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On fit renaître les substitutions, bien qu'on les limitât à deux degrés. Déjà même on proposait de rétablir le droit d'aínesse, quand la pairie manifesta son opposition. Le projet de loi sur la presse, qu'on appela par dérision loi de justice et d'amour, fut également repoussé.

Une opposition de plus en plus vive se manifestait dans les corps de l'état et dans tous les esprits.

A la suite d'une revue, la garde nationale de Paris est licenciée et n'est pas réorganisée. Le trône se prive ainsi d'un immense appui!

La censure est rétablie.

Cependant il faut noter deux lois remarquables qui furent portées sous ce règne : la loi pour la répression de la traite des noirs et le code forestier 1.

M. de Martignac, qui en avait été le rapporteur, devint ministre. Son éloquence douce et persuasive, son caractère conciliant et modéré, causèrent une sorte de rémittence; des lois qu'on peut appeler de progrès furent proposées, la loi municipale et la loi départementale.

Mais à peine les rapports étaient faits, qu'une funeste question de priorité, suscitée par l'amour-propre doctrinaire dont la voix proclamait avec emphase, qu'il fallait commencer par la loi départementale, parce que la liberté ne vient pas d'en-bas mais bien d'en-haut (sorte de manne que personne n'a vue tomber!), cette question, dis-je, amena une déplorable collision avec le ministère.

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La droite, dirigée par le comte de La Bourdonnaye saisit habilement l'occasion, elle vota avec la gauche : fatal accord qui précipita le renvoi du ministère, et amena au pouvoir le prince de Polignac et ses amis.

Vainement l'adresse des 221 avertit la couronne en lui rappelant le principe qui sert de fondement au gouvernement représentatif. Cet avis, celui des colléges électoraux, qui réélurent les 221, tout fut méprisé.

Comme la charte avait été octroyée par un roi, on en conclut qu'apparemment un autre roi pouvait la révoquer. On prétendit en tous cas trouver dans l'art. 14 une sorte de dictature..... et les fatales ordonnances du 25 juillet

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1830 furent portées! Elles révoltèrent l'opinion : c'était un coup d'état contre la constitution dont les Français ne demandaient que le maintien. Charles X s'entêta. Il leva le drapeau de la révolte contre la charte, il fit soutenir ses ordonnances par la force des armes; il engagea le combat contre le peuple: et dans cette sédition du pouvoir contre les lois, le roi fut vaincu, détrôné, déporté avec tous les siens.

La nation restait sans gouvernement et sans chef. Le trône était vacant. Il fallait y pourvoir. La chambre des députés prit l'initiative, en présence et sous le contrôle de la nation attentive et du peuple armé !

S VII.

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Gouvernement fondé en juillet 1830..

La chambre des députés pourvut d'abord à ce qu'exigeait l'urgence des circonstances, 1o par la nomination d'une commission municipale, 2o par l'institution d'un lieutenant-général du royaume, comme centre d'action pendant l'intérim.

Elle se donna ainsi le loisir de déterminer avec plus de maturité les bases sur lesquelles le nouveau gouvernement serait établi.

La nécessité de proclamer la vacance du trône, afin de rompre tout lien d'hérédité et de succession prétendue légitime à la couronne fut reconnue avant tout; et l'on pensa qu'il ne suffirait pas de la constater comme un fait, résultant de l'absence de tous les membres de la branche aînée, mais qu'il fallait surtout la déclarer comme un droit, résultant de la violation de la charte, de la résistance héroïque apportée par le peuple à cette violation, et de la victoire qui avait couronné ses efforts.

Le préambule de la charte fut supprimé, non comme une rédaction qui ne serait qu'inutile, mais parce qu'il blessait la dignité nationale, en paraissant octroyer par gráce au peuple français des droits qui lui appartenaient essentiellement.

Du reste, la correction ou modification des divers articles de l'ancienne charte offrait peu d'embarras. Depuis quinze ans on souffrait des violations partielles de cette

charte; depuis quinze ans, on était en butte aux subterfuges et aux subtilités à l'aide desquels on avait successivement abusé, tantôt de son texte, tantôt de son esprit.

Le mal étant si bien connu, il fut facile d'y apporter remède, en supprimant, d'accord avec l'expérience, certaines dispositions tout-à-fait défectueuses, en effaçant les termes dont on avait abusé, enfin en suppléant les dispositions omises, et en complétant celles dont l'insuffisance s'était fait sentir.

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Parmi les changemens les plus notables, il faut coter la suppression de l'art. 6, qui déclarait que la religion catholique, apostolique et romaine était la religion de «<l'état. » La commission proposa ce changement à l'unanimité. Elle le fit avec maturité, avec réflexion. Sur dixhuit membres dont elle se composait, dix-sept étaient catholiques, un seul était protestant; tous étaient animés d'un sentiment religieux; mais hommes politiques en même temps que chrétiens, tous voulaient assurer la liberté de conscience, empêcher qu'un seul culte ne devint dominant, et prévenir toute invasion nouvelle du clergé dans les affaires de l'état. Il leur sembla que ce devait être une des maximes fondamentales du gouvernement de juillet 1.

Pour qu'il fût à jamais impossible d'abuser de l'art. 14, et d'y trouver un prétexte au pouvoir exécutif de s'ériger au-dessus des lois, on rédigea ainsi la fin de cet article : « Le roi... fait les réglemens et ordonnances nécessaires « pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais NI SUS« PENDRE les lois elles-mêmes, NI DISPENSER de leur exé

«cution 2. »

Les autres changemens portent l'empreinte du même esprit.

Certaines lois, qu'il n'était pas possible de rédiger à l'instant, furent promises; et cette promesse devint partie intégrante DES CONDITIONS sous lesquelles une autre dynasTIE serait APPELÉE à régner.

Je dis une autre dynastie; car si, de fait, le duc d'Or

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léans était de la famille des Bourbons, il ne fut pas appelé parce qu'il était Bourbon, ni en raison de ce qu'il était Bourbon, ni comme ayant à ce titre aucun droit présent ou éloigné à la couronne de France; mais il fut appelé quoique Bourbon, c'est-à-dire malgré les préventions qui étaient attachées à ce nom, et qui auraient atteint la branche cadette aussi bien que la branche aînée, si l'on n'avait pas su parfaitement que, loin de partager les préjugés de la branche régnante, le duc d'Orléans, par luimême, par les principes libéraux dont il avait toujours fait profession, et par l'éducation publique qu'il avait fait donner à ses fils, avait avec le corps de la nation française un fonds commun d'idées, de principes, d'intérêts et de sympathies ; et que son adhésion à la révolution de juillet, qui serait qualifiée d'usurpation par les partisans de la branche déchue, le rendrait irréconciliable avec eux et deviendrait le premier gage de sa fidélité à ses engage

mens.

C'est, je le répète, dans cet esprit qu'il fut appelé au trône par la déclaration du 7 août 1830. Ceux qui le nieraient aujourd'hui, n'y étaient pas, ou bien ils manqueraient de mémoire ou de bonne foi.

<< MOYENNANT l'acceptation de ces dispositions et propositions, porte la déclaration, la chambre des députés déclare que l'intérêt universel et pressant du peuple français appelle au trône S. A. R. Louis-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, lieutenant-général du royaume, et ses descendans à perpétuité de mâle en mâle, par ordre de primogéniture et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. »

«En conséquence S. A. R. sera invitée à accepter et jurer les clauses et engagemens ci-dessus énoncés, l'observation de la charte constitutionnelle et des modifications indiquées ; et, après l'avoir fait devant les chambres assemblées, à prendre le titre de roi des Français. »

Ce serment fut prêté le 9 août 1830, et le CONTrat fut formé.

Je dis le contrat fut formé, et c'est sur ce point capital que j'appelle l'attention du légiste, de l'avocat, du jurisconsulte, du citoyen intelligent et jaloux de son droit :

c'est le point de départ, le caractère principal de l'établissement fondé en juillet; c'est ce qui le sépare à une immense distance, et le distingue éminemment du gouvernement de la restauration.

La branche aînée, Louis XVIII, Charles X, son dauphin, les précepteurs mitrés du duc de Bordeaux, se fondaient sur ce qu'ils appelaient légitimité : ils se rattachaient, sine medio, au dernier roi ; ils niaient la révolution comme droit, ils auraient voulu en retrancher tous les effets : rois de France, comme d'un domaine, plutôt que rois des Français comme d'une nation, ne reconnaissant pas de droits absolus aux citoyens, si ce n'est autant qu'il leur · plaisait d'en octroyer la jouissance à leurs sujets et avec la faculté perpétuelle de la leur retirer.

Le contraire a lieu en juillet.

La nation est nation, le peuple est debout et vainqueur : Charles X n'est plus roi, et Louis-Philippe ne l'est pas

encore....

Il le sera!... mais à des conditions, et seulement s'il les accepte.

Après, et non pas avant, il sera roi. On lui prêtera serment à son tour; et le contrat sera formé par un consentement réciproque, et le peuple alors le saluera, par ses acclamations, roi des Français !

Voilà la base, la base large et puissante sur laquelle repose la royauté de juillet! C'est là sa légitimité nationale et vraie, la plus pure et la plus forte : toute autre origine qui lui serait assignée serait fausse et mesquine, et constituerait un mensonge envers la loi et le

pays.

Depuis le 9 août 1830, des lois importantes ont été portées, et principalement celles qu'avait promises la charte; par exemple :

'La plupart des lois dont M. Dupin fait l'énumération ont fait constitutionnellement partie du droit public belge, et doivent, au vœu de son pacte fondamental, être organisées dans un bref délai. Nous avons indiqué par des renvois à la constitution, les dispositions corrélatives qui en sont la source; plusieurs de ces lois importantes sont encore à désirer, et nous citerons celle sur l'organisation provinciale et communale, celle sur l'instruction publique, sur la responsabilité ministérielle et des agens du pouvoir, et d'autres dont le congrès, dans l'article final, a indiqué l'urgence; mais les travaux nombreux de la chambre et la foule

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