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Nota. Ces leçons ont été données oralement, sur simples notes; et en les rédigeant après coup, j'en ai seulement retenu la substance, en les dégageant des développemens et des explications qu'exige parfois l'enseignement, mais aussi en les fortifiant par des citations qui leur donnent plus de certitude et leur impriment plus d'autorité.

Un des publicistes sur lesquels je me suis appuyé le plus souvent est l'auteur de l'Essai sur la Charte, M. le comte de Lanjuinais, mon illustre maître en droit romain, dont les conseils m'ont été si souvent utiles dans la composition de mes ouvrages; car on n'interrogeait jamais sa science en vain. Que je puisse au moins ici payer à sa mémoire le faible tribut de ma reconnaissance! Ce ne sera point sortir de mon sujet, quand je parle de la justice et du droit. « Mon ami, me disait-il un jour, je n'ai jamais eu qu'un secret « pour me conduire dans la vie : dans chaque occasion difficile, je m'interrogeais avec sincérité, la main sur la conscience; et quand elle m'avait répondu, je me confor« mais à ses inspirations, sans jamais m'en laisser détourner: « c'est ainsi que je suis toujours resté Lanjuinais. »

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SUR

LA JUSTICE, LE DROIT

ET LES LOIS.

§ I. De la justice et du droit.

La justice est une vertu; elle donne son nom aux gens de bien : elle consiste dans une volonté ferme et constante de rendre à chacun le sien.

Le droit est l'art de la justice, c'est-à-dire l'art de distinguer ce qui est bon et juste de ce qui ne l'est pas, et c'est par la connaissance des lois qu'on y parvient.

Cette connaissance des lois se nomme jurisprudence, vaste science qui s'applique à tout ce que les lois ont pour objet de régler: aux choses divines aussi bien qu'aux choses humaines, à tous les droits, à tous les devoirs, à toutes les obligations, à tout ce qui sur la terre peut s'appeler juste ou injuste.

Ceux qui professent cette noble science s'appellent jurisconsultes, quand ils l'exercent avec élévation, avec conscience; quand ils ont le cœur droit, l'esprit juste, un caractère ferme, une ame indépendante.

Les lois sont de plusieurs espèces qu'il importe d'abord de distinguer.

Les premières de toutes sont les lois naturelles. On nomme ainsi ces règles primitives qui, étant également senties et reconnues par tous les hommes, même par ceux qui les violent, sont regardées avec raison comme gravées au fond de notre être par la main de son divin auteur. Dixitque semel nascentibus auctor Quidquid scire licet 1.

Ils n'étaient pas sans loi, ceux qui portaient écrite dans leur cœur celte loi divine dont parle saint Paul, qui, par le témoignage qu'elle

Il est, en effet, de premières notions du droit naturef que la raison seule découvre sans le secours de la science; il est des lois que nous savons et que nous n'avons jamais apprises; qui sont nées pour ainsi dire en nous et avec nous. Ces lois sont immuables; il n'est point donné à l'homme de s'y soustraire, ni de les changer.

Le droit naturel ne forme pas le droit de quelques hommes ou de certaines nations: c'est le droit de tous les hommes et de tous les peuples, en tout temps et en tous lieux. Mais si le droit naturel est ainsi la loi primitive et universelle; si, à ce titre, il est partie intégrante, nécessaire et indélébile de toutes les législations; il faut reconnaître aussi qu'il ne suffirait pas seul pour gouverner le monde et régler tous les intérêts. A côté des lois naturelles viennent donc se placer les lois positives, instituées par les législateurs humains, pour suppléer à l'insuffisance des premières ou pour leur servir de sanction.

Ces lois positives, que l'on nomme aussi arbitraires, parce qu'à la différence des lois naturelles, elles peuvent changer au gré du législateur selon l'occurrence des temps et le besoin variable des sociétés humaines; ces lois, dis-je, reçoivent différentes dénominations appropriées aux objets qu'elles ont en vue de régler.

Chaque nation a sa forme particulière de gouvernement, sa constitution écrite ou de fait, ses lois fondamentales, ou des coutumes qui en tiennent lieu. L'ensemble de ces lois forme, pour chaque peuple, chaque cité, son droit pu

blic intérieur.

Les nations ainsi constituées en présence les unes des autres, ont des rapports qui sont réglés, ou par le droit naturel, ou par les traités; la réunion de ces règles constitue le droit des nations, autrement dit le droit des gens jus gentium.

Chaque peuple renfermé dans son territoire, a ensuite des lois qui lui sont propres et qui règlent spécialement les rapports et les droits des citoyens; et la dénomination

leur rend, les accuse ou les défend. Qui ostendunt opus Legis scriptum in cordibus suis, testimonium reddente illis conscientiá ipsorum, et inter se invicem cogitationibus accusantibus aut etiam défendentibus. Epit. à Timot. II, 15. (V. le verset 14.)

de ces lois varie encore suivant l'objet auquel elles s'ap pliquent :

Lois politiques, qui organisent les pouvoirs, déterminent les compétences, règlent les droits publics des citoyens et leurs devoirs envers l'état ;

Lois civiles, qui règlent les intérêts privés, en tout ce qui concerne l'état des personnes, la possession des biens, l'exécution des contrats;

Lois de procédure, qui régularisent la marche des tribunaux, et la manière dont les citoyens peuvent agir les uns contre les autres dans la poursuite de leurs droits;

Lois criminelles, qui servent de sanction à toutes les autres, en punissant toutes les infractions, selon qu'elles prennent le titre de contraventions, de délits ou de crimes, soit contre les particuliers, soit contre l'état.

Les livres qui contiennent le recueil de ces diverses espèces de lois, reçoivent lé nom de codes. C'est ainsi que l'on dit, code civil, code de procédure, code pénal.

Je ne pousse pas plus loin cette énumération, et je passe à la définition même des lois.

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On trouve plusieurs définitions de la loi suivant le point de vue sous lequel on la considère.

Par rapport à ceux dont elle émane, si le gouvernement est despotique, la loi n'est autre chose que la volonté et le bon plaisir du prince. Tribonien a eu soin de le dire pour flatter les sultans du Bas-Empire : Quod principi placuit, legis habet vigorem 1.

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Dans les gouvernemens représentatifs « la loi est l'expression de la volonté générale 2, » parce que la nation entière est réputée vouloir tout ce qu'auront voulu constitutionnellement pour elle ses mandataires librement élus 3.

Sous ce point de vue, on peut encore dire avec le chan

INSTITUTES, § 6, De jure nat. gent. et civili. 'CONSTIT. de 1791, Déclar. des droits, art. 6. 3 Communis reipublicæ sponsio. L. 1, ff. De legibus.

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