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le Fils de Dieu, qui était présent dans le monde par sa puissance et son essence divines, s'y montra ou y vint d'une manière différente et nouvelle, en se revêtant de notre mortalité, afin que, par ce Fils de Dieu par nature, nous devinssions aussi ses enfants par adoption. Lorsque l'Évangéliste dit: Verbum caro factum est, le Verbe s'est fait chair et a pris chair, c'est comme s'il disait Le Verbe a pris notre humanité qu'il a unie à sa personne; car ici le mot chair, caro, signifie l'homme, en prenant par figure la partie pour le tout; c'est donc comme s'il disait : Le Verbe s'est fait homme. Ainsi, le Verbe s'est fait chair, non pas en ce sens qu'il se changea en chair, mais en ce sens qu'il prit un corps animé par une intelligence raisonnable, réunissant la divinité et l'humanité dans une seule et même personne; de sorte que la nature divine ne fut pas changée en la nature humaine, ni la nature humaine en la nature divine, mais ces deux natures distinctes l'une de l'autre, réunies sans se confondre dans la personne du Christ, qui est Dieu et homme tout ensemble. Lors donc que l'Evangéliste dit : Le Verbe s'est fait chair, c'est comme s'il disait : Dieu s'est fait homme.

Écoutons saint Augustin: Le fils de l'homme, nous dit-il, est composé d'un corps et d'une âme; le Fils de Dieu, qui est le Verbe de Dieu, est revêtu de l'humanité comme l'âme est revêtue d'un corps; or, de même que l'âme revêtue d'un corps ne forme pas deux personnes, mais un seul homme, de même le Verbe, revêtu de l'humanité, ne forme pas deux personnes, mais un seul Christ.

* Saint Augustin: Lib. XV de Trinitate, cap. xi.

Qu'est-ce que l'homme, sinon une âme raisonnable unie à un corps? Qu'est-ce que le Christ, sinon le Verbe de Dieu. uni à l'humanité? - Jésus-Christ étant venu sur la terre pour sauver l'homme tout entier, devait prendre en lui toute sa nature. L'homme, en effet, dit saint Chrysostôme1, avait encouru, dans son âme comme dans son corps, la sentence et la peine de mort portées contre lui à cause du péché de notre premier père; il était donc nécessaire que Jésus-Christ prît l'une et l'autre afin de les sauver tous les deux. L'évangéliste n'a pas voulu nommer l'homme tout entier pour nous montrer la singulière et intime union du Verbe avec l'humanité; cette union, en effet, est si intime et si grande, que non-seulement le Verbe est homme et l'homme est Verbe, mais encore que les deux parties constitutives de l'homme, l'âme et le corps, étant séparées, le Verbe est chacune de ces parties, et chacune de ces parties est le Verbe. Et quoique l'âme soit plus noble que le corps ou la chair, toutefois l'évangéliste nomme la chair de préférence à l'âme, afin de nous donner une plus grande certitude de cette union, car il était plus difficile de croire que le Verbe se fût uni à la chair humaine, que de croire qu'il se fût uni à l'âme qui est beaucoup plus noble.

Dans le sens moral, il aime mieux nommer la chair que l'âme, voulant nous faire comprendre par ce langage l'immense bonté et l'ineffable abaissement du Sauveur, et en même temps aussi confondre l'orgueil d'un grand nombre qui, en parlant de leurs ancêtres, ne nomment que ceux qui ont été élevés en dignités, qui ont occupé

1 Saint Chrysostôme : Hom. 10 in Joan

des postes importants, sans parler de ceux qui ont été humbles et pauvres, quoique souvent ces derniers soient plus rapprochés d'eux par les liens du sang. Un auteur nous donne plaisamment un exemple de ceci dans la fable d'un mulet auquel on demandait son origine et qui répondit qu'il avait pour oncle le coursier du roi, rougissant d'avouer qu'il avait un âne pour père.

Et le Verbe habita en nous, Et habitavit in nobis, c'està-dire qu'il s'unit à notre nature pour ne plus en être séparé. Nous ne devons pas comprendre par ces paroles que le Verbe habita en chacun de nous comme il habita dans le Christ, mais seulement qu'il demeura dans l'humanité ou dans la nature humaine, qui fut commune à lui et à nous, et avec laquelle il forma une alliance éternelle. Ou bien encore il habita en nous, Et habitavit in nobis, c'est-à-dire qu'il demeura parmi nous dans ce monde, selon cette parole du prophète Baruch : Il apparut sur la terre et conversa avec les hommes. Nous pouvons aussi, dans un sens moral, appliquer ces paroles à la présence spirituelle de Dieu dans nos cœurs par sa grâce; car, de même que l'effet suit la cause, de même aussi c'est uniquement de l'Incarnation du Verbe divin que découle pour nous l'ineffable privilége, l'immense avantage de le recevoir spirituellement dans nos âmes.

Et vidimus gloriam ejus, et nous avons vu sa gloire, c'est-à-dire que nous avons connu la majesté glorieuse de la divinité, de celui qui est véritablement le Fils unique du Père éternel et de la même nature que lui. Le mot voir, videre, doit s'entendre ici de deux manières, et pour la vision physique, et pour la connaissance intellectuelle ; or, sous ces rapports, saint Jean et les autres apôtres vi

rent le Verbe incarné physiquement, puisqu'ils vécurent et conversèrent avec lui, et qu'ils furent témoins de toutes ses œuvres miraculeuses; intellectuellement, car ils comprirent l'excellence de la divinité du Christ cachée sous l'humanité, divinité que les orgueilleux ne voulurent pas reconnaître sous les enveloppes grossières d'une chair visible. Ils comprirent cette gloire du Verbe dans la sagesse de sa doctrine, lorsqu'il les instruisait comme ayant la puissance de le faire. Ils la connurent cette gloire, en voyant Jésus-Christ commander de sa propre autorité à la nature entière, et toutes les créatures lui obéir comme à leur maître et à leùr Créateur. Ils l'admirèrent, cette gloire, dans la Transfiguration, dans la Passion, dans la Résurrection, dans l'Ascension, dans la Descente du Saint-Esprit sur eux au jour de la Pentecôte. Aussi l'évangéliste, après avoir dit : Et vidimus gloriam ejus, et nous avons vu sa gloire, ajoute comme pour expliquer cette gloire quasi Unigeniti a Patre, tout ainsi que la gloire du Fils unique du Père, non par adoption, mais bien par nature, procédant de lui et participant à sa propre essence.

Remarquez que cet adverbe quasi n'est pas mis ici pour signifier la similitude ou la comparaison, mais bien pour exprimer la vérité; comme s'il disait, selon saint Chrysostôme, nous avons vu sa gloire, telle qu'elle convenait au Fils unique du Père éternel. C'est également une manière de parler, observe le même saint Chrysostôme. Si, par exemple, quelqu'un avait vu un grand roi entouré de toutes les splendeurs de sa cour, marcher en triomphe

'Saint Chrysostôme : Hom. 11 in Joan.

au milieu de la ville, voulant raconter à d'autres toutes les magnificences dont il a été témoin, mais ne pouvant dépeindre toute la pompe du cortége; qu'est-il besoin, leur dirait-il, de tant de paroles, je vous dirai tout en deux mots : il marchait comme un roi, avec un appareil digne de la majesté royale. De même, l'évangéliste ne pouvant décrire tout ce qu'il avait vu et connu de la gloire du Verbe le chant des anges dans les airs à sa naissance, la joie des bergers à Bethléem, l'adoration des Mages à la crèche ; les démons chassés du corps des possédés, la guérison des malades, la résurrection des morts; l'accord de toutes les créatures proclamant la venue du Roi des cieux; le témoignage du Père rendu du haut des airs à son Fils bien-aimé ; la descente du Saint-Esprit sur lui au jour de son baptême, et tous les autres témoignages de sa puissance et de sa grandeur, l'évangéliste, dis-je, ne pouvant raconter toutes ces merveilles, renferme tout dans ces seuls mots : Et vidimus gloriam ejus, gloriam quasi unigeniti a Patre; nous avons vu sa gloire, cette gloire telle qu'elle convient au Fils unique du Père éternel. Jésus-Christ est donc Fils de Dieu par l'excellence de la divinité, puisqu'il est seul engendré du Père, et il est le premier-né en grâce selon son humanité. Aussi, l'appelons-nous notre frère et notre Seigneur; notre frère, en sa qualité de premier-né; notre Seigneur, comme seul engendré du Père éternel.

La connaissance que les apôtres et les autres croyants eurent du Verbe incarné, s'étend à sa nature divine et à sa nature humaine. Relativement à sa divinité, l'évangéliste dit: Et nous avons vu sa gloire, cette gloire digne du Fils unique de Dieu; puis, relativement à son humanité,

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