Images de page
PDF
ePub

་་

d'Eusèbe. Il y dit formellement que, sous Domitien, plusieurs chrétiens endurèrent le martyre....... que de ce nombre fut Domitille qui, avec beaucoup d'autres, fut envoyée en exil. Et sans doute la considération du sexe et les égards qu'on eut pour la naissance de ces personnes, adoucit leur peine. Mais pour ceux que rien ne distinguait dans le monde, on doit dire, ou qu'ils périrent par divers supplices, ou qu'ils furent dépouillés de tous leurs biens, ou qu'un bannissement honteux fut leur partage. Et ce n'est nullement là une simple conjecture, puisque Dion le rapporte ainsi, en termes exprès. « La même an» née, dit cet auteur, Domitien fit mourir plusieurs chré» tiens, et entre autr'autres le consul Flavius Clémens, » quoiqu'il fût oncle de l'empereur, et qu'il eût épousé » Flavie Domitille, sa parente très-proche, l'un et l'autre » ayant été accusés du crime d'impiété. Ce crime fit périr » un très-grand nombre de ceux qui abandonnant l'an» cienne religion des Romains, avaient embrassé celle des » Juifs (car les païens appelaient les chrétiens, des gens >> convaincus de judaïsme, d'athéisme et d'impiété). L'em» pereur eut quelqu'égard pour Domitille; il se contenta » de l'exiler dans l'île Pandataire : mais pour Glabrion, » prévenu du même crime, il fut tué par l'ordre de Domitien, quoiqu'il eût été le collègue de Trajan, dans une des plus considérables magistratures de l'empire. Ainsi on peut dire, avec Tertullien, que cet empereur éprouva la constance des chrétiens par le fer et par l'exil : ainsi l'on peut recevoir sans scrupule les monumens qui nous dépeignent le combat et la mort de quelques Martyrs, qui furent couronnés durant la persécution de Domitien.

[ocr errors]
[ocr errors]

Les édits de Domitien ayant été cassés par l'autorité de Nerva et par un décret du sénat, l'Eglise commença à jouir, avec tout l'empire, du calme qui, sous ce nouvel empereur, succéda à tant d'orages. Dodwel veut qu'il n'ait point

été interrompu jusqu'au règne de Dèce, et que durant tout ce long intervalle, hors quelques persécutions particulières et locales, les chrétiens eurent toute liberté de professer leur religion, et même de l'étendre et de se multiplier. Mais quoiqu'il soit vrai que les persécutions ne se soient pas de telle sorte répandues par toute la terre, qu'il ne se soit passé aucun jour, et peut-être aucune année sans qu'il y ait eu beaucoup de sang répandu, il n'est pas moins vrai qu'elles ont été très-fréquentes depuis le règne de Domitien jusqu'à celui de Dèce, mais seulement locales, et souvent renfermées dans un canton ou dans une province; soit que la mauvaise disposition des gouverneurs, et leur génie porté à la cruauté, les y excitassent; soit que cela arrivât par une subite émotion du peuple, ou à l'instigation des prêtres des faux dieux; soit enfin que le prince même y eût part. Nous ferons voir, en un mot, qu'il y en a eu que des édits publics ont autorisées, et qui ont ôté la vie à beaucoup de Martyrs.

3. Persécution sous Trajan.

Nous commencerons par Trajan, qui succéda à Nerva. Dodwel avoue que ce prince fit mourir saint Ignace d'Antioche, et Rufus, et Zosime de Philippes; mais que la persécution s'arrêta là, et qu'elle se contenta, du moins dans la Syrie, du sang de ces trois Martyrs. Ce qu'il prétend prouver par la lettre que saint Polycarpe écrivit aux chrétiens qui demeuraient à Philippes, dans laquelle il nomme ces trois Saints. Il y a de l'apparence, dit Dodwel, que si d'autres eussent souffert le martyre, ce saint évêque n'eût pas manqué de les nommer aussi. Mais comment un homme si éclairé n'a-t-il pas pris garde que cette même lettre parle positivement d'autres Martyrs (1) « Je vous ex

(1) Euseb. 1. 3. Hist. c. 36.

་་

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» horte, dit ce saint évêque de Smyrne, je vous conjure » d'obéir avec amour à vos supérieurs : exercez-vous à la patience, à cette vertu dont vous venez d'avoir de si beaux » exemples, non-seulement dans Ignace, dans Zosime et » dans Rufus, mais encore dans vos autres citoyens..... La version d'Ussérius porte : « Ceux d'entre vous qui, ayant > souffert avec le Seigneur, sont allés au lieu qu'il leur a marqué, pour y recevoir la récompense qui leur est » due. » Les Actes de saint Ignace qu'on vient de citer, sont tout-à-fait favorables à notre opinion. On y lit, que « la seule grâce qu'on pouvait espérer de Trajan, était » de choisir entre mourir ou sacrifier. » Sur quoi Eusèbe remarque que ce procédé de l'empereur excita une persécution particulière dans chaque ville, où le peuple, autorisé par l'exemple du prince, s'animait contre les chrétiens, et aimait à tremper ses mains dans leur sang (1). « C'est » ainsi que saint Siméon, évêque de Jérusalem, après >> avoir confessé Jésus-Christ avec une constance admirable, fut enfin attaché à une croix, par un jugement >> rendu contre lui. » C'est dans ce temps de cruauté et de persécution, que l'auteur de la chronique pascale ou d'Alexandrie, fait arriver la mort de saint Marc. « Saint Marc, » dit-il, évêque d'Alexandrie, ayant été pris et lié par » des Bucoliens (2), fut traîné hors la ville, dans un lieu » nommé les Anges, où il fut brûlé, le premier jour du >> mois Pharmuthi, et finit ainsi sa vie par le martyre. » C'est encore sous cet empereur que les habitans d'une ville de Bithinie qui était toute chrétienne, vinrent se présenter devant le tribunal du gouverneur, lequel étonné de leur nombre, en envoya quelques-uns au supplice, et renvoya les

"

(1) L. 3, C. 33. (2) Une espèce de valets de sacrificateurs, qui avaient soin de conduire à l'autel les taureaux qu'on y devait sacrifier.

autres, en leur disant : misérables, si vous avez une si grande envie de mourir, vous avez des cordes et des précipices. Ce serait ici le lieu de rapporter la relation que Tibérien, gouverneur de la première Palestine, envoya à Trajan, où il avoue ingénûment à l'empereur, que dans le désir qu'il a de satisfaire à ses ordres, il s'est plusieurs fois lassé à tourmenter les chrétiens, et à les faire mourir. Il est vrai que les savans doutent de la vérité de cette pièce. Mais nous avons, dans la lettre de Pline au même empereur, un témoignage de cette persécution, qui ne peut être ni plus certain, ni moins suspect. Plusieurs chrétiens de son gouvernement ayant été dénoncés à son tribunal, il se les fit amener; mais considérant cette multitude composée de personnes de tout sexe, de tout âge et de toute condition, qui n'attendait que le moment d'être envoyée au supplice, il en fut effrayé ; et se contentant d'en condamner quelques-uns, et repoussant les autres de son tribunal, il écrivit à Trajan, pour le consulter touchant la manière dont il devait traiter ceux qu'il n'avait pas voulu condamner (1). L'empereur approuva la conduite de Pline; il loua l'ordre qu'il avait gardé dans l'instruction de cette affaire, et il lui répondit enfin, qu'il fallait cesser les poursuites contre les chrétiens, mais qu'on devait punir ceux qui seraient dénoncés. Cette réponse fit gagner à plusieurs fidèles plus d'une fois la couronne du martyre; car elle donna aux peuples et aux juges une licence ouverte de dresser impunément des embûches aux chrétiens. Au reste, cette lettre de Pline nous apprend qu'il y avait un édit de Trajan, qui défendait toute sorte de société et d'assemblée (2).

(1) Tertull. Apol. c. 2. (2) Euseb. 1. 3, hist. c. 3.

[ocr errors][merged small]

La persécution d'Adrien est mise au quatrième rang par quelques-uns, et ne passe chez les autres que pour une suite de la troisième. Dodwel trouve le moyen d'accorder ces deux sentimens, en décidant qu'il n'y a eu sous ce prince aucune persécution. Il tâche d'appuyer sa décision sur un passage de l'apologie de saint Justin, où ce saint Martyr, pour porter l'empereur Antonin à donner la paix aux chrétiens, lui propose l'exemple d'Adrien. De quel front, dit Dodwel, aurait-il osé se servir du nom d'Adrien, si ce prince avait été un des persécuteurs de l'Eglise ? Mais, au contraire, il paraît que, supposé la persécution d'Adrien, l'argument de saint Justin a bien plus de force, si, en effet, cet empereur l'a fait enfin cesser. Car ce saint philosophe remontre à Antonin qu'il est de sa clémence de faire cesser le meurtre des chrétiens, après avoir reconnu leur innocence, à l'exemple d'Adrien, qui, après les avoir long-temps persécutés, détrompé enfin par les apologies que des philosophes chrétiens lui présentèrent, et par les remontrances de quelques gouverneurs de province, ordonna qu'on arrêtât les cruautés qu'on exerçait contr'eux. Et il est aisé de voir que saint Justin avait eu cette pensée, en composant son apologie, puisqu'il y a inséré un rescrit d'Adrien, adressé à Minutius Fundanus, par lequel l'empereur déclare que, déférant à l'avis qui lui a été donné par Sérénius Granien, prédécesseur de Minutius, il veut qu'on ne condamne point les chrétiens, qu'on n'ait auparavant observé dans l'instruction de leur procès, toutes les formalités prescrites par les lois. Dodwel répond, que ce rescrit peut marquer une persécution prête à éclater, mais non une persécution qui ait déjà fait quelque progrès. A quoi Eusèbe est entièrement contraire, car

« PrécédentContinuer »