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son ouvrage les matériaux nombreux et abondants que les manuscrits nous fournissent et qui ont été naturellement réunis dans cette section. Mais ils témoignent de l'importance capitale que Pascal accordait aux prophéties et sur laquelle il avait vivement insisté dans la conférence faite à PortRoyal. Ce sont elles qui mettent une différence essentielle entre la religion chrétienne et les autres religions, et en un sens elles constituent pour Pascal le fondement historique de la foi; par elle l'histoire universelle a un sens religieux. Si l'univers extérieur est muet, l'humanité tout entière parle de Dieu « Qu'il est beau de voir : par les yeux de la foi, Hérode, César, etc. »>

SECTION XII. Preuves de Jésus-Christ.

Les prophéties ont annoncé le Messie, et Jésus-Christ est venu. L'Ancien Testament est plein de son attente; mais cela même est cause d'obscurcissement et d'aveuglement : car ce Messie, célébré avec tant d'éclat par Isaïe et par Daniel, est venu dans une condition si basse que les historiens du monde l'ont ignoré, que les Juifs, témoins de sa vie, l'ont rejeté et l'ont crucifié. Or, cette raison, qui est pour les libertins un prétexte à ne pas croire, est pour les vrais chrétiens une confirmation de leur croyance. Car les Juifs, étant charnels, ont attendu le Messie charnel, le roi de la concupiscence qui leur apporterait les richesses de la terre, la domination de la terre; mais Jésus n'a combattu qu'avec la prière, il n'a conquis que les âmes. Son triomphe a été de se sacrifier pour racheter les hommes. Celui que les Juifs auraient reconnu n'aurait pas été le vrai Messie, car il n'aurait point libéré du péché, il n'aurait point vaincu la concupiscence. Mais celui qu'ils ont méconnu, ils l'ont prouvé en le faisant mourir ignominieusement; d'une part ils ont manifesté la sincérité de leur témoignage, d'autre part ils ont fait éclater la grandeur qui était propre au Rédempteur, et qui est l'ordre de la charité. Pour qui sait lire l'Evangile avec «< les yeux du cœur, qui voit la sagesse », tout y est transparent et touchant. Quand la divinité de celui qui les inspira ne serait pas attestée par la naïveté des évangélistes qui se traduit jusque dans leur discor

dance apparente, par le courage des apôtres qui se font martyriser pour le Christ qu'ils ont vu ressuscité, l'humilité qui rebute « les grands de chair », la simplicité qui scandalise << les esprit curieux », en fourniraient autant de marques à la fois indéfinissables et irrésistibles.

SECTION XIII. Les Miracles.

La justification de la doctrine chrétienne, la confirmation de sa « duplicité » intrinsèque par l'ambiguïté essentielle à l'histoire de la religion, permettent l'interprétation des miracles, qui devait être, dans l'Apologie de Pascal, le centre auquel tout se rapporterait. Les miracles sont extérieurement, pour le corps et pour la foule, l'image de ce qu'est la grâce dans l'intimité de l'âme individuelle. Par les miracles Dieu rassure ses élus, calme pour un temps ce tremblement perpétuel qui est l'état du vrai chrétien; en même temps il s'impose par le prestige de la force matérielle à ceux qui n'ont pas la foi, il leur donne un avertissement solennel qui leur présage leur condamnation définitive, ou qui prépare leur conversion. Aussi les miracles sont-ils le fondement de la foi; c'est d'eux que Jésus-Christ se réclame, c'est par eux que ceux qui n'ont pas cru en lui demeurent sans excuse. Mais il y a de faux miracles. Il doit y en avoir de faux afin que la foi demeure ambiguë, et que le départ se fasse entre l'esprit de charité et la dureté de cœur. Matériellement les vrais miracles n'ont rien qui les distingue des faux; mais ils portent à Dieu, et les autres en détournent. Ainsi les faux miracles, au temps de Jésus-Christ, ont confirmé la religion qui les avait prédits; la doctrine, qui n'était pas douteuse alors, a discerné les miracles. Depuis, la règle a changé : l'hérésie ayant rendu la doctrine douteuse, les miracles ont servi à discerner la doctrine; jamais miracle ne s'est produit en faveur des schismatiques ou des hérétiques; Dieu est intervenu «< dans la contention du vrai bien » pour le salut de l'Église. C'est cette règle qu'il faut appliquer au miracle de la Sainte-Épine. Il est bien vrai, comme le disent les Jésuites, qu'en général depuis l'établissement du christianisme il ne se produit plus de miracles; mais plus rare est la manifestation de la volonté

toute-puissante, plus elle est digne d'attention. Les miracles condamneront ceux qu'ils n'auront pas convertis, et ils convertiront; c'est pourquoi le premier devoir de charité envers Dieu et envers les hommes est de défendre et de célébrer « le

miracle >>. L'esprit dans lequel l'Apologie a été entreprise se résume dans cette prière : « Sur le miracle. Comme Dieu n'a pas rendu de famille plus heureuse, qu'il fasse aussi qu'il n'en trouve point de plus reconnaissante. »

SECTION XIV. Appendice: fragments polémiques.

La doctrine du miracle met aux prises Pascal et les Jésuites. La polémique des Provinciales se serait-elle poursuivie dans l'Apologie? cela est probable, si on songe aux circonstances dans lesquelles fut conçue cette Apologie, et d'ailleurs nous avons sur ce point le témoignage d'Étienne Périer. Le miracle, qui est la justification par excellence, puisqu'il manifeste Dieu, vérifie la doctrine chrétienne, telle qu'elle est conçue par le Jansénisme et telle qu'elle devait être exposée par Pascal. Mais en même temps elle condamne et la politique autocratique et la morale probabiliste que les Jésuites avaient. introduites dans l'Église. Aussi trouve-t-on dans le manuscrit autographe de nombreux fragments relatifs à ces deux sujets, qui sont liés à l'Apologie du miracle et qui nous ramènent en même temps aux Provinciales, qui sont en quelque sorte intermédiaires entre les deux ouvrages dont ils marquent la connexion étroite et la suture.

1. Vide supra, p. cxcv.

PENSÉES DE PASCAL.

I

18

DorM

II

TABLE DE CONCORDANCE

POUR LES FRAGMENTS DES PENSÉES

La table de concordance doit être établie suivant l'ordre
des pages du manuscrit entre l'édition de Port-Royal, l'édition
Bossut qui à certains égards est une édition originale, et
d'autre part les éditions modernes qui se sont elles-mêmes
référées au manuscrit de Pascal, les éditions Faugère,
Havet, Molinier et Michaut. Telles sont d'ailleurs aussi les
conclusions de l'éditeur Michaut qui a déjà fait ce travail et
auquel nous avons emprunté les éléments réunis dans ce
tableau. Dans notre introduction nous avions donné les détails
nécessaires sur les trois types d'éditions dogmatiques, en ana-
lysant le plan de Condorcet, d'Astié et du chanoine Rocher.
Nous ajoutons ici, pour rendre plus clair et plus significatif
notre tableau de concordance, la table des matières des éditions
que nous y comparons, de façon que le lecteur ait ainsi sous
les
yeux les différents aspects qu'a revêtus au cours de son
évolution le livre des Pensées. Nous y avons naturellement
rapproché Havet de Bossut; quant à Michaut, c'est, avec
quelques interversions inévitables dans l'état actuel du recueil,
l'ordre même du manuscrit.

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