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LA

GRANDE VIE

DE

JÉSUS-CHRIST

CHAPITRE PREMIER

DE LA DIVINE ET ÉTERNELLE GÉNÉRATION DU CHRIST

Essayons d'exprimer quelques gouttes de ce vin pur de l'admirable doctrine des Évangélistes que Jésus nous a conservée intacte jusqu'à ce temps de grâce. Commençons par la divine génération du Christ, sujet particulièrement traité par l'évangéliste saint Jean. Cet apôtre à pour but principal de prouver la divinité du Verbe contre certains hérétiques qui, de son temps même, prétendaient que le Christ n'était qu'un simple homme, et que, par conséquent, avant sa naissance temporelle, il n'avait pas toujours existé, et qu'il n'était pas avant Marie, sa Mère'.

1 M. Renan sous ce rapport n'a rien inventé.

C'est pourquoi Jean traite d'abord de l'éternité du Verbe; il prouve la nature divine du Christ et son éternelle préexistence à Marie. A ce sujet, il remarque, touchant les Personnes divines, cinq choses que nous allons exposer succinctement.

Il déclare d'abord l'éternelle génération du Fils de son Père, lorsqu'il dit: Au commencement était le Verbe, c'est-à-dire le Verbe en Dieu lui-même. Or, dans tout être pensant, le Verbe est nécessairement supposé, en même temps que son existence. Donc le Fils était dans le Père, coéternel au Père; il n'a pas commencé d'être seulement lorsque Marie l'a mis au monde; mais il était dans le principe, c'est-à-dire dans le Père, qui est le Principe sans principe, et le Fils est le Principe du Principe. Saint Jean appelle le Fils Verbe de Dieu : Ainsi, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, est appelé en même temps Fils de Dieu et Verbe de Dieu; on le nomme encore la Vertu, la Sagesse de Dieu. Toutes ces appellations ont une même et unique signification. Mais ici, saint Jean se sert de l'expression de Verbe et non de celle de Fils, parce qu'elle va mieux au but qu'il se propose. Remarquons que le mot verbe est une expression figurative qui signifie la conception, la pensée de l'esprit. Ainsi, on dit que la physionomie est la santé, parce qu'elle désigne la santé, et comme la physionomie est appelée santé, la pensée traduite par la voix est appelée verbe. Mais le verbe, qu'est-ce autre chose que la conception intérieure de l'esprit, car les mots ne sont que des marques, des signes de la pensée de l'âme? Ainsi, cette conception intérieure de l'esprit mérite le nom de verbe, avant même qu'elle soit traduite par la voix. Donc, puisque le mot

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verbe signifie la voix, l'expression, et que les sons qui sortent des lèvres traduisent la pensée de l'esprit, et que cette pensée, pour être traduite, ne quitte pas l'esprit, le Fils du Père, le Verbe du Père, la pensée du Père, est ainsi appelé parce qu'il procède du Père par une éternelle génération, qu'il est en Lui et qu'il demeure en Lui, à cause de l'unité de leur nature, absolument comme la pensée, comme la conception de l'esprit, qui naît de l'esprit, reste en lui et ne s'en sépare pas. Telle est la raison pour laquelle l'Évangéliste emploie plutôt le nom de verbe que celui de fils. Le Verbe est donc proprement et parfaitement en Dieu lui-même; saint Jean l'appelle le Verbe, parce qu'il procède de Celui dont il est la conception, comme la pensée vient de l'esprit qui l'a créée. Et comme le Verbe et le Fils sont une même personne, la génération du Fils par son Père a une analogie parfaite avec l'expression de la pensée par la parole. L'Évangéliste désigne encore le Fils de Dieu sous le nom de Verbe, plutôt que sous celui de fils, parce que le terme de fils ne rappelle qu'une comparaison de nature et d'âge avec le père, tandis que celui de Verbe fait allusion non-seulement à l'auteur de ce Verbe, mais à ce qui est dit par ce même Verbe, aux paroles qu'il prononcera, à la doctrine qu'il enseignera et dont il inculquera les principes au monde. En effet, le Fils de Dieu ne doit pas seulement être considéré dans son éternelle génération du Père, mais encore dans son humanité, dans ses divines communications. avec les créatures, dans les miracles qu'il a opérés pour prouver sa divinité, et sous ce dernier rapport, aucun nom ne pouvait mieux lui convenir, puisque verbe signifie manifestation, expression.

L'Évangéliste confesse ensuite la distinction de la personne du Père et de la personne du Fils, lorsqu'il dit : Et le Verbe était en Dieu. Le Verbe était en Dieu, le Fils toujours dans le Père, le Père toujours dans le Fils, sans jamais sortir de la nature divine; mais les deux Personnes ne se confondent pas, car d'aucun être on ne peut dire qu'il est en lui-même. Ainsi, le Verbe et son Principe, dans lequel il est, sont deux Personnes différentes; le Verbe ne procède pas du Père par une opération que les théologiens appellent ad extra; mais, tout en procédant du Père, dont il est le Verbe, le Verbe reste dans le Père, cependant il est une personne distincte du Père: le Verbe était en Dieu, c'est-à-dire deux personnes dans la même

nature.

Saint Jean exprime ensuite la consubstantialité du Père et du Fils ou l'unité de substance de l'un et de l'autre, par ces paroles Et le Verbe était Dieu. Le Verbe est Dieu, c'est-à-dire d'une nature, d'une substance divine. Il serait impossible de supposer qu'il est en Dieu et qu'il n'est pas Dieu; car rien n'est en Dieu qui ne soit Dieu; Dieu est un tout sans mélange. Ainsi, quoique le Verbe soit dit être en Dieu, il n'est pas d'une autre nature que Dieu, comme notre pensée n'est pas d'une autre nature que notre esprit. Le Verbe a donc la nature divine qui est nécessairement une et indivisible. Le Verbe et le Principe dont il procède ont la même nature, quoique leurs personnes soient distinctes. Dans cette phrase: le Verbe était en Dieu, sont désignées les trois Personnes de la Sainte-Trinité : le Père, dans le mot Dieu, le Fils, dans le mot Verbe, et le Saint-Esprit, dans la préposition en.

En quatrième lieu, le Fils est coéternel au Père: il était

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