Images de page
PDF
ePub

grâce qui étaient en lui, se dévoilaient peu à peu et par gradation. Ou bien, selon saint Grégoire, il progressait dans les autres qui progressaient par sa doctrine et son exemple, comme on dit d'un maître qu'il progresse dans ses élèves, parce que ses élèves font des progrès sous lui. Et il se développait ainsi devant Dieu et devant les hommes, c'est-à-dire pour la gloire de Dieu et le salut de l'humanité. Ou, selon Théophile, l'Évangéliste dit devant Dieu et devant les hommes, parce qu'il doit d'abord être agréable à Dieu et ensuite aux hommes. Jésus, il est vrai, ne progressait pas au point de vue de la sagesse et de la science habituelle, puisque, dès sa conception, il en eut la plénitude; mais il progressait au point de vue de la science expérimentale, puisque la perception des sens le faisait passer chaque jour d'une connaissance à une autre; ce qui fait dire à l'Apôtre : Il apprit, par ses souffrances, l'obéissance. Il n'apprit pas quelque chose qu'il ignorât auparavant, puisque ce qu'il apprit il le connaissait déjà par science divine, par inspiration. Voulez-vous, dit saint Bernard 1, ressentir de la compassion pour votre prochain malheureux, il faut que vous connaissiez avant votre propre misère; vous devez trouver dans votre âme celle de votre prochain, et apprendre de vous-même la manière de le secourir; car le Fils de Dieu, avant de s'anéantir en prenant la forme d'un esclave, n'ayant pas passé par la souffrance et la sujétion, ne connaissait pas par expérience la miséricorde ou l'obéissance. Mais dès qu'il fut rapetissé à cette forme dans laquelle il devait souffrir et s'humilier, dans sa passion, il apprit à connaître la souffrance, et dans

'Saint Bernard: Serm. 56, in Cant.

l'abaissement, l'obéissance. Cette expérience n'augmenta pas sa science, mais notre confiance, puisque la connaissance de notre misère a rapproché davantage de nous celui dont nous nous étions tant éloignés. Comment aurions-nous osé l'approcher s'il fût resté dans son impassibilité et sa gloire? Maintenant, nous sommes invités à nous approcher avec confiance du trône de grâce de Celui que nous savons s'être chargé de nos langueurs et avoir enduré nos douleurs, et nous ne doutons pas qu'il ne compatisse à des souffrances par lesquelles il est passé.

Une leçon pour nous. De même que Jésus-Christ croissait en sagesse, en âge et en grâce, devant Dieu et devant les hommes, qu'il a souffert, qu'il est ressuscité, et est entré ainsi dans sa gloire; de même, nous, ses disciples, nous devons croître en vertus et arriver par les souffrances aux joies du ciel.

D'après tout ce que nous venons de dire, c'est donc avec raison que la sainte ville de Nazareth, bénie de Dieu, est appelée fleur, puisque c'est elle qui a donné le jour au Verbe, puisque c'est en elle que cette Fleur, dont le parfum n'a pas d'égal, a germé dans le sein d'une vierge. Elle a joui du privilége étonnant de voir naître l'Auteur de notre salut, de le voir grandir, obéir à des parents, Lui auquel son Père a soumis tout ce qui existe au ciel et sur la terre.

CHAPITRE XVI

QUE FIT LE SEIGNEUR JÉSUS DEPUIS DOUZE ANS

JUSQU'A TRENTE

Le Seigneur Jésus, de Jérusalem où il avait fait éclater sa science et sa sagesse dans le Temple, retourna à Nazareth avec ses parents; et, comme nous l'avons déjà dit, il leur obéissait. Il demeura là avec eux jusqu'au commencement de sa trentième année. Mais, chose étonnante, l'Écriture garde le silence sur la vie de Jésus-Christ durant tout ce laps de temps. Nous sommes donc obligés de nous livrer aux conjectures. Le Seigneur Jésus est-il resté inactif durant si longtemps, et n'a-t-il rien fait qui méritât d'être signalé par l'Écriture ou confié à la tradition? Car enfin, s'il avait fait quelque acte éclatant, pourquoi ne serait-il pas inscrit dans l'Évangile, comme les autres que nous y lisons? En face de cette réflexion, on est jeté dans une espèce de stupéfaction. Peut-être l'Évangile garde-t-il le

silence à ce sujet pour apprendre à la jeunesse à ne pas se vanter de ses actes et à s'humilier.

Toutefois, si nous examinons attentivement, nous pourrons voir d'une manière évidente que de la vie obscure de Jésus-Christ sortent de grandes choses. Car, tout en elle est marqué au coin du mystère: ses discours et ses actes. seront merveilleux, comme le sont aujourd'hui son silence et sa retraite. Nous devons croire, en effet, comme dit saint Grégoire, que Jésus-Christ parvint à l'âge viril sans avoir fait aucun miracle éclatant et public; cette période de sa vie fut en tout semblable à la vie ordinaire des hommes. C'est pour cela que Jean-Baptiste dit du Sauveur : Il en est un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. Et saint Luc a résumé toute cette partie de la vie de Jésus-Christ en ces quelques mots : Il descendit avec ses parents à Nazareth, et il leur était soumis. Et saint Thomas Durant toute la première partie de sa vie, c'est-à-dire depuis sa naissance jusqu'à son baptême, Jésus-Christ ne fit aucun miracle; sa vie était conforme à celle des autres hommes; sa vertu était ignorée de tous ses contemporains. Mais pourquoi ne fit-il pas alors de miracles? De peur qu'on ne regardât le mystère de l'Incarnation comme quelque chose de fantastique, si Jésus-Christ se conduisait autrement que les enfants de son âge voilà pourquoi il différa la manifestation de sa science et de sa puissance jusqu'à cette époque où l'homme est ordinairement dans la plénitude de sa science et la force de sa vertu.

Ce souverain Maître devait un jour enseigner les vertus et la science de la vie, et il commença dès sa jeunesse à s'exercer à la vertu, mais d'une façon éton

« PrécédentContinuer »