de Jésus-Christ. Le temps que Joseph passa en Égypte

1 Daniel, 2.

figure l'espace de temps écoulé depuis l'Ascension du Seigneur jusqu'à l'arrivée de l'Antechrist. La mort d'Hérode figure l'extinction de la haine des Juifs contre les chrétiens à la fin des temps.

Jésus-Christ, par son séjour en Égypte, dissipa dans ce pays les ténèbres de l'ignorance; il fit voir la futilité et le néant des idoles, et restaura le culte du vrai Dieu. Le feu de la foi qu'il avait allumé se dilata tellement, qu'il gagna même les déserts, et le désert d'Égypte mérita d'être honoré de la présence du Seigneur, à qui ces lieux parurent en quelque sorte plus agréables que le paradis et plus illustres que le ciel ; c'est la pensée de saint Chrysostôme1: Si vous vous transportez par la pensée dans les déserts de l'Égypte, ils vous sembleront plus dignes et plus grands en quelque sorte que le paradis lui-même, car vous y verrez des réunions innombrables d'anges revêtus de corps mortels et brillant sur cette terre de l'éclat de toutes les vertus célestes; c'est l'armée de Jésus-Christ, c'est le troupeau admirable du souverain Pasteur. Regardez le ciel! quelle variété infinie d'astres scintillent à sa voûte azurée! Eh bien! plus infinie est encore la variété de cellules d'anachorètes qui brillent sur la face des solitudes de l'Égypte. Ces saints personnages passent les nuits dans la méditation, dans le chant des hymnes sacrés; les jours sont consacrés aux travaux manuels; ils retracent ainsi dans leur vie, la vie des apôtres, leurs dignes modèles.

Arrivés en Égypte, Joseph et Marie se rendirent dans une bourgade de la Thébaïde, appelée Héliopolis; là,

1 Saint Chrysostôme : Hom 8 sur saint Matthieu.

ils louèrent une petite maison, où ils demeurèrent pendant sept ans, comme étrangers et voyageurs; ils y vécurent dans la pauvreté et l'indigence. Mais dira-t-on, quels furent donc leurs moyens de subsistance durant tout ce temps? Est-ce qu'ils vivaient de mendicité? On lit dans des auteurs que la quenouille et l'aiguille étaient les deux ressources de Marie pour faire face aux nécessités de la vie pour elle et pour son enfant. Ainsi, elle se livrait à ce double genre de travail pour en retirer un salaire d'abord, ensuite pour pratiquer la vertu de pauvreté et nourrir son enfant. Que de dédains ne durent pas essuyer ces pauvres étrangers! A combien d'injustices ne furent-ils pas en butte! Mais le Seigneur n'était-il pas venu sur la terre pour les affronter, au lieu de les fuir? Ne vous semble-t-il pas voir l'enfant Jésus tourmenté quelquefois, par l'aiguillon de la faim, demander du pain à sa mère, et la mère ne pouvoir satisfaire le désir de son enfant? Ah! comme les entrailles maternelles de Marie durent être douloureusement émues en face de ces rigueurs de la pauvreté! Elle tâchait de consoler et de fortifier son enfant par la douceur de ses discours, en attendant que son travail lui eût procuré le pain nécessaire. Quelquefois aussi, elle devait retrancher quelque chose de sa propre nourriture pour le donner à Jésus quand il demanderait.

Mais, si Marie était obligée de gagner sa vie du travail de ses mains, comment faisait-elle pour les vêtements, les ustensiles et tous les autres objets nécessaires dans un ménage? Il est bien probable qu'elle n'avait rien en double, rien de superflu, rien qui respirât le luxe. Tout cela est contraire à la pauvreté; aussi, quand même

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LA GRANDE VIE DE JÉSUS-CHRIST

elle eût pu se procurer tous ces objets, elle n'en aurait pas fait l'acquisition. Marie employait-elle son aiguille à faire des objets de luxe? Non certes; car il y a un grand danger dans ce travail; c'est même un mal, pour beaucoup de raisons dont nous parlerons longuement plus bas.

Contemplons donc maintenant Marie au milieu de ses travaux et de ses fatigues; quel empressement! quelle exactitude! quelle activité ! quelle humilité ! et cependant les soins qu'elle doit à son Fils n'en souffrent pas, pas plus que l'administration de son intérieur; les prières, les veilles trouvent encore une grande part dans sa vie. — Ah! unissons-nous à Marie dans ses peines, et sachons bien qu'elle n'a pas eu pour rien le royaume du ciel, elle qui en était cependant la maîtresse. N'oublions pas non plus saint Joseph qui travaillait de son côté avec ardeur de son métier de charpentier. Quelle ample matière à notre compassion! Demeurons quelque temps par la méditation en la compagnie de ces saints personnages; demandons-leur en même temps la permission de nous retirer; mettons-nous à genoux pour recevoir leur triple bénédiction; saluons-les les larmes aux yeux et la douleur dans l'âme, en pensant qu'ils sont exilés loin de leur patrie, et que cet exil va se prolonger sept ans, pendant lesquels ils devront gagner leur vie à la sueur de leur front.

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