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une prestation en argent; 4o la suppression d'un grand nombre de droits sur les traites et gabelles; 50 le reculement des barrières fiscales jusqu'aux frontières; 6o l'établissement d'un conseil des finances.

Ces articles, adoptés par le roi, devinrent l'objet d'au tant de déclarations..

Les notables s'étant séparés, le ministère s'adressa de nouveau au parlement pour l'enregistrement de deux édits bursaux portant établissement du timbre, et d'une subvention territoriale. Le parlement, dont l'esprit d'opposition allait toujours croissant, supplia le roi de lui faire communiquer les états de recette et de dépense. Ce vœu ne fut pas accueilli.

Cependant les embarras de la couronne augmentaient de jour en jour. Il y avait un déficit déclaré : on ne pouvait le combler qu'avec des contributions; et le parlement, trop fidèle organe des privilégiés, privilégié lui-même refusait obstinément d'enregistrer les édits qui devaient offrir, dans une égale répartition de l'impôt, un accroissement des revenus de l'état, en même temps qu'un adoucissement à la condition du peuple. Toujours plus hardis dans leurs moyens d'opposition, plusieurs membres du parlement, qui ne croyaient pas si bien dire, allèrent jusqu'à parler de la nécessité de convoquer les états-généraux, comme ayant seuls le pouvoir d'accorder les impôts. Ainsi la cour avait appelé les notables comme auxiliaires pour surmonter le parlement; et le parlement, à son tour, au risque de ce qui pouvait en arriver pour lui-même, faisait un appel aux états-généraux pour effrayer la cour.

On tient un lit de justice; les édits sont enregistrés en vertu d'ordres absolus; le parlement est ensuite exilé à Troyes. Bientôt après il est rappelé : on transige avec lui; il ne rejettera plus les impôts; mais le roi, comme de lui-même, retirera les nouveaux édits, et l'on se contentera de proroger l'ancien impôt du vingtième.

Une telle faiblesse n'était propre qu'à encourager les opposans. Deux nouveaux édits, dont l'un avait pour objet

1 Ainsi nommés, a-t-on dit plaisamment, parce que la justice *

dormait.

de rendre les droits de citoyen aux protestans, et l'autre concernait de nouveaux impôts, ayant encore éprouvé les mêmes refus, et nécessité le remède devenu trop fréquent d'un lit de justice pour forcer leur enregistrement, sans que la présence même du roi eût pu l'obtenir, le ministère résolut enfin de frapper un coup d'état.

On agita d'abord le projet de remplacer le parlement par une cour plénière..... Mais ce projet fut éventé et dénoncé par le fougueux Dépréménil au parlement, qui protesta avec vigueur contre son exécution.

Quelques exils furent prononcés... Alors le parlement rendit, les 3 et 5 mai 1788, un célèbre arrêt dont voici le texte même, tel que je l'ai copié de ma main sur la minute originale, aux archives judiciaires :

«La cour... considérant que ces mêmes entreprises (des ministres) ne peuvent avoir d'autre objet que de couvrir, s'il est possible, sans recourir aux états-généraux, les anciennes dissipations, par des moyens dont la cour ne serait pas le témoin sans en être l'obstacle...

« Considérant enfin que le système de la seule volonté, clairement exprimé dans les différentes réponses surprises audit seigneur roi, annonce de la part des ministres le funeste projet d'anéantir les principes de la monarchie, et ne laisse à la nation d'autre ressource qu'une déclaration précise par la cour, des maximes qu'elle est chargée de maintenir, et des sentimens qu'elle ne cessera de professer ;

« Déclare que la France est une monarchie gouvernée par le roi suivant les lois;

« Que de ces lois, plusieurs qui sont fondamentales1, embrassent et consacrent :

« Le droit de la maison régnante au trône, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion des filles et de leurs descendans 2;

« Le droit de la nation d'accorder librement les subsides

' Voyez la note, pages 133 et 134.

2 Ces derniers mots si essentiels, puisqu'ils sont l'expression de la loi salique, ont été omis par plusieurs historiens, notamment par M. Lacretelle. Hist. du 18e siècle, et par l'auteur de la Revue chronologique de l'hist. de France.

par l'organe des états-généraux régulièrement convoqués et composés ;

« Les coutumes et les capitulations des provinces ; l'inamovibilité des magistrats;

« Le droit des cours de vérifier dans chaque province les volontés du roi, et de n'en ordonner l'enregistrement qu'autant qu'elles sont conformes aux lois constitutives de la province, ainsi qu'aux lois fondamentales de l'état ;

« Le droit de chaque citoyen de n'être jamais traduit, en aucune manière, devant d'autres juges que ses juges naturels, qui sont ceux que la loi lui désigne ;

« Et le droit sans lequel tous les autres sont inutiles, celui de n'être arrêté, par quelque ordre que ce soit, que pour être remis sans délai entre les mains des juges compétens;

Proteste ladite cour contre toutes atteintes qui seraient portées aux principes ci-dessus exprimés...

Et, dans le cas où la force, en dispersant la cour, la réduirait à l'impuissance de maintenir par elle-même les principes contenus au présent arrêté, ladite cour déclare qu'elle en remet dès à présent le dépôt inviolable entre les mains du roi, de son auguste famille, des pairs du royaume, des états-généraux, et de chacun des ordres réunis ou séparés qui forment la nation. »

A la suite de cet arrêt (qui offre une remarquable conformité avec les principaux articles de la charte de 1814), plusieurs membres du parlement furent arrêtés de nuit au milieu de la grand' chambre par un corps de soldats suisses et autres troupes d'exception.

Pour calmer un peu les esprits, le roi, par une déclaration du 18 décembre 1787, annonça la convocation des états-généraux dans cinq ans; mais les événemens qui se pressaient ne permirent pas d'attendre ce délai. L'esprit de résistance et d'insurrection gagnait tous les ordres et tous les corps de l'état. Le Châtelet lui-même s'était exalté jusqu'à prendre, le 16 mai, à l'exemple du parlement, un arrêté contre les édits du 8, qui annonçaient l'établisse ment de la cour plénière. Le parlement de Rennes alla plus loin, en déclarant infames ceux qui entreraient dans cette cour. A cette occasion, huit parlemens furent, exilés ; l'anarchie était dans l'état...

Le 23 septembre 1788 parut l'édit du roi portant convocation des états-généraux.

Ils n'avaient pas été assemblés depuis 175 ans; les usages et les traditions étaient un peu effacés: un arrêt du conseil prescrivit des recherches sur les élections et la réunion des anciens états; et comme les notables se trouvaient alors assemblés pour la seconde fois, on les appela à délibérer : 1o sur la composition des états-généraux; 2o sur la forme des convocations; 3° sur l'ordre des élections; 4o sur la manière de régler la tenue des diverses assemblées qui devaient donner les instructions aux députés.

Poussé par ses destins, le parlement, qui ne voulait point paraître rester en arrière, rendit le 5 décembre, les pairs y séant, un arrêt par lequel il suppliait le roi de ne plus permettre aucun délai pour la tenue des états-généraux ; de déclarer et consacrer leur retour périodique, leur droit d'établir les impôts, l'égale répartition des charges et contributions publiques; la responsabilité des ministres, la liberté individuelle des citoyens, et la liberté légitime de la presse.

Ainsi, voilà qui est bien digne de remarque, et je prie le lecteur d'y réfléchir un instant: les corps les plus imprégnés d'aristocratie se prononcent avec instance et vivacité pour la convocation immédiate des états-généraux, et sont les premiers à demander au monarque des garanties constitutionnelles !

Ils seront satisfaits.

Le parlement, en enregistrant l'édit de convocation des états-généraux, du 20 septembre, l'avait enregistré avec la clause expresse qu'ils seraient assemblés selon la forme observée en 1614, c'est-à-dire les trois ordres votant séparément, et produisant trois votes collectifs, les députés de chaque ordre élus en nombre égal.

Cette condition était grave; tout allait dépendre de là : la seconde assemblée des notables, consultée sur cette difficulté, avait vu ses membres divisés d'opinion. Monsieur (depuis Louis XVIII), adoptant le parti le plus libéral, avait été d'avis que le tiers-état eût des représentans en nombre égal aux représentans réunis des deux ordres du

clergé et de la noblesse. Une ordonnance du roi, du 27 décembre, décida ainsi.

Le 5 mai 1789, les états-généraux s'ouvrent à Versailles. Bientôt ils s'intitulent assemblée nationale.

Le parlement conçoit alors des regrets; il entrevoit sa chute, il veut arrêter le torrent ; mais il est lui-même ent; traîné. D'abord mis en vacances par le décret du 3 novembre 1789, il fut définitivement supprimé avec tous les autres parlemens, et généralement tous les tribunaux d'ancienne création, par l'article 14 du décret des 16-24 août 1790.

Ainsi fut consommée la révolution au détriment de tous ceux qui l'avaient provoquée, et à l'avantage du peuple qui jusque-là ne s'en était point encore mêlé. La noblesse et le clergé s'étaient d'abord coalisés avec la cour contre le parlement, ensuite ils s'en étaient rapprochés; tous ensemble s'étaient ligués contre la cour; le gouvernement avait opposé les notables au parlement et aux privilégiés; le parlement en avait appelé aux états-généraux ; les étatsgénéraux abolirent le parlement bientôt aussi disparurent le clergé, la noblesse et la royauté ainsi fut vérifiée la prédiction d'Étienne Pasquier 1.

:

Disons-le cependant un peu plus tôt, un peu plus tard, par d'autres moyens, à la première occasion qui se serait offerte, la même révolution eût éclaté. Elle était prévue, prédite, inévitable. Elle ne fut pas l'œuvre d'un jour; elle était poussée par le poids, l'irrésistible poids des siècles précédens. Citons sur ce point une autorité irrécusable, celle du prince qui, après avoir vu s'ouvrir l'abîme de cette révolution, a conçu la glorieuse tâche de le fermer.

Le 26 décembre 1789, Monsieur (depuis Louis XVIII), se trouvant inculpé dans l'affaire de son ami le marquis de Favras, accusé des complots tendant à renverser les nouvelles institutions, se rendit à l'hôtel-de-ville:

« Messieurs ( dit le prince à l'assemblée générale des représentans de la commune), le désir de repousser une calomnie atroce m'appelle auprès de vous...... Vous

' Voyez ci-devant, page 143.

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