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autres; comme le Conseil de Pierre de Fontaines donné par M. du Cange; le livre à la reine Blanche, que l'on croit être du même auteur ; les coutumes de Beauvoisis, composées par Philippe de Beaumanoir en 1285; la Somme rurale de Bouteiller; le grand Coutumier, composé sous le règne de Charles VI, et les décisions de Jean des Mares, que Brodeau a publiées avec les coutumes notoires. J'estime que les cahiers des coutumes dont on s'est servi aux rédactions solennelles, ont été dressés sur ces originaux : c'est pourquoi je crois devoir dire ce qu'ils contiennent. Les mots d'us et coutumes, fors et coutumes, franchises et priviléges, ne sont pas synonymes, comme on pourrait le juger. Le nom de coutumes signifie quelquefois les usages, et en ce sens est opposé à celui de fors, qui signifie les priviléges des communautés, et ce qui regarde le droit public. Quelquefois on oppose les coutumes aux us, et alors elles signifient les droits particuliers de chaque lieu, principalement les redevances envers les seigneurs, et les us signifient les maximes générales. Les franchises sont principalement les exemptions des droits de servitudes, comme des mains-mortes, ou des formariages, pour remettre des serfs dans le droit commun; et les priviléges sont des droits attribués à des personnes franches, outre ce qu'elles avaient de droit commun, comme le droit de commune et de banlieue, l'usage d'une forêt, l'attribution de causes à une certaine jurisdiction. Il se peut faire toutefois qu'en différens pays, ces mots d'us et coutumes, et les autres, aient été pris en des significations différentes; et je ne prétends point que l'on prenne à la rigueur mes définitions.

La matière de ces anciens originaux des coutumes sont principalement les nouveaux droits établis pendant les temps de désordre: premièrement, les droits du prince, du comte et des autres seigneurs, la jurisdiction des seigneurs et celle des communes, ensuite le droit des fiefs les censives, les bannalités, et les autres droits seigneu

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L'usage est un vieux sot qui gouverne le monde,

a dit Viennet.

2 Marca, hist. de Béarn. 1. 5, c. 24.

riaux, les gistes, les fournitures et les corvées que les communes devaient aux seigneurs ; la différence des gentilshommes et des gentil-femmes, d'avec les vilains francs1, ou serfs; le droit de guerre, le droit de duel et des champions. Ce que l'on Ꭹ voit le plus au long, sont les formalités de justice, et la procédure du temps, suivant le style de cour laye car ils ne manquaient jamais d'observer cette distinction, à cause de la jurisdiction ecclésiastique, qui était alors la plus étendue. Ainsi l'on voit que ceux qui ont rédigé ces coutumes, ont toujours supposé un autre droit, par lequel on se devait régler dans tout le reste, comme dans les matières de contrats et de successions, et n'ont prétendu marquer que ce qui dérogeait au droit commun. Je ne vois pas quel pouvait être ce droit commun, si ce n'était le droit romain. Aussi le citent-ils fréquemment sous le nom de lois, et de loi écrite. Bien qu'alors on écrivît presque tout en latin, ces coutumes ont été écrites en français, comme traitant de matières qui ne pouvaient être bien expliquées qu'en langue vulgaire, et qui devaient être entendues de tout le monde. On peut observer dans ces écrits les changemens de notre droit. Les plus anciens tiennent beaucoup de la dureté des lois des barbares. Il y est souvent parlé de plaies à sang, de mutilation de membres, d'amendes pour les forfaits, d'assurement ou sauvegarde, d'infraction de paix. Ce qui est écrit depuis trois cents ans approche plus du droit romain et de la jurisprudence d'aujourd'hui. On y voit des questions touchant les successions et les testamens, les mariages et les autres contrats, et beaucoup de formalités de procédure. Je me suis étendu sur ces anciens originaux, parce que des personnes très capables jugent que ce sont les meilleurs commentaires des coutud'autant qu'on y peut voir leur esprit et la suite de leur changement.

mes,

§ XXIII. Rédactions solennelles.

Tous ces écrits n'empêchaient pas que le droit coutu

1 Villani.

mier ne fût encore incertain, parce qu'ils étaient sans autorité, ou trop anciens, ou trop succincts; c'est pourquoi on jugea nécessaire de rédiger les coutumes par écrit, plus exactement et plus solennellement. Le dessein en fut formé sous le règne de Charles VII, qui, après avoir chassé les Anglais de toute la France, entreprit une réformation de toutes les parties de son état, et fit entre autres une grande ordonnance datée de Montil-les-Tours en 1453, dont le 123 article porte, que toutes les coutumes seraient écrites et accordées par les patriciens de chaque pays, puis examinées et autorisées par le grand conseil et par le parlement, et que toutes les coutumes ainsi rédigées et approuvées, seraient observées comme lois, sans qu'on en pût alléguer d'autres.

Dumoulin dit que le dessein était d'amasser toutes les coutumes ensemble pour n'en faire qu'une loi générale et que la rédaction de chaque coutume en particulier n'était que provisionnelle, afin que les peuples eussent quelque chose de certain pendant que l'on travaillerait à la réformation générale. C'était la meilleure voie qu'on pût tenir pour donner à la France de bonnes lois, et c'est celle que les anciens législateurs ont suivie. Platon' dit que, comme les états ont été formés de plusieurs familles jointes ensemble, les lois ont été composées des coutumes de ces familles, entre lesquelles quelque sage a choisi les plus raisonnables pour les rendre communes à tout l'état, abolissant quelque chose de particulier à chaque famille dans les matières moins importantes. On eût pu faire la même chose en France, considérant chaque petite province comme une famille à l'égard de ce grand état. C'est ce que Dumoulin dit que l'on voulait faire, lui qui le pouvait savoir par une tradition prochaine; et Philippe de Comines semble le prouver, lorsqu'il dit que le roi Louis XI désirait fort qu'en ce royaume on usât d'une coutume, d'un poids, d'une mesure, et que toutes les coutumes fussent mises en français dans un beau livre : ce sont ses termes. Il n'y a eu jusqu'à présent que la première partie

Livre 5 des lois.

2

2 En 1674, époque où écrivait Fleury. Depuis la révolution, le vœu de de Louis XI a été rempli.

de ce grand dessein exécutée, c'est-à-dire, la rédaction des coutumes, encore s'est-elle faite fort lentement, et n'a été achevée que plus de cent ans après la mort de Charles VII.

La plus ancienne est la rédaction de la coutume de Ponthieu, faite sous Charles VIII, et de son autorité en 1495. Il y en eut plusieurs sous Louis XII. Depuis l'an 1507 l'on continua à diverses reprises sous François Ier et sous Henri II, et il s'en trouva encore quelques-unes à rédiger sous Charles IX. Si l'on veut compter ces coutumes, on en trouvera jusques en 285, en y comprenant les coutumes locales, et celles des pays voisins, comme les Pays-Bas, où on les a rédigées, à l'imitation de la France; et ne comptant que les coutumes principales du royaume, on en trouvera bien 60, la plupart fort différentes.

On s'aperçut, vers l'an 1580, qu'il était arrivé beaucoup de changemens depuis les rédactions qui avaient été faites au commencement du même siècle, et qu'il y avait des omissions considérables, de sorte que l'on réforma plusieurs coutumes, comme celles de Paris, d'Orléans, d'Amiens; ce qui se fit avec les mêmes cérémonies que les premières rédactions.

Il est nécessaire, pour bien entendre les coutumes, de connaître ces cérémonies; quoique tout le monde les puisse voir dans les procès-verbaux, la lecture en est si ennuyeuse, que j'ai cru les devoir marquer ici. Premièremeut, le roi donnait des lettres patentes, en vertu desquelles on faisait assembler par députés les trois états de la province. Le résultat de la première assemblée était d'ordonner à tous les juges royaux, aux greffiers, à ceux qui l'avaient été, et aux maires et échevins des villes, d'envoyer les mémoires des coutumes, des usages et des styles qu'ils auraient vu pratiquer de tout temps. Les états choisissaient quelques notables en petit nombre, entre les mains de qui l'on remettait ces mémoires pour les mettre en ordre, et en composer un seul cahier. Ensuite on lisait ce cahier dans l'assemblée des états, pour examiner si les coutumes étaient telles qu'on les avait rédigées, pour en accorder les articles, ou les changer, s'il était besoin: enfin on les envoyait au parlement pour y être enregistrées. Cet

ordre est expliqué dans le procès-verbal de la coutume de Ponthieu, qui est, comme j'ai dit, la première rédigée, et qui le fut par des officiers des lieux. La plupart des autres ont été rédigées par des commissaires tirés du corps du parlement; c'est-à-dire, que ces commissaires ont présidé · à l'assemblée des états où se faisait la lecture des cahiers ; mais il ne faut pas croire qu'ils aient composé ces cahiers, ni qu'ils aient pu les corriger à loisir. C'était l'ouvrage des praticiens de chaque siége, qui sans doute avaient suivi les autres écrits plus anciens dont j'ai parlé. On ne doit point attendre de ces gens-là ni politesse, ni méthode; et il était impossible de penser à l'arrangement, ni au style, lorsqu'on lisait ces cahiers dans les assemblées: c'était bien assez d'y pouvoir établir les choses en substance, car on est toujours pressé 1 en ces rencontres. Il ne faut donc pas s'étonner si les coutumes sont rédigées avec si peu d'ordre, et d'un style si peu exact, quoique les commissaires dont on voit les noms en tête, aient été de grands personnages.

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Il ne me reste qu'à parler des ordonnances. Nous n'appelons ainsi que celles des rois de la troisième race: les autres sont plus connues sous le nom de capitulaires, et font partie de ce que j'appelle l'ancien droit français. Toutefois le nom d'ordonnance semble avoir pris son origine du réglement que Charlemagne faisait tous les ans pour l'ordre de son état et de sa maison; car on a long-temps continué d'user de ce mot; et du temps de saint Louis on appelait encore ordonnance ce que l'on appelle aujourd'hui l'état de la maison du roi 2. Depuis, on l'a étendu à toutes les lettres patentes, par lesquelles le roi propose quelque loi générale; mais je n'en vois point de telle avant S. Louis. On ne nous rapporte de ses prédécesseurs, que des chartes, des priviléges et des réglemens particuliers en faveur des églises, des communes, des villes ou des universités. Mais

Les commissaires, dit un vieil auteur, les ont rédigées en poste, et ayant déjà un pied dans l'étrier.

Voy. not. de Ducange sur la vie de saint Louis.

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