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fiant que ce qu'on raconte sur ce sujet, de saint Anastase, religieux persan et martyr (1); car on dit de lui, qu'il arrosait de ses larmes les livres où les combats des Martyrs et leurs trophées étaient décrits; il demandait sans cesse de pouvoir, comme eux, mourir pour Jésus-Christ, et il ne croyait pas qu'il y eût pour lui dans la vie quelqu'au'tre chose qui fût plus digne de toute son application, que cette lecture. Ce fut cette dévotion affectueuse des fidèles envers les martyrs, qui mit dans les églises les images et les peintures, afin disent les saints Pères, que ceux qui étaient privés de la connaissance des lettres, ne le fussent pas du secours de tant de beaux exemples. Quel effet ne firent-ils pas, par ces exemples admirables, sur le cœur de sainte Thérèse; mais sans parler de tous les effets surprenans qu'ils ont produits dans l'âme d'une infinité de personnes, nous nous contenterons de rapporter quels ont été pour ces grands hommes, les sentimens de Joseph Scaliger, qu'on n'accusera pas sans doute de donner dans une dévotion de femme. Ce savant critique parlant des actes de saint Polycarpe et de quelques autres Martyrs (2), dit ces paroles remarquables. « Cette lecture est si touchante, » que l'esprit ne peut jamais s'en rassasier, chacun peut » l'avoir éprouvé, selon le degré de sensibilité et d'intelligence qu'il a ; mais pour moi, j'avoue que je n'ai ja» mais rien lu dans l'histoire ecclésiastique, qui ait excité en mon cœur des mouvemens si extraordinaires, mais en même temps si violens, qu'en quittant le livre, je

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7. Les savans de tous les siècles s'appliquent à les recueillir.

en

Doit-on s'étonner, après cela, qu'un respect si général et si uniforme, répandu dans le cœur de tous les fidèles pour les saints Martyrs et pour leurs Actes, ait fait naître dans l'esprit des savans de tous les siècles et des amateurs de la sainte antiquité, la pensée de s'appliquer à les recueillir? Celui qui s'est le plus signalé dans cette recherche, est Eusèbe, évêque de Césarée, dans la Palestine lequel, outre ce qu'il en rapporte dans son histoire, composa deux livres exprès. Le premier, qu'il nomme le recueil des Martyrs anciens, contenait les Actes véritables et originaux des anciens Martyrs, comme on le conjecture de ce qu'il en dit dans son histoire; et dans le second, qui a pour titre, des Martyrs de la Palestine, il fait un récit de tout ce qui s'est passé dans sa province, durant la persécution de Dioclétien, et dont il avait été lui-même le témoin. Nous donnerons ce dernier livre tout entier, et tel qu'il est venu jusqu'à nous pour le premier, on ne le trouvait plus du temps de saint Grégoire-le-Grand (1), ni dans Alexandrie, ni dans aucune bibliothèque de Rome, et s'il n'est entièrement perdu, il est si bien caché, qu'il n'a pu être jusqu'ici découvert, et qu'il a échappé à la recherche la plus exacte et à la perspicacité des plus curieux d'entre les doctes. Au reste, après que Dieu eut donné la paix à son Eglise en donnant l'empire à des princes chrétiens, comme la dévotion envers les Martyrs ne fut plus contrainte ni gênée, il n'y eut presque aucune Eglise qui ne se mît en devoir de rechercher les Actes de ses propres Martyrs, pour en faire la lecture dans l'assemblée

(1) Greg. ep. 29, lib. 7, indict. 1.

des fidèles. Ces Actes furent tirés, comme nous avons dit, ou des greffes, ou des mémoires de quelques chrétiens qui s'étaient rencontrés aux interrogatoires des juges, ou de ce que l'on en pût trouver dans la tradition et dans le souvenir de ceux qui étaient encore en vie, et qui avaient vu les persécutions. Mais comme la plupart des provinces de l'empire vinrent à tomber sous la puissance des Barbares, qui s'en emparèrent après les avoir pillées, une grande partie de ces Actes fut enveloppée dans cette désolation générale des provinces. On en substitua dans la suite d'autres à leur place, mais qui n'avaient ni le même caractère de vérité, ni par conséquent la même autorité. Ce sont ceux qui se trouvent en plus grand nombre dans les manuscrits et dans les livres imprimés. Nous ne croyons pas cependant qu'on les doive entièrement rejeter, quoiqu'ils n'aient pas toute la pureté et toute l'intégrité des premiers Actes, et quoiqu'on y remarque plusieurs fautes, soit pour ce qui regarde les personnes, soit pour ce qui concerne les temps. Il faut mettre au même rang les Actes qui, véritables dans leur origine, ont été gâtés et corrompus par une main ignorante et téméraire, qui y a souvent ajouté de faux miracles, ou des dialogues entre les juges et les Martyrs, dans la pensée que ces sortes de fictions pourraient donner à ces pièces plus de force et de relief, cela n'ayant, au contraire, servi qu'à leur faire perdre leur crédit dans l'esprit des savans, malgré quelques étincelles de vérité qui brillent parmi les ténèbres dont on les a couvertes. Il faut toutefois prendre garde à ne pas confondre avec ces actes adultérins, d'autres qui sont très-légitimes, quoiqu'on voie au commencement une petite préface, et une apostille à la fin, l'une et l'autre ajoutée par une main étrangère. Car, comme la plupart des Actes finissent à la sentence du juge, et qu'il y en a peu qui contiennent la mort du Martyr, à moins qu'elle ne soit arrivée à la question, les fidèles supT. XXIII. 9

pléaient ce qui manquait à ces Actes; mais soit que ce supplément y ait été ajouté du temps même de la persécution, soit qu'il n'y ait été inséré que lorsque le recueil en a été fait, il est certain que cela ne doit rien diminuer de leur valeur ni de leur autorité.

8. Écrivains qui ont compilé les Actes.

On peut juger par ce que nous avons dit, combien il serait difficile de faire un catalogue juste de tous ceux qui ont travaillé à recueillir les Actes des Martyrs, puisque non-seulement chaque Eglise, mais aussi chaque fidèle y mettait la main, et y donnait tel ordre et tel ornement que bon lui semblait. Cependant, parmi ce grand nombre, on en trouve quelques-uns qui se sont distingués, soit par leur exactitude, soit par la grandeur de leur travail. Tel fut, au commencement du septième siècle, Céraune, évêque de Paris, que Wharnaire égale à Eusèbe de Césarée, pour avoir, par un sentiment de respect et d'amour pour la religion, fait un recueil des Actes des Martyrs, et l'avoir donné à son peuple. Le même auteur déclare, dans l'histoire du martyre de saint Didier (1), évêque de Langres, et dans celle des six fameux Martyrs de cette ville, qu'il n'a entrepris l'une et l'autre, qu'à la prière, ou plutôt par l'ordre de l'évêque Céraune. Au neuvième siècle, Anastase le bibliothécaire entreprit, à la persuasion de Pierre, évêque de Gavi, de traduire de grec en latin, quelques Actes de Martyrs, comme on l'apprend des diverses préfaces de ces Actes, qui ayant été tirées de la bibliothèque du Mont-Cassin, par Mabillon et Germain, font partie du premier tome du Musée italique ; l'une de ces préfaces fait Sophrone, évêque

(1) Apud Sur. et Bolland. 17 januar.

vit

de Jérusalem, auteur des Actes de saint Cyr et de saint Jean. Au même siècle, Jean, diacre de l'Eglise romaine, fit aussi un recueil d'Actes, suivant le témoignage de l'évêque Gaudence (1). Il n'y eut pas jusqu'aux rois et aux empereurs, qui ne fissent gloire de voir leurs noms augustes à la tête de ces recueils. C'est ce qui paraît par l'inscription des Actes de saint Corneille et de saint Cyprien, qui porte qu'Hilduin, grand chancelier, les a recueillis par le commandement de l'empereur Lothaire, et par le titre de la vie de sainte Marie d'Egypte, que Jean, diacre, écripar l'ordre du roi Charles. Siméon Métaphraste se rendit célèbre au siècle suivant, selon la commune opinion, par une ample compilation qu'il fit de plusieurs Actes de Martyrs, qu'il ramassa de tous côtés avec beaucoup de soin, mais avec peu de choix, et moins encore de sincérité; et c'est avec justice qu'il s'est attiré la censure des savans, qui lui reprochent d'avoir rempli son ouvrage de faits incertains, d'avoir mêlé en beaucoup d'endroits le mensonge avec la vérité, et d'avoir mis des fables dont il était l'inventeur, à la place des anciens monumens qui s'étaient perdus. Nous ne dirons rien de l'auteur de la Légende dorée, ni de Pierre, surnommé de Natalibus, ni de George Wicel, ni d'autres semblables compilateurs, pour venir à Lipoman, évêque de Vérone, qui, dans le milieu du seizième siècle, publia les Vies des Saints, et les Actes des Martyrs, avec des notes séparées. Il donna aussi plusieurs textes grecs, que le cardinal Sirlet, Hervet, chanoine de Rheims, et quelques autres interprètes, ont traduits en latin. Le chartreux Surius parut quelque temps après; il retoucha l'ouvrage de tous ceux qui l'avaient précédé ; il lui donna une nouvelle forme; il l'augmenta de plusieurs manuscrits; il

(1) Gauden. Veliter. epist. ad Joan. 8.

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