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ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

MADAME JOURDAIN, M. JOURDAIN.

MADAME JOURDAIN.

A! mon dieu: miséricorde! Qu'est-ce que

c'est donc que cela? quelle figure! Est-ce un momon que vous allez porter? Est-il temps d'aller en masque? Parlez donc, et qu'est-ce que c'est que ceci? Qui vous a fagoté comme cela?

M. JOURDAIN.

Voyez l'impertinente, de parler de la sorte à un mamamouchi.

MADAME JOURDAIN.

Comment donc ?

M. JOURDAIN.

Oui, il me faut porter du respect maintenant, et l'on vient de me faire mamamouchi.

MADAME JOURDAIN.

Que voulez-vous dire avec votre mamamouchi?

M. JOURDAIN.

Mamamouchi, vous dis-je. Je suis mama

mouchi.

MADAME JOURDAIN.

Quelle bête est-ce là?

M. JOURDAIN.

Mamamouchi, c'est-à-dire en notre langue

paladin.

MADAME JOURDAIN.

Baladin ? Êtes-vous en âge de danser des bal

lets?

M. JOURDAIN.

Quelle ignorante! je dis paladin; c'est une dignité dont on vient de me faire la cérémonie.

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Giourdina, c'est-à-dire Jourdain,

MADAME JOURDAIN.

Hé bien! quoi Jourdain?

M. JOURDAIN..

Voler far un paladina dé Giourdina,

MADAME JOURDAIN.

Comment?

M. JOURDAIN.

Dar turbanta con galéra.

MADAME JOURDAIN:

Qu'est-ce à dire cela?

M. JOURDAIN.

Per deffender Palestina.

MADAME JOURDAIN.

Que voulez-vous donc dire?

M. JOURDAIN.

Dara, dara bastonnara.

MADAME JOURDAIN.

Qu'est-ce donc que ce jargon-là ?

M. JOURDAIN.

Non tener honta, questa star lutima affronta.

MADAME JOURDAIN.

Qu'est-ce donc que tout cela?

M. JOURDAIN, chantant et dansant. Hou la ba, ba la chou, ba la ba, ba la da. Il tombe par terre.

MADAME JOURDAIN.

Hélas! mon dieu, mon mari est devenu fou

M. JOURDAIN, se relevant et s'en allant:

Paix, insolente. Portez respect à monsieur le mamamouchi.

MADAME JOURDAIN.

Où est-ce donc qu'il a perdu l'esprit? Courons l'empêcher de sortir. (Apercevant Dorimène et Dorante.) Ah! ah! voici justement le reste de notre écu. Je ne vois que chagrins de tous côtés.

SCÈNE II.

DORANTE, DORIMÈNE.

DORANTE.

Oui, madame, vous verrez la plus plaisante chose qu'on puisse voir; et je ne crois pas que dans tout le monde il soit possible de trouver encore un homme aussi fou que celui-là. Et puis, madame, il faut tâcher de servir l'amour de Cléonte, et d'appuyer toute sa mascarade. C'est un fort galant homme et qui mérite que l'on s'intéresse pour lui.

DORIMÈNE.

J'en fais beaucoup de cas, et il est digne d'une bonne fortune.

DORANTE.

Outre cela, nous avons ici, madame, un ballet qui nous revient, que nous ne devons pas laisser perdre; et il faut bien voir si mon idée pourra réussir.

DORIMÈNE.

J'ai vu là des apprêts magnifiques; et ce sont des choses, Dorante, que je ne puis plus souffrir. Oui, je veux enfin vous empêcher vos profusions; et, pour rompre le cours à toutes les dépenses que je vous vois faire pour moi, j'ai résolu de me marier promptement avec vous. C'en est le vrai secret; et toutes ces choses finissent avec le mariage.

DORANTE.

Ah! madame, est-il possible que vous aycz pu prendre pour moi une si douce résolution?

DORIMÈNE.

Ce n'est que pour vous empêcher de vous ruiner; et, sans cela, je vois bien qu'avant qu'il fût peu vous n'auriez pas un sou.

DORANTE.

Que j'ai d'obligation, madame, aux soins que vous avez de conserver mon bien! Il est

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