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voici comme il parle de ce fait, dans son histoire (1). Sérénius, dit-il, remontrait à l'empereur, que c'était une » chose injuste de faire mourir les chrétiens sans qu'il leur » fût reproché aucun crime, mais uniquement pour plaire >> à une populace emportée, qui par des cris séditieux fai>> sait violence aux juges. A quoi l'empereur envoya son >> rescrit, qui portait, qu'à l'avenir on ne rendrait aucun jugement de mort contre les chrétiens, qu'après que le » crime dont ils seraient légitimement accusés, eût été » avéré. » Saint Justin nous fournit une autre preuve de cette persécution. C'est dans sa première apologie, où parlant de sa conversion, qui arriva sous l'empire d'Adrien, il nous fait comprendre que ce fut à l'occasion des Martyrs, qu'il vint à connaître la vérité de la religion chrétienne. « J'étais, dit-il, de la secte des Platoniciens, et j'entendais dire que les chrétiens, quoique leur vie fût >> très-innocente, succombaient tous les jours sous de fausses accusations: je les voyais marcher au supplice d'un ⚫ pas assuré, et affronter d'un air intrépide, ce qu'il y a » de plus terrible dans la nature; je disais en moi-même, qui est l'homme qui, étant amolli par la volupté, se » trouve assez de force et de courage pour courir volon» tairement à la mort, ou pour la recevoir sans émotion?.....» On ne doit pas croire non plus que la haine qu'Adrien avait pour les Juifs, le rendit plus favorable aux chrétiens, selon la plaisante imagination de Dodwel. Il est vrai que Barchochébas, chef des Juifs révoltés, fit mourir plusieurs chrétiens dans les tourmens, pour n'avoir pas voulu renoncer Jésus-Christ, ou pour avoir refusé de prendre les armes contre les Romains: mais, comme le dit fort judicieusement saint Justin (2), « les Juifs font la guerre aux

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(1) Hist. 1. 4, c. 8. (2) Justin. Epist. ad Diogn.

» chrétiens, les païens les persécutent, sans que ni les uns ni les autres sachent précisément ce qui les fait agir avec » tant d'emportement et si peu de justice. » Il n'y a pas plus d'apparence que cet empereur eût dessein de favoriser les chrétiens, en relevant les murs de Jérusalem, puisqu'au contraire, l'aversion qu'il avait pour eux lui inspira le dessein sacrilége d'abolir entièrement la mémoire des lieux sacrés, et d'en effacer les moindres traces, en y plaçant ses idoles. C'est le sentiment de saint Paulin, de saint Jérôme, de Sévère Sulpice, et de plusieurs autres écrivains ecclésiastiques (1), à l'autorité desquels Dodwel n'a pas la moindre autorité à opposer; il se contente de nous dire qu'Adrien n'avait aucune connaissance de la sainteté de ces lieux, et que les chrétiens se mettaient peu en peine d'en conserver la mémoire. Mais il vaut mieux en croire Origène (2), qui nous assure que long-temps même après Adrien, ces lieux consacrés par les grands mystères qui s'y sont opérés, n'étaient pas seulement en vénération aux chrétiens, mais aussi aux infidèles, qui respectaient la grotte de Bethleem comme un lieu que Jésus, Dieu des chrétiens, avait honoré par sa naissance : et pour ce qui regarde les chrétiens, Eusèbe écrit que, lorsqu'Alexandre fut fait évêque de Jérusalem, il y était venu de Cappadoce, pour visiter les saints lieux.

Il n'est pas moins certain qu'Adrien aimait à répandre le sang. Spartien dit que la cruauté lui était naturelle : Dion Cassius fait un dénombrement de ceux qu'il avait fait tuer; et quoique, selon Tertullien, il n'ait publié aucun édit contre les chrétiens, il était toutefois superstitieux jusqu'à l'excès, et il prenait soin de tous les sacrifices qui se fai

(1) Epist. Paulin. 31 ad Sever. ep. Hieron. 13 ad Paulin. Sever. Sulpic lib. 2. Hist sac. (2) Lib. 1 contra Cel.

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saient à Rome; il méprisa toutes les religions étrangères mais il exerça la charge de souverain-pontife, et fut sacrificateur du temple d'Eléusine (1). Ayant passé un hiver à Athènes, et s'y étant fait initier à tous les mystères de la Grèce, il permit aux païens de persécuter les chrétiens, et cette persécution, au rapport de saint Jérôme (2), fut trèssanglante. Cependant il reçut volontiers les apologies qui lui furent présentées par Aristide et Quadratus, philosophes chrétiens; il se laissa persuader par leur éloquence et il fit cesser la persécution.

Il résulte de tous ces faits, qu'on ne doit point rejeter les Martyrologes qui font mémoire des Martyrs qui ont souffert sous Adrien, auxquels nous ajouterons encore Marius, officier d'armée, qui perdit la vie, comme on croit, durant le règne de cet empereur, et comme on le lit dans une inscription trouvée au cimetière de Caliste (3), où il fut enterré parmi les larmes et la crainte de ceux qui lui rendaient ce pieux office, sans doute à cause de la persécution.

5. Persécutions locales, sous Antonin-le-Pieux.

Dodwel avoue que, sous le pieux Antonin, la persécution parcourut plusieurs villes de l'empire, et qu'elle y fit quelques Martyrs, au nombre desquels il met saint Polycarpe et douze Martyrs de Philadelphie; Justin et ceux dont son apologie fait mention; Lucius et quelques autres. Mais quoique nous soyons d'un sentiment contraire au sien, pour ce qui regarde le temps auquel ces Martyrs ont souffert, le nôtre étant qu'ils ont enduré la mort sous Marc-Aurèle, nous sommes d'accord avec lui pour ce qui concerne le nombre de ceux que la persécution d'Antonin a enlevés. Saint Justin

(1) Lepsina. (2) In Catalogo. (3) Romæ subterr. 1. 3 C. 22.

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y est formel, dans l'apologie qu'il présenta à cet empereur. «Tout notre crime, dit-il en adressant la parole aux juges, est de confesser que nous sommes chrétiens voilà uniquement ce que vous punissez en nous... Vous commencez par condamner ceux qui sont déférés à votre tribunal, et vous les envoyez au supplice avant que de connaître » s'ils l'ont mérité.... » Et plusieurs lignes après :

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« Nous

>> confessons nettement que nous sommes chrétiens, à la première demande que vous nous en faites, quoique nous » n'ignorions pas que la mort doit être aussitôt le prix de cette confession sincère. Si nous n'avions en vue que d'acquérir un royaume sur la terre, nous nous donne>> rions bien de garde d'avouer une chose qui doit surle-champ nous coûter la vie.... Si nous confessons Jésus>> Christ, ce n'est pas que nous y soyons forcés, et si nous » allons à la mort, c'est volontairement que nous y al»lons.... » Que ce soit, au reste, par des ordres exprès de l'empereur qu'on en ait usé ainsi envers les chrétiens, les dernières paroles de cette apologie le font assez connaître car voici comme son bienheureux auteur parle à Antonin même. « Ceux que vous condamnez à mort, n'ont

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jamais commis aucun crime : ils sont innocens; ne les >> traitez pas comme des coupables, ou comme des enne>> mis de votre empire; mais sachez que si vous persistez » dans votre injustice, vous n'éviterez pas le terrible jugement du Dieu vivant; c'est de sa part que nous vous l'annonçons. » D'ailleurs, il est clair que cette apologie ne fut pas présentée à Antonin au commencement de son règne, puisqu'outre que l'auteur y parle des Marcionites, dont l'hérésie n'avait pas encore alors éclaté, il marque expressément qu'il écrit la cent cinquantième année de Jésus-Christ, qui revient à la treizième d'Antonin. Le même auteur, dans son dialogue avec Tryphon, après avoir dit que les chrétiens viennent de perdre la vie pour n'avoir pas

voulu renoncer Jésus-Christ, ajoute, vers le milieu : « II paraît assez que rien n'est capable de nous faire changer » de religion, puisque nous aimons mieux être égorgés, » attachés à des croix, exposés aux bêtes, chargés de chaî»nes, brûlés à petit feu, en un mot, endurer toutes sortes » de supplices, que de donner la moindre marque d'une >> foi chancelante et douteuse.... et ensuite, on ne souffre » plus aucun chrétien sur la terre. » Tous ces passages de saint Justin s'accordent fort bien avec une ancienne inscription, trouvée au cimetière de Caliste (1). C'est l'épitaphe d'un Martyr nommé Alexandre, où on lit, que les temps furent si malheureux sous l'empire d'Antonin, que les cavernes les plus reculées et les antres les plus obscurs ne pouvaient servir d'asiles aux chrétiens contre la fureur des persécuteurs, et que l'on faisait un crime aux parens et aux amis, des devoirs que la nature ou l'amitié leur faisait rendre à ceux que la persécution immolait. Certainement si nous en croyons un auteur qui a écrit la vie d'Antonin, ce prince avait une si grande attache à ses dieux, qu'il leur offrait sans cesse des sacrifices; ce qu'il faisait toujours lui-même, à moins qu'il ne fût malade. Et si quelquefois il s'abstenait de répandre le sang des chrétiens, ce n'était que parce que les voyant courir à la mort avec la même joie que les autres courent à la victoire, il reconnaissait qu'il ne pouvait leur faire un plus grand plaisir que de les faire mourir. Enfin, ces persécutions locales se prouvent par un rescrit de cet empereur même, à plusieurs villes de son empire, auxquelles il défend d'inquiéter à l'avenir les chrétiens, voulant qu'on fasse cesser tout trouble et tout tumulte excité contr'eux, car ces émotions populaires n'allaient pas moins qu'à répandre le sang des fidèles, ce que le rescrit

(1) Romæ subterr. 1. 3, c. 22.

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