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utile existence avec le charme de l'amitié et d'un égal amour pour les mêmes travaux. Une excellente page nous rend le vieux Bayonne, que Dulaurens apprit à aimer passionnément dès sa première jeunesse : « Humble petite ville de province, recevant trois ou quatre fois la semaine les gazettes de la capitale, et vivant vraiment de sa vie propre. Mais quelle animation en ce petit monde bayonnais, et combien chez le peuple, dans la bourgeoisie et jusque chez les membres de la colonie militaire et administrative, les relations étaient aimables, suivies et cordiales ! »

C'est surtout l'activité historique de son héros qui préoccupe le biographe. Dès ses débuts, M. Dulaurens dépouille et transcrit des documents aux archives de Bayonne, avec ses amis, MM. Jules Balasque et Daguerre-Dospital. Augustin Thierry citait avec reconnaissance, dans son second rapport (6 mai 1838) relatif à la Collection des Monuments du tiers-état, les catalogues de pièces qui lui avaient été envoyés de Bayonne. Et comme il demandait des transcriptions intégrales, « du 17 août 1838 au 21 juillet 1839, 244 copies de documents furent adressées au ministère, destinées à prendre place, dans ce recueil unique que la mort seule de M. Augustin Thierry empêcha d'achever, mais qui, sans doute, sera quelque jour complété. » Utinam!

Je ne fais qu'indiquer les travaux de M. Balasque pour l'organisation de la Bibliothèque urbaine, ouverte pour la première fois le 1er mars 1851, et qui compte aujourd'hui près de 15,000 volumes. Je voudrais insister de préférence sur une œuvre accessible à tous les chercheurs l'Inventaire des archives communales de Bayonne. Cette œuvre est finie, quoique la publication n'en soit pas tout à fait arrivée au terme. Les séries AA-EE remplissaient déjà 261 pages in-4° à deux colonnes; et les séries suivantes (justice, cultes, instruction publique, agriculture, commerce et industrie), sans compter le recueil des papiers de notaires, archives de famille et affiches, n'offriront pas sans doute moins de richesses. Mais sur tout cela, je renvoie, sinon à l'Inventaire lui-même, du moins à l'esquisse de M. Bernadou, en lui empruntant seulement quelques indications. D'abord,« les deux plus précieuses perles » du dépôt le livre des Etablissements, édité en 1336 par le maire Guillem-Arnaud de Vièle, et les anciennes Coutumes codifiées vers 1273; - puis les délibérations du corps de ville depuis la fin du xve siècle jusqu'à la Révolution; les nombreux procès des Bayonnais avec leurs << aimables voisins de Capbreton, d'Anglet et de Biarritz; - des registres de

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paroisse depuis 1586; - des papiers du vieux collège, « dont Jausénius, l'ami de Duvergier de Hauranne, fut un instant le principal, » etc, etc.

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La collaboration de M. Dulaurens aux excellentes Etudes historiques sur la ville de Bayonne engage son biographe à citer les éloges accordés à cet ouvrage capital par l'Institut, l'Académie des sciences de Toulouse, et des érudits aussi compétents que MM. Ad. Baudouin, de Lasteyrie, Eug. de Rozière, Paul Raymond, Bladé, Tamizey de Larroque. Pour notre part, nous transcrirons quelques lignes de M. Chateauneuf, maire de Bayonne, bâtonnier de l'ordre des avocats, dans un éloge de M. Jules Balasque, son confrère, mort Je 24 mars 1872: « Il avait conservé sous la robe du magistrat, dans la partie la plus secrète de son cœur, sa passion première, celle qui avait fait le charme et la joie de sa jeunesse : il n'avait jamais cessé d'aimer les vieilles chroniques et s'était promis à luimême de doter sa chère ville de Bayonne d'une histoire aussi complète que les documents anciens permettaient de la reconstituer pour tous les temps antérieurs au XVIe siècle. Un labeur persévérant a produit les deux premiers volumes de cette œuvre de patiente érudition; le troisième était en préparation. Retardé par la maladie et par les chagrins, il reste confié sans doute aux soins du collaborateur éclairé, de l'ami dévoué, du bibliothécaire érudit, qui, durant bien des années, en a réuni et préparé les documents si nombreux et si variés. » En effet, à l'œuvre commencée dès 1862, et dont deux volumes avaient été publiés par M. Balasque lui-même, venait s'ajouter en 1875 un troisième et dernier volume, qui s'arrête en 1451, à la fin de la domination anglaise. Encore n'offre-t-il une rédaction suivie que jusqu'en 1356 environ, où s'était arrêté M. Balasque. Pour tout ce qui suit, M. Dulaurens, dit M. Bernadou, «< ne voulut donner qu'un résumé chronologique, quelques notes, comme il le disait modestement dans une courte préface. »

Malgré cela, les Etudes sur la ville de Bayonne constituent un des meilleurs travaux d'histoire urbaine de ce siècle, elles ont surtout une place marquée dans la collection historique de notre province de Gascogne. Mais on fera bien d'y joindre, en attendant une notice qui est bien due à M. Balasque, cette intéressante biographie de M. Dulaurens, son collaborateur si modeste et si dévoué.

TROUVAILLE D'AURIMONT (Gers). Description de 3,624 MONNAIES ROYALES ET BARONALES de Louis VI à Philippe IV (1108 à 1314), par M. Emile TAILLEBOIS, archiviste de la Société de Borda, membre de plusieurs Sociétés savantes. Dax, J. Justère, 35 p. in-8°. (Extrait du Bulletin de la Société de Borda.)

La trouvaille d'Aurimont, - village du canton de Saramon, est du mois d'avril dernier. M. Sarrat, instituteur, a déterré, en travaillant son jardin, un vieux vase de cuivre, qu'il a mis depuis la plus grande complaisance à communiquer, avec son contenu, aux amateurs attirés par sa découverte et surtout au savant archiviste de la Société Borda. Ce dernier nous donne la description, du vase d'abord petit chaudron qui a été longtemps au feu, que l'humidité a rongé depuis et que la pioche a partagé en trois morceaux; puis des ustensiles et débris qui se sont trouvés auprès et dont le plus intéressant est une petite pince en laiton, en forme de tête de cerfvolant. Ce joli objet a donné lieu à plusieurs interprétations diverses. Les uns, dit M. Taillebois, y voient un instrument de chirurgie, d'autres un simple casse-noisette, d'autres encore un moule à grains de chapelet; sans oser rien affirmer, ajoute-t-il, je serais · plus tenté de me rallier à la première opinion. » Mais la plus grande partie de cette brochure est consacrée à la description de cent quatre-vingt types monétaires, se rapportant au temps marqué par les deux dates données au titre. Cette description, faite avec le plus grand soin et la plus grande sûreté, est accompagnée, quand il y a lieu, de remarques précieuses pour la science numismatique. Je me contenterai de noter diverses observations sur la dictinction des monnaies de Louis VI et de Louis VII; les difficultés opposées à l'opinion de M. Gariel, qui interprète arbitrairement par Tournay (indication d'atelier monétaire) le T qui termine la légende des revers de certains deniers tournois de Louis VIII; l'induction sur le peu de durée du monnayage nimois au xe siècle, à propos d'un denier de saint Louis, dont on ne connaît qu'un autre exemplaire; la chronologie des deux formes PHILIPVS et PhILIPVS dans les pièces de Philippe II et de Philippe III, etc. Je transcris encore cette remarque, placée à la suite de la description de quatre deniers des principautés chrétiennes d'Achaïe et d'Athènes : « M. Caron, en parlant du trésor de Sierck, dit que c'est la première fois que l'on rencontre les monnaies des Croisés dans une trouvaille faite sur le territoire français; en ce cas, voici la seconde fois que ce fait se présente. »

Il suffit de ces indications pour attirer l'attention des numismates, soit sur le trésor d'Aurimont (1), soit sur l'instructive description qu'en a publiée M. Taillebois. A eux de prononcer sur les conjectures qu'il présente, en terminant à propos, les différences de poids qu'offrent si souvent les espèces similaires. Mais je tiens à extraire des premières pages celles qui concernent l'origine du trésor.

Le jardin où la trouvaille a été faite s'appelle de temps immémorial aux Carmes, et il est tout près de l'emplacement d'une église depuis longtemps détruite; M. Taillebois en conclut qu'il y a dû y avoir là une abbaye (lisez un couvent) de Carmes. Il pense que ce couvent aurait été ruiné vers la fin du règne de Philippe le Bel: car la moitié des monnaies déterrées sont de ce prince. Mais à quel événement rapporter cette destruction ? C'est à une guerre, puisqu'il y a eu incendie, comme le démontrent les cendres et les briques calcinées, et non incendie accidentel, puisqu'on a enfoui le trésor au lieu de l'emporter. Seulement rien jusqu'ici ne fait connaître avec précision la guerre dans laquelle aura péri le carmel d'Aurimont.

RELIURE D'UN MONTAIGNE à l'S barré et à monogrammes. Réponse à une question de l'abbé Léonce COUTURE, par l'abbé J. DULAC. Paris, Rouvière, 1880. In-8° de 22 p. avec une lithographie.

On peut voir cette question dans notre t. xvi, p. 442. Je n'insérai pas la réponse que m'adressa M. l'abbé J. Dulac, parce que, bien qu'elle flattât mon amour-propre en donnant à mon Montaigne (il était mien alors) une illustre origine, elle me parut par trop conjecturale. D'après lui, les lettres citées voulaient dire: F[ILLE] D[E] M[ONTAIGNE] (il s'agit de Marie de Gournay, fille adoptive de l'auteur des Essais) F[IDEM] D[ATAM] S[ERVAVERUNT] M[UTUO] S[IBI] (c'est l'S barré) F[IDEM] D[ATAM] S[ERVAVERUNT] M[UTUO]. On trouvera les preuves de notre docte correspondant dans sa brochure, avec l'explication non moins ingénieuse qu'il donne des symboles (le cœur représente deux coeurs qui n'en font qu'un, etc.). On y trouvera aussi la déduction des erreurs que j'ai commises selon lui en posant ma question. Mais ce qui m'y a paru étrange, c'est la pensée de me contraindre a dénoncer ex cathedra l'hétérodoxie de sa note. Je ne dénonce jamais rien ex cathedra; et ici, je dois me garder même de juger, pour n'être pas juge et partie. Je me contente de dire qu'il y a beaucoup d'érudition dans cette brochure de mon excellent collaborateur, M. l'abbé Dulac, et de la recommander à ce titre.

L. C.

(1) Il n'était pas encore complètement dispersé, il y a quelques semaines; je ferai remarquer ici aux amateurs que toutes les monnaies de ce dépôt sont en billon. Il y en a 3,269 royales (137 variétés); 360 baronales de 39 variétés; et cinq des croisades appartenant à 4 variétés.

TROIS PROCÈS DE LA COMMUNAUTÉ DE SOLOMIAC

CONTRE L'ABBÉ ET LES RELIGIEUX DE GIMONT.

II

Procès au sujet des droits seigneuriaux et de la dime.

L'abbé de Gimont était, au temporel, seigneur de Solomiac: par moitié avec le roi dans la ville et les 500 arpents mis en paréage; en seul, comme seigneur foncier, dans le reste du territoire, qui était la propriété de l'abbaye et comprenait, comme nous l'avons dit, les trois paroisses de Rajast, de Sainte-Marguerite et de Mauvielle. En consentant au partage avec le roi pour les 500 arpents, l'abbé et le monastère s'étaient encore engagés à se dessaisir de la propriété territoriale sur le reste de leurs possessions, et de tout donner à emphyteose (1) aux conditions ordinaires relatives à ces sortes de baux. Ils réservaient toutefois une grange, la grange de Francheville, qu'ils voulaient garder en leur main pour continuer à en faire eux-mêmes l'exploitation, comme ils avaient fait jusqu'alors pour le tout. Mais à leur engagement, consacré par une stipulation formelle, ils avaient mis pour

(1) Le bail à emphytéose impliquait de la part du bailleur l'abandon du droit de propriété qu'il avait sur l'objet cédé, et ce droit passait tout entier au preneur, å perpétuité. A perpétuité aussi le preneur s'engageait vis-à-vis du bailleur à payer en retour et comme dédommagement de la propriété abandonnée, à lui, d'abord, et ensuite à ses héritiers et successeurs, une certaine redevance qui était stipulée dans le contrat, proportionnée, naturellement, à la valeur intrinsèque de l'objet cédé et variant, quant à sa nature, suivant la nature des objets. Quelquefois c'était une portion quelconque des fruits recueillis dans le champ objet de la stipulation; et alors on donnait à cette redevance le nom d'agrier ou de champart. D'autre fois, c'était une redevance annuelle en argent, qui se payait d'ordinaire à la Toussaint et à laquelle on donnait le nom de fiefs ou d'oblies.

Tome XXI. - Octobre-Novembre 1880.

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