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naire; soit pour venger l'injure qu'on fait aux Martyrs, et repousser la calomnie dont on prétend noircir l'Eglise, que saint Augustin appelle la Mère des Martyrs. Et afin d'éviter toute confusion, nous suivrons le même ordre qu'a suivi Dodwel : nous examinerons d'abord les objections générales qu'il propose, et descendant ensuite dans le détail, nous parcourrons avec lui chaque persécution en particulier.

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2. Objections générales de Dodwel.

« Dodwel nous objecte, en premier lieu, que si le nom »bre des Martyrs eût été aussi considérable que nous le prétendons, il eût été presque impossible que leurs noms se fussent perdus. Car comme, suivant le témoi» gnage de saint Cyprien (1), on en faisait mémoire tous » les ans, leurs noms étaient écrits dans les fastes de l'Eglise, afin qu'on pût célébrer leur fête selon le rang qu'ils avaient dans ces martyrologes. Au reste, ces sor»tes de registres étaient tenus avec beaucoup de soin et » d'exactitude, comme on peut le voir par les louanges » que ce saint évêque donne, dans une de ses lettres, » à un nommé Tertule, dont il prise extrêmement la dili» gence et l'application à s'acquitter de ce ministère (2). » Cette même lettre nous apprend que, tout occupé qu'il >> fût de ses fonctions épiscopales, il ne laissait pas de » donner ses soins pour tenir en bon ordre ces fastes sa» crés. Il est encore certain qu'on y écrivait les noms de tous ceux qui mourraient pour la foi; on ne faisait alors aucune différence des personnes. Les Martyrs d'une condition servile ou peu relevée, les enfans, les femmes

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(1) Ep. 39, edit. Oxon. (2) Ejusd. ed. Epist. 12.

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» les catéchumènes mêmes y avaient leur place, aussi bien » que les Martyrs d'une naissance illustre et d'une qualité distinguée; témoin ce jeune enfant qui souffrit avec » saint Romain; témoin encore sainte Félicité et sainte Blandine, toutes deux esclaves, et tant d'autres Martyrs » d'un nom obscur, que ni l'âge, ni l'état, ni le sexe » moins noble n'excluaient pas du rang d'honneur qu'on » donnait à tous ceux qui perdaient la vie pour Jésus» Christ, et dont les Actes et les noms ayant été recueil»lis avec un si grand soin, devaient être parvenus jusqu'aux siècles suivans. De plus, le commerce continuel » que la charité entretenait entre les Eglises, faisait passer >> les noms des Martyrs dans les provinces étrangères, par » le moyen des lettres circulaires, dont quelques-unes sont venues jusqu'à nous, tant était grand, ajoute Dod» wel, l'application qu'avaient les premiers chrétiens, à » instruire la postérité de tout ce qui regardait les Mar» tyrs; de sorte que rien n'a dû échapper à sa connais

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sance.

>> Jetons maintenant les yeux, contenue ce savant Anglais, sur ce qui nous reste de ces sacrés monumens ; >> consultons les anciens auteurs, qui avaient encore entre » les mains les mémoires que nous n'avons plus, combien " y trouverons-nous peu de Martyrs? Le calendrier de Bu» chérius fut fait au quatrième siècle, et à peine y trouve» t-on, dans chaque mois, trois ou quatre Martyrs; et plus les martyrologes remontent vers les premiers temps » de l'Eglise, plus ils sont succincts. Les homélies que >>> les saints Pères prononçaient aux solennités des Martyrs, en contiennent un très-petit nombre : Eusèbe en recon» naît peu, soit dans son livre des Martyrs de la Pales» tine, qui nous reste, soit dans son recueil des anciens Martyrs, que nous avons perdu, et dont il nous apprend » quelque chose dans son histoire ecclésiastique. Le Livre

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» des couronnes, que Prudence avait exprès composé à la gloire des Martyrs, n'en fait pas un grand dénombre» ment et Origène ne dit-il pas en termes formels, écrivant contre Celse, que le nombre de ceux qui ont versé >> leur sang pour Jésus-Christ, est très-peu considérable? » On trouve, outre cela, peu d'édits contre les chrétiens, » et avant Dioclétien l'on compte peu d'empereurs qui les » aient persécutés ouvertement, du moins si nous en croyons » deux témoins irréprochables, et nullement suspects; » Tertullien dans son apologétique, et Lactance dans l'ou>> vrage admirable qu'il a laissé de la mort des persécu

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teurs. On sait même que la plupart des empereurs qui » passent pour les ennemis déclarés de l'Eglise, étaient » des princes d'un esprit paisible, et dont les inclinations » étaient assez portées à la douceur, et que pour les au» tres, ils étaient amis des chrétiens; ils les protégeaient » hautement, et pourvoyaient à leur sûreté par des rescrits >> et des ordonnances. Il y a apparence que les gouverneurs des provinces n'étaient pas fort cruels, sous des >> empereurs, si moderés, et l'on peut croire que ces pre>> miers officiers de l'empire aimaient à faire leur cour à » leurs maîtres, en imitant leur clémence. Saint Ambroise » nous en assure, dans une de ses lettres (1): Je sais, dit-il, que plusieurs magistrats païens se sont vantés » d'avoir rapporté à Rome les haches et les faisceaux de » leur magistrature, sans les avoir trempés dans le sang.» Voilà un abrégé des objections de Dodwel; il faut maintenant répondre à chacune en particulier.

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(1) Epist. 68.

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3. Réponse aux objections de Dodwel.

Je réponds donc premièrement, que Dodwel ne saurait tirer aucun avantage contre nous, des calendriers anciens, s'il ne nous en produit un qui contienne lui seul les noms de tous les Martyrs qui ont jamais été reconnus pour tels dans tout le monde chrétien, ou, ce qui revient au même, s'il ne nous représente le calendrier de chaque Eglise en particulier, afin que de tous ces différens calendriers, on en forme un d'où l'on puisse extraire au juste le nombre des Martyrs, et connaître par-là, s'il y en a peu, comme le prétendent nos adversaires, ou beaucoup, comme les catholiques le croient. « Mais, répond Dodwel, vous ne » pouvez nier que le calendrier de Buchérius, que je pro» duis, ne soit du moins une preuve manifeste du peu de Martyrs de l'Eglise d'Occident, c'est-à-dire, de l'Eglise » latine, et peut ainsi suppléer à ce qui manque au re»cueil d'Eusèbe, qui ne nous a rien donné des Martyrs » de cette Eglise ; car il faut remarquer, continue-t-il, » que ce calendrier ne parle pas seulement des Martyrs d'Italie, mais de ceux des autres provinces de l'Occident; et cependant ils ne font tous ensemble qu'un trèspetit nombre de Martyrs. » Mais j'en appelle de Dodwel à Dodwel même croit-il de bonne foi que dans tout l'Occident il n'y ait jamais eu aucun autre Martyr que ceux qui sont compris dans ce calendrier de Buchérius, et que l'Orient n'en reconnaisse point, hors ceux dont Eusèbe a fait le catalogue? Je ne puis comprendre comment un homme qui sans doute ne passera jamais pour étranger dans l'histoire ecclésiastique, se soit de lui-même renfermé si mal à propos dans un défilé d'où il lui sera si difficile de se dégager.

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Nous lui soutenons donc que ce calendrier unique qu'il emploie pour fortifier son opinion, ne peut lui être d'au

cun usage. 1o Parce que chaque Eglise particulière avait son calendrier, qui lui était propre, et tout différent de celui des autres Eglises, dans lequel il était très-rare qu'on écrivit le nom de quelqu'autre Martyr étranger, quand même il eût été d'une Eglise voisine. Tel est le calendrier romain de Buchérius. 2o Il s'en fallait beaucoup que l'on écrivit dans ces calendriers, le nom de tous ceux qui souffraient le martyre dans la ville ou dans la province où était cette Eglise particulière. 3° On doit conclure de ces deux premiers chefs, qué plusieurs Martyrs qui nous sont maintenant inconnus, ou qui nous paraissent douteux parce qu'ils nous viennent d'un endroit suspect, serait reconnus de nous aujourd'hui sans aucune difficulté, si nous avions les calendriers de toutes les Eglises particulières. Examinons ces trois points, en peu de mots.

4. Chaque Église avait son calendrier.

De tous les calendriers qui ont précédé les martyrologes ordinaires, il n'y en a que deux qui soient venus jusqu'à nous. Le premier est celui de Buchérius, qui a été fait à Rome, au quatrième siècle, sous le pontificat de Libère. Le second est celui de Carthage, qui fut dressé et rendu public au cinquième siècle. Or, il est évident qui ni l'un ni l'autre n'a été écrit pour toute l'Eglise d'Occident. Car, pour celui de Buchérius, il est tellement propre à l'Eglise de Rome, que lorsqu'il fait mention de saint Cyprien, il ajoute aussitôt l'endroit de Rome où la fête de ce saint évêque se célébrait d'où il est aisé de conclure que ce calendrier ne contenait que les noms des Martyrs dont la solennité se faisait dans les Eglises et les titres de cette ville. Mais ce qui doit mettre la chose hors de doute, c'est que ce même calendrier ne contient que le nom des évêques de Rome, et ne dit pas un mot des évêques

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