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chagrins des prospérités de l'état, et ennemis de la fortune des empereurs.

Au reste, il est certain que cette persécution dura plus de deux ans en Afrique, puisque, pendant tout le temps qu'elle y fut allumée, on y compte six gouverneurs (1), outre Minuce Timinien, dont il est parlé dans les Actes de sainte Perpétue. J'avoue que le feu n'en fut pas toujours égal; tantôt plus âpre et tantôt plus modéré, selon que les gouverneurs étaient portés à la cruauté ou à la douceur. La même persécution ne fut pas non plus de moindre durée dans l'Egypte, comme on peut facilement l'inférer de l'histoire d'Eusèbe (2). Car cet auteur nous apprend que la dixième année de Sévère, Léonide, père d'Origène, souffrit le martyre; que ce savant homme n'avait pour lors que dix-sept ans; que l'année suivante il fut chargé du soin d'enseigner la doctrine chrétienne aux catéchumènes; que quelque temps après il renonça à la profession de grammairien pour se donner tout entier à l'étude de l'Ecriture-sainte; qu'il vendit tous ses livres, moyennant seulement quatre oboles, que celui qui les acheta devait lui fournir chaque jour, pour sa nourriture. Il vécut ainsi plusieurs années, poursuit Eusèbe, en vrai philosophe.... « durant plusieurs années il marcha nu-pieds... » durant plusieurs années il s'abstint de boire du vin..........» Enfin Eusèbe, après avoir fait l'éloge de toutes les vertus d'Origène, poursuit de cette sorte : « sa vie étant donc un modèle exposé aux yeux des hommes, il y en eut plusieurs qui devinrent les imitateurs de sa vertu ; en » sorte que, parmi les gentils mêmes.... il s'en trouva qui » ayant été arrêtés, endurèrent généreusement le martyre. Plutarque fut le premier de ces heureux disciples..... »

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(1) Tertullien à Scapula. (2) Lib. 6, c. 1 et c. 2.

C'est ce qui nous a obligés de mettre leur mort environ vers l'année deux cent dix, parce que ce terme de plusieurs années, dont Eusèbe se sert tant de fois dans ce récit, ne peut se restreindre à un moindre nombre que de sept ou huit. Au reste, cette supputation s'accorde avec celle que fait Sulpice-Sévère, qui met trente-huit ans entre la persécution de Sévère et celle de Dèce. Or, Dèce n'étant monté sur le trône qu'en l'année deux cent quarante-neuf, il faut nécessairement prolonger lå persécution de Sévère jusqu'en l'an deux cent onze, qui fut la dernière de son règne.

8. Persécutions sous Antonin et Caracalla.

Elle ne finit pas, toutefois, avec sa vie, du moins dans quelques provinces de l'empire, s'il est vrai que l'avis de Tertullien à Scapula ait été écrit après la mort de cet empereur. Et certes il y parle en des termes qui font présumer que, non-seulement Sévère, mais aussi Caracalla son fils, ne régnaient déjà plus. « Le père (1) d'Antonin, dit-il au chap. 4, a eu quelque considération pour les chrétiens.... » Et plus bas : « Sévère apprenant que quelques per» sonnes de qualité faisaient profession du christianisme, » il ne leur fit aucun mauvais traitement..... " Et auparavant il avait fait mention du proconsul Asper, que Dodwel lui-même avoue en avoir exercé la charge en Afrique, sous l'empire de Caracalla. Voici donc comme Tertullien parle, dans cet ouvrage, de la persécution qui paraissait être alors fort échauffée : « On ne nous voit point » trembler à la vue des tourmens, parce que nous n'avons embrassé la religion que nous professons, qu'à condition

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(1) Sévère.

T. XXIII

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« que nous serions toujours prêts à combattre contre vos injustes violences; c'est un engagement que nous avons pris en nous faisant chrétiens....... En effet, votre cruauté et notre patience se disputent tour à tour la victoire......» On apprend du même auteur, que la persécution se faisait aussi sentir dans les autres provinces, mais moins vivement qu'en Afrique; car on se contentait là d'égorger les chrétiens, et ici on les brûlait tout vifs. Et qu'on ne nous objecte pas que Caracalla, nourri d'un lait chrétien, comme parle Tertullien, n'avait garde de s'élever contre une religion qu'il avait sucée avec cette première nourriture. Car, outre que ce prince pouvait bien n'avoir aucune part à toutes les violences qu'on exercait alors, c'est qu'on ne se persuadera jamais que le plus infame de tous les hommes, et dont les mœurs étaient si éloignées de la pureté de celles des chrétiens, leur ait été favorable en considération de leur religion.

9. Héliogabale.

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On ne trouve plus d'empereur jusqu'à Maximin, qu'on puisse mettre au nombre des persécuteurs de l'Eglise, quoiqu'il y ait beaucoup d'apparence que, durant tout cet intervalle, elle n'ait pas été sans persécution ni sans Martyrs. Il est certain qu'Héliogabale, au rapport de Lampride, déclara nettement qu'il ne voulait point qu'on adorât, dans tout l'empire, d'autre dieu que lui, et qu'il fallait que les chrétiens abandonnassent là leur Dieu, et n'offrissent plus qu'à lui leurs vœux et leurs adorations. Dodwel conclut de là, qu'Héliogabale fit quelque distinction des chrétiens, et qu'il les considéra comme étant particulièrement à lui. Je ne comprends pas sur quoi l'on fonde cette conjecture, si l'on ne veut dire que les chrétiens, pour mériter les bonnes grâces de l'empereur, voulurent bien adorer le soleil.

10. Alexandre.

Pour Alexandre son successeur, personne ne peut ne pas convenir qu'il n'ait été très-favorable à notre religion, à moins qu'on ne veuille démentir toute l'antiquité, et il est sans doute surprenant qu'il se soit trouvé des auteurs qui aient donné à son règne un si grand nombre de Martyrs. Doit-on attribuer cette méprise à une prétendue cruauté des gouverneurs de province de ce temps-là, ou doit-on dire que quelques Martyrs qui avait souffert sous Sévère, aient été mis par mégarde sous Alexandre, qui portait aussi le nom de Sévère? Quoi qu'il en soit, le pape Caliste, qui mourut alors, est nommé entre les Martyrs, dans le calendrier de Buchérius.

11. Persécution sous Maximin.

Après qu'Alexandre eût été tué, Maximin qui lui succéda, renouvela la persécution contre les chrétiens, en haine de son prédécesseur, dont presque toute la maison, au rapport d'Eusèbe (1), avait embrassé le christianisme. Capitolin dit que Maximin fit mourir en diverses manières, les officiers et les domestiques d'Alexandre, et par conséquent plusieurs chrétiens. Cette persécution enleva à Origène deux de ses amis, Ambroise et Protectus, prêtres de Césarée dès qu'il eût appris qu'ils avaient été arrêtés, il leur adressa le livre qui a pour titre, Exhortation au Martyre, qu'il écrivit exprès pour eux. Au reste, quoique Maximin, si l'on en croit Eusèbe, n'en voulût qu'aux chefs des Eglises, la persécution ne laissa pas, dans quelques provinces, de s'étendre jusqu'aux simples fidèles.

(1) Lib. 6, hist., c. 28.

Nous apprenons d'une lettre de saint Firmilien (1), que Sérénien, gouverneur de Cappadoce, exerçait de grandes cruautés sur les chrétiens de sa province. Le pape saint Poncien, dont le calendrier de Buchérius fait mémoire aux ides d'août (2), fut emporté par cet horrible tourbillon, quoique, à la vérité, le catalogue des Papes, qui fut dressé sous le pontificat de Libère, fasse reléguer saint Poncien en Sardaigne, avec saint Hypolite, prêtre du clergé de Rome, et marque sa mort dans cette île, le 4 des calendes d'octobre (3). Anthère, successeur de Poncien, ne tint le siége qu'un mois; mais nous n'avons rien de certain touchant son martyre.

Cette persécution dura trois ans, c'est-à-dire tout le règne de Maximin, selon le témoignage de deux célèbres historiens (4) Dodwel, au contraire, ne la fait durer qu'un an, mais sans aucun fondement, comme le prouve trèsbien le savant père Pagi (5).

Cet empereur, au reste, a été si cruel, qu'on l'a nommé un Cyclope, un Busiris, un Sciron, un Phalaris, un Gygès, un Thyphon : Rome et le sénat firent des prières publiques pour demander au Ciel que ce détestable tyran ne revît jamais le capitole (6). « Le bruit de ses cruautés inouies » venait sans cesse frapper les oreilles; on n'entendait » autre chose, par toute la ville, que le récit funeste des >> exécutions qu'il ordonnait : il faisait crucifier les uns, enfermer les autres dans le ventre des bêtes tuées frai>> chement ceux-ci étaient exposés aux lions et aux ours; ceux-là étaient assommés à coups de bâton, sans que

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ce monstre eût aucun égard, ni à rang, ni à mérite;

(1) Inter Cypr. 75. (2) Le 13. (3) Le 28 septembre.

(4) Eus. 1. 6, c. 28. Ruf. 1. 6, c. 19. (5) Ad ann. 235 et 238. (6) Jul. Capitol.

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