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On a vu plus haut que le cœur de Henri III reposait à Fontevrault, près de sa mère Isabelle d'Angoulême. Les six Plantagenets avaient chacun leur sépulture distincte et chaque tombe était ornée d'un monument funéraire avec l'effigie du défunt. Tous ces monuments, qui offraient un grand intérêt historique et archéologique (1), demeurèrent intacts jusqu'en 1504. En cette année, l'abbesse Renée de Bourbon, sous un prétexte de réforme, éleva dans l'église une clôture pour les nonnes et y transporta les effigies en même temps qu'elle troublait la disposition des sépultures cachées sous la pierre. En 1562, les Huguenots ravagèrent l'Anjou et saccagèrent l'abbaye; puis, en 1638, pour un motif de décoration de l'église, les tombes royales furent de nouveau bouleversées; les effigies subsistantes, au nombre de quatre (2), furent réunies sous une même arcade et en une sépulture commune. Enfin, en 1793, la populace de la région s'acharna sur ces monuments vénérables comme pour détruire en eux les souvenirs du passé et des misérables fouillèrent les substructions dans l'espoir d'y découvrir des trésors cachés. Malgré les bouleversements opérés aux XVIe et XVIIe siècles, et qui devaient avoir rendu méconnaissables les sépultures, des ossements et autres restes s'y trouvaient encore, et c'est ainsi que dut être découverte et volée l'urne funéraire d'où fut extraite la relique vendue à Cretté. Aucune inscription ne décelait, aucun signe ne permettait d'induire qu'elle eût été le cœur de Henri II, mais ce roi avait été, sinon le plus illustre des personnages princiers inhumés à Fontevrault, du moins le créateur de cette sépulture royale et de là à lui attribuer tous les restes qui en provenaient, c'était chose facile.

Concluons donc que si la relique possédée par les Ursulines d'Edimbourg n'est pas le cœur de Henri II, il y a toute pro

(1) L'Histoire de France de Bordier et Charton, 2 vol. in-4o (1878) repro 'uit les statues d'Éléonore, p. 271, et de Richard Cœur de Lion, p. 312, t. I.

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(2) Dès 1638, les effigies d Jeanne d'Angleterre, femme de Raymond VI de Toulouse et de leur fils Raymond VII, avaient disparu.

babilité pour qu'elle soit celui de son petit-fils Henri III, dont le long règne fut très profitable à son pays.

Toutes les présomptions les plus sérieuses militent donc en faveur de cette opinion qui a pour elle le texte précité de la charte d'Edward I, alors qu'il n'en existe aucun pour d'autres hypothèses. Si nous en croyons les documents qui nous sont venus d'Ecosse, c'était aussi l'avis de M. Célestin Port, l'auteur du Recueil archéologique de Maine et-Loire. C'est aussi celui de M. Hume Brown, professeur d'archéologie à l'Université d'Edimbourg, dont, pour finir, nous citerons les réflexions extraites d'une lettre qu'il écrivait récemment sur la question:

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Edimbourg, 27 février 1916.

Les documents montrent clairement que le cœur est celui de Henri III et non celui de Henri II. Dans les deux cas, c'est une chose curieuse que le cœur d'un roi anglais, qui vivait au XIIIe siècle, soit arrivé à Edimbourg au XIX. Henri III fit tous ses efforts pour se rendre maître de l'Ecosse. Quelle ironie de penser que son cœur, finalement, s'y repose!

A. POMMIER.

Sur la sépulture des Plantagenets à Fontevraul, on pourra consulter :

1o Les Monuments de la Monarchie, par Montfaucon, tome II, page 113, planche XV;

2o Une monographie très documentée de Louis Courajod, donnée à la Gazette des Beaux-Arts, en 1867, tome XXIII, page 537.

Nous avons emprunté à ces ouvrag, s des renseignements pour la fin de cette étude.

La Société française d'archéologie, dans sa soixante-di-septième session, tenue en 1910 à Angers et à Saumur, a visité l'église abbatiale de Fontevrault; le compte rendu des travaux de ce Congrès contient, au tome Ier (page 54), d'excellentes reproductions des tombeaux des Plantagenets, et le tome II publie (page 155) un rapport de M. L. Magne sur la découverte des sépultures de ces princes, le 14 juin 1910, dans le transept de cette église.

On pourra lire aussi, dans les Mémoires de la Société d'Agricullure, Sciences et Arls d'Angers, tome XXIV, page 193 (1882), une dissertation de M. Godərd-Faultier sur l'Origine de la coutume d'inhumer le cœur isolément pour honorer la mémoire d's personnages célèbres, laquelle aurait pris naissance en Anjou, mais cet auteur se base sur des don ́ ées imprécises et fort contestables.

Avant de vous offrir ce travail, nous avons consulté à son sujet M. Charles Bémond, directeur de la Revue historique, très v rsé sur l'histoire de la Grande-Bretagne, et il a bien vo lu nous répondre « qu'il ne trouvait rien dans ses souvenirs, ni dans ses notes, ni dans ses livres, qui pût nous apporter quelque lu nière, et que son attention n'avait jamais été attirée sur cette question du Cœur de Henri II ».

A. P.

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