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grâce dans le temps comme fils de Marie et la posséder ensuite pendant toute l'éternité, réunissant en sa personne l'humanité et la divinité. Il sera grand, car il méritera d'être appelé le Fils du Très-Haut. L'ange ajoute: Et il sera dit le Fils du Très-Haut, c'est-à-dire de Dieu lui-même qui seul est grand. L'homme, il est vrai, est élevé audessus des créatures terrestres; l'ange est élevé au-dessus des hommes, mais Dieu seul est grand, et rien n'est au-dessus de lui. Et le Seigneur Dieu lui donnera le trône, c'est-à-dire le trône de David, son père. L'ange, selon le vénérable Bède 1, appelle le Christ Fils du Très-Haut, puis il le nomme fils de David, voulant montrer par là les deux natures réunies en sa personne la nature divine en tant qu'il est fils de Dieu, et la nature humaine en tant qu'il est fils de David. Il lui donnera le royaume de David, non pas en figure, mais en réalité; non pour un temps sur la terre, mais éternellement dans les cieux; ce royaume éternel enfin, figuré par le règne temporel du prophète-roi. Ce qui fait dire au même auteur 2: Le Christ occupa le trône de David, afin que ce même peuple que David avait gouverné, qu'il avait, par ses bons exemples de vertus, par ses chants et par ses hymnes spirituels, excité à la foi et à l'amour de son Créateur, le Christ, lui, par ses libéralités, ses instructions et ses promesses, le conduisît au royaume immortel, à l'intuition béatifique de Dieu son Père. L'ange ne parle donc pas d'un règne temporel que le Christ lui-même devait rejeter en présence de Pilate en disant: Mon royaume n'est pas de ce monde. En effet, Jésus-Christ n'exerça jamais aucune autorité

Bède In cap. 1, Lucœ. 2 Bède: In cap. 1, Lucæ.

temporelle sur le peuple juif, quoiqu'elle lui fût due par droit de naissance; mais il parle du règne spirituel qu'il devait exercer ici-bas sur l'Église militante et dans le ciel, sur l'Eglise triomphante, qui était figurée par le royaume temporel de David, comme la Jérusalem terrestre était le type de la Jérusalem céleste. De même donc que David régna temporellement, de même Jésus-Christ régnera spirituellement sur son Église, le premier sur la terre de l'exil, le second dans la véritable patrie. C'est pourquoi l'ange ajoute Et il régnera éternellement sur la maison de Jacob, paroles que nous devons interpréter non dans le sens du temps, mais de l'éternité. Il régnera donc éternellement sur la maison de Jacob, c'est-à-dire sur tous les élus. Parmi les descendants d'Abraham et d'Isaac, quelques-uns, comme Ismaël et Esaü, ont été réprouvés, mais parmi ceux de la race de Jacob, tous, selon les saints docteurs, sont mis au nombre des prédestinés, car si quelques-uns ont péché, ils ont fait pénitence de leurs fautes. Jacob signifie supplantateur ou qui triomphe; ceux, en effet, qui triomphent de leurs vices et de leurs passions désordonnées, Jésus-Christ règne sur eux; mais ceux qui se laissent dominer par elles, le démon est leur maître. Le Christ régnera donc non-seulement sur la maison de David, c'est-à-dire sur la tribu de Juda, mais aussi sur la maison de Jacob, c'est-à-dire sur tout le peuple d'Israël, sur toute l'Église, sur tous les élus, non par droit de naissance, mais par la foi. Dans ce royaume seront compris tous ceux qui auront imité la foi et la justice de David et de Jacob; c'est là le véritable. règne de notre divin Sauveur Jésus-Christ, qu'il exerce ici-bas par sa grâce et qu'il exercera éternellement dans

le ciel par sa gloire. Heureux ceux sur lesquels Jésus-Christ régnera ainsi éternellement, car ils régneront aussi avec lui. Et ce royaume n'aura pas de fin. Jésus-Christ, en effet, comme Dieu et comme homme, régnera éternellement non-seulement sur les hommes, mais aussi sur les anges, et ce royaume sans fin ne lui sera jamais enlevé, car il est le Dieu des siècles et le maître de l'éternité. Qu'il est beau, s'écrie saint Bernard', qu'il est glorieux, ce royaume, où tous les rois de ce monde seront réunis ensemble pour louer et pour glorifier Celui qui seul est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs; où les justes couronnés de lumière brilleront comme des soleils éclatants dans le palais de leur Père commun. O mon divin Jésus, daignez dans votre miséricorde vous souvenir de moi, quoique je ne sois qu'un pécheur, et me compter au nombre de vos sujets dans votre royaume; daignez me visiter dans votre bonté ineffable, en ce jour surtout où vous remettrez votre autorité entre les mains du grand Dieu votre Père, et m'admettre parmi vos élus afin que je puisse participer à la joie dont ils seront inondés, et vous louer et vous bénir éternellement avec eux. En attendant cet heureux jour, venez, ô mon doux Jésus, venez arracher les scandales de votre royaume, c'est-à-dire de mon âme, afin que vous puissiez y régner comme vous le devez, car vous êtes mon roi et mon Dieu, vous qui envoyez le salut à la maison de Jacob.

En entendant de la bouche de l'ange de si grandes merveilles, Marie demeura indécise, car, selon saint Ambroise, elle ne pouvait pas ne pas croire à la parole

1 Saint Bernard: Hom. 4, super Missus est.

2 Saint Ambroise: Lib. II, in Lucam.

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de l'ange, mais elle n'osait croire à de si étonnants priviléges. Aussi, voulant s'assurer de la conservation de sa virginité pour laquelle elle craignait le plus, elle s'informe de la manière dont s'opérera ce miracle. Vous me promettez que j'enfanterai un fils, mais comment cela pourra-t-il se faire, puisque je ne connais pas d'homme, et que j'ai fait vœu à Dieu de garder la virginité? Marie était fiancée, il est vrai, mais elle savait qu'elle ne serait jamais mariée. Comme si elle eût dit : Résolue de rester vierge de cœur, de corps et de volonté, je crois ce que vous me dites, mais le Seigneur mon Dieu, qui connaît toutes mes pensées, sait que je lui ai voué ma virginité ; comment pourra-t-il donc opérer ce miracle? Ainsi s'exprime à ce sujet saint Ambroise 1: Marie ne doute point de la possibilité du fait, mais elle s'informe de la manière dont il se réalisera. Elle avait lu dans le prophète Isaïe: Voici qu'une vierge concevra et enfantera un fils, et elle avait foi à ces paroles; mais elle n'avait pas lu comment cela se ferait. Ce nouveau miracle n'avait en effet été révélé à aucun prophète, et ne devait être proclamé que par la bouche d'un ange. Ne craignez rien, lui dit l'ange, ce miracle s'opérera, non humainement, mais divinement; non par le ministère d'un homme, mais par l'opération du Saint-Esprit, qui de son feu divin embrasera votre cœur, et sanctifiera votre chair pour qu'elle devienne digne d'être unie au Fils de Dieu, vous rendant ainsi féconde, sans que vous perdiez rien de votre virginité.

Le Saint-Esprit était d'abord venu en Marie pour la

1 Saint Ambroise: Lib. II, in Lucam.

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sanctifier et la purifier de toute souillure originelle 1 ; mais dans la conception du Fils de Dieu, il survint, c'est-à-dire vint de nouveau en elle pour la combler d'une plus grande abondance de grâces et la sanctifier non-seulement dans son âme, mais dans sa chair et dans son chaste sein.

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Le Saint-Esprit survint donc en Marie, comme la vertu du soleil qui descend sur la rose et sur le lis pour leur communiquer la fécondité. Quoique cette conception ineffable soit l'œuvre de la Trinité tout entière, car les œuvres de la Trinité sont indivisibles, elle est pourtant plus spécialement attribuée au Saint-Esprit, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, selon saint Augustin pour montrer que cette grâce de Dieu est donnée sans aucun mérite; car ces paroles : Conçu par l'opération du Saint-Esprit, prouvent que ce fut par l'effet de la seule grâce de Dieu, sans le mérite d'aucune créature; nul mérite n'avait précédé une si grande faveur; or cette grâce est attribuée au Saint-Esprit, dont le nom, d'après le Glossaire, signifie toute grâce inspirée de Dieu. Secondement, selon saint Ambroise, pour montrer la grandeur de cet acte, car le Fils de Dieu a été conçu par l'opération et la vertu du Saint-Esprit, à qui sont attribuées les œuvres de clémence et de bonté envers les hommes. En troisième lieu, d'après le Maître des Sentences , pour faire éclater l'excellence de la charité, qui est attribuée à l'Esprit-Saint, et avec laquelle Dieu

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1 Le dogme de l'Immaculée-Conception n'était pas, lorsqu'écrivait Ludolphe, un dogme de foi.

2 Saint Augustin: In Enchirid, cap. XL.

* Magist. Sentent: Lib. III, cap. IV.

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