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en Dieu dans le principe. C'est-à-dire, le Verbe dont il vient d'être parlé, était en Dieu depuis le commencement de l'éternité, avant tous les siècles. Le Verbe n'a jamais existé séparé de Dieu le Père; le Père n'a jamais existé sans le Fils, sans le Verbe, sans la Vertu, sans la Sagesse. Nous appelons Dieu le Père, le Père, parce qu'il a un Fils, qui est le Verbe et qu'il engendre de toute éternité. Le Verbe est donc engendré dans le principe, à proprement parler, non pas dans le sens que l'on dit que Dieu créa, dans le principe, le ciel et la terre, mais dans le principe, qui signifie l'éternité sans bornes, comme il est dit au psaume 109 : Toute puissance est à vous pour l'exercer au jour de votre force, lorsque vous paraîtrez avec tout l'éclat de votre sainteté : Je vous ai engendré de mon sein, c'est-à-dire de ma substance, avant l'aurore, c'est-à-dire avant la création du monde. Ainsi, lorsque ailleurs le Père dit au Fils : Je t'ai engendré aujourd'hui, il faut entendre par ce jour le grand jour de l'éternité qui renferme tous les jours. Le mot principe signifie donc tantôt l'éternité, tantôt Dieu le Père. Maintenant, comment le Père engendre-t-il le Fils, c'est un mystère que nous ne devons pas chercher à pénétrer, car la génération divine est inénarrable: Qui racontera sa génération1? Le fait est que le Fils est engendré du Père, mais en quoi consiste cette génération, c'est ce que ni les prophètes, ni les anges mêmes ne sauraient nous expliquer. Concluons de ce qui vient d'être que nous devons nous proposer toujours Dieu pour principe et pour fin dans toutes nos actions: Au commen

dit

Isaïe, 53.

cement était le Verbe, et le Verbe était Dieu. Si donc vous voulez savoir si vos pensées et vos actes extérieurs sont dans l'ordre de la divine volonté, si c'est Dieu qui opère en vous par sa divine grâce, voyez si vous vous êtes proposé la gloire de Dieu pour but; s'il en est ainsi, votre action est sainte, parce que le Seigneur en est et le principe et la fin.

L'Évangéliste, après avoir constaté l'éternelle généra– tion du Verbe, entre dans l'ordre de ses opérations.

Il dit donc en cinquième lieu, que le Père n'a rien fait sans le concours du Fils: Toutes choses ont été faites par lui-même, c'est-à-dire tout ce qui a été fait par le Père, toutes les créatures visibles et invisibles, a été fait par le Fils, et rien n'a été fait sans lui, car Dieu n'a rien fait sans sa Sagesse, et si ce n'est dans sa Sagesse. Les créatures ont été faites par Dieu, comme les œuvres de l'art sont faites par l'artiste. Le véritable artiste n'est autre qu'une intelligence qui conçoit; ainsi, un monument qui se présente à nos yeux n'est que l'exécution d'un plan primitivement élaboré par l'esprit. Mais, comme nous l'avons dit plus haut, le Verbe est la conception de l'intellect divin; donc, tout ce qui existe, tant dans l'ordre spirituel que dans l'ordre matériel, a été créé par lui. Lorsque nous disons que nous disons que toutes choses ont été faites par le Verbe, nous n'entendons pas qu'il n'a été dans la création qu'un simple instrument, qu'un aide ou qu'un agent plus ou moins efficace, mais bien la cause efficiente elle-même. Le Fils a tout créé avec le Père et avec le Saint-Esprit, car les œuvres extérieures de la Sainte-Trinité appartiennent aux trois Personnes. Toutes choses ont donc été faites par le

Verbe, sans exclure de la création le Père et le SaintEsprit. Toutes choses ont été faites en même temps et une seule fois, mais la création est néanmoins partagée en six jours distincts. Si donc toutes choses ont été créées par le Verbe, et que le Verbe n'ait pu se créer lui-même, parce qu'il eût existé avant d'être, ce qui implique contradiction, le Verbe n'a donc pas été créé, et, comme raisonne saint Augustin 1, si le Verbe n'a pas été créé, il n'est donc pas une créature; or, ce qui n'est pas une créature est Dieu. Or, ce Verbe, qui n'est pas une simple parole émise par la voix, mais qui demeure toujours dans le sein, dans les plus secrètes entrailles du Père, fait, dispose et gouverne tout, car ce n'est pas en parlant, mais par le seul acte de sa volonté que Dieu fait toutes choses. Saint Jean, après avoir montré que le Verbe est la cause productive des choses, explique de quelle manière il est cette cause: Tout ce qui a été fait était vie en lui-même, c'est-àdire vivait dans le Verbe. C'est ainsi que l'artiste conçoit d'abord un plan dans son esprit, avant de l'exécuter, et on peut dire que ce qui est dans son esprit vit avec lui; mais ce qu'il produit extérieurement change avec le temps. Toutes les choses qui ont été faites n'ont pas la vie en elles, c'est-à-dire que comme créatures, il n'est pas de leur nature d'avoir la vie; toutefois, en tant qu'elles sont en Dieu, dans la pensée divine, qui est la vie par excellence, on peut dire qu'elles ont la vie, car là, elles trouvent de toute éternité leur image et leur raison d'être. Tout ce qui s'est fait et se fait dans le temps a été décrété de toute éternité; le Seigneur voyait toutes choses avant

Saint Augustin: De la Trinité, liv. I, chap. VI.

leur existence, elles étaient présentes et vivaient dans son esprit; avant le commencement du monde, il les contemplait dans son propre Fils, dans sa Sagesse, et elles vivaient ainsi, comme si déjà elles eussent été faites. On peut dire que toutes les créatures qui sont dans la divine volonté vivent, parce qu'elles doivent être nécessairement et exister conformes au plan de la divine Providence. On voit de quelle manière les créatures procèdent du Verbe; elles en procèdent comme les œuvres de l'art procèdent de l'esprit de l'artiste.

Boèce, dans son troisième livre de la Consolation, parlant de ces mystères, s'exprime ainsi : 0 beauté par excellence, le modèle de tout ce qui existe est en toi de toute éternité; de toute éternité tu portes le monde dans ta pensée, et tu contemples toutes choses comme elles sont ou doivent être.

Remarquons ici que l'œuvre de la vertu est l'œuvre de vie et que l'œuvre du péché est appelée œuvre de mort; or personne ne peut faire une œuvre de vertu, une œuvre bonne, si ce n'est en Dieu. Si donc vous voulez savoir si votre œuvre est une œuvre de vie, une œuvre de vertu, une bonne œuvre, conforme à la divine volonté, voyez si elle est faite en Dieu et pour l'amour de lui, car il est écrit que tout ce qui a été fait en Dieu était vie, c'est-à-dire vivait et donnait la vie. Tout ce qui est fait dans la charité est fait en Dieu, et tout ce qui est fait hors de Dieu, hors la volonté de lui plaire, n'a ni mobile raisonnable, ni fin méritoire.

Saint Jean, après avoir montré le plan du Verbe relativement à toutes les créatures, signale ce qu'il a fait particulièrement en faveur des hommes: Et la Vie était la lu

mière des hommes. C'est-à-dire la Vie, le Verbe qui est la vie par excellence, dans lequel et par lequel toutes les créatures vivent, était la lumière des hommes; cette lumière devait éclairer les créatures raisonnables afin de les conduire à l'éternité bienheureuse, et elle n'a jamais manqué de répandre sa grâce et sa clarté sur tout homme qui fait ce qu'il peut pour aller à Dieu, c'est-à-dire qui lui donne son esprit et son cœur. Moralement, une bonne vie est la lumière des hommes, parce qu'elle éclaire et édifie le prochain beaucoup plus que toutes les paroles. C'est pourquoi saint Jérôme dit1 On comprend bien plus vite ce que l'on voit par les yeux, que ce que l'on entend par les oreilles; et Sénèque 2: C'est un bien long chemin que d'éduquer par les préceptes, mais les exemples ont une subite efficacité. Jésus commença donc à agir, puis il enseigna.

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Et la lumière brillait dans les ténèbres : c'est-à-dire au milieu des pécheurs que le Verbe éclaire, autant qu'il est en lui, de la lumière de sa grâce, mais ils sont ténébreux, parce qu'ils se soustraient à l'influence de la divine Lumière, de la lumière du Verbe : c'est pourquoi l'Évangéliste ajoute: Et les ténèbres ne la comprirent pas, parce que les pécheurs ne suivent pas cette lumière qui s'offre à eux; ils manquent de volonté. Saint Augustin fait quelque part cette comparaison: Placez un aveugle aux rayons du soleil; il ne verra jamais; le soleil ne lui manque pas, mais ses yeux manquent au soleil; ainsi tout pécheur endurci, toute personne dominée par les passions, tout impie, reste aveugle de cœur au sein de la Sagesse. Mais

1 Saint Jérôme, sur Jérémie, chap. xIx.

Sénèque: Lettre 6.

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