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l'état. Le cardinal parvint néanmoins à lui en faire donner l'ordre par le roi, Le chancelier obéit '; mais en mettant sous le sceau cette protestation qu'il avait coutume d'employer en pareille occurrence : me non consentiente, sans mon consentement.

1

Je plie et ne romps pas, est presque toujours la règle de conduite des ministres : cependant on a vu des chanceliers aimer mieux rendre les sceaux que de les apposer à des actes évidemment illégitimes, et l'un d'eux refuser de les reprendre, après qu'on s'en était servi malgré lui pour cet usage, disant qu'ils étaient souillés.

Mais de tels exemples ont été bien rares, et c'est ce qui fait dire aux auteurs du livre intitulé Maximes du droit public français, t. 2, p. 324 : « Les chanceliers sont depuis long-temps des personnages fort complaisans : ils annoncent par leurs actions ce que le chancelier de Birague disait hautement de bouche, qu'ils sont chanceliers du roi de France, et non chanceliers du royaume de France. »

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Cependant, de nos jours encore, nous avons vu un garde des sceaux, en entrant en charge, avertir les magistrats que sa majesté lui avait remis les sceaux à condition de ne sceller que des lois et actes conformes à la charte constitutionnelle 2.

La loi du 27 novembre 1790 porte, article 31 : « L'office du chancelier de France est supprimé. » Je ne connais pas de loi qui l'ait formellement rétabli. Quoi qu'il en soit, le titre de chancelier de France a reparu, de fait, à l'époque de la restauration.

Cette dignité était autrefois inamovible.

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Très anciennement, dit un historien 3, « cette première dignité de l'ordre judiciaire n'était point considérée comme un ministère; c'était une magistrature nationale. Depuis long-temps le chancelier était élu, par scrutin, dans une

Il ne s'agissait en cette occasion que d'un acte du gouvernement; mais s'il eût été question d'un point fondamental, le devoir du chancelier eût été de rendre les sceaux, plutôt que de se réduire à une vaine protestation démentie par le fait.

2 Circulaire de M. Barbé-Marbois, du 2 octobre 1815. 3 Dufey, Vie de l'Hospital, tome 1er, page 24.

assemblée des principaux fonctionnaires des cours souveraines, réunie au Louvre, sous la présidence du roi. »

Mais, à côté des plus éminentes prérogatives, se trouvait une responsabilité sévère; et l'Hospital lui-même, dans une circonstance où il s'était écarté des règles relatives à l'enregistrement des lois par les cours souveraines, se vit sur le point d'être décrété d'ajournement personnel, pour venir rendre compte à la cour de l'infraction qui lui était reprochée '.

Aujourd'hui l'on peut croire que le chancelier est inamovible; car on a vu M. Dambray, d'abord ministre de la justice, quitter les sceaux et le portefeuille, et conserver toujours le titre de chancelier. En cette qualité, il présida la chambre des pairs, et je ne doute pas qu'à l'avenir cette union de la dignité de chancelier à celle de président de cette chambre n'affermisse de plus en plus le principe de cette inamovibilité.

C'est au chancelier que devrait aussi être réservé le droit de présider les sections réunies à la cour de cassation, et non au garde des sceaux, ministre révocable, auquel manque cette inamovibilité que la Charte assure aux magistrats comme première garantie de leur indépendance 2.

Le décret du 6 novembre 1789 a décidé que les signatures, contre-seings et sceaux seraient uniformes par tout le royaume.

La loi du 19 octobre 1791 a déterminé que le sceau dont le corps législatif se servirait désormais, porterait ces mots : la nation, la loi, le roi.

Une autre loi, du 6 octobre 1792, a ordonné que « les anciens sceaux de l'état seraient brisés et portés à la monnaie. »

Depuis, la forme du sceau et ses emblèmes ont changé avec les divers gouvernemens qui se sont succédé 3.

'Dufey, Vie de l'Hospital, tome 1er, page 143.

Cette opinion est partagée par M. Carré dans son grand ouvrage sur la compétence judiciaire, tome 1er, page 180, note 1.

3 Le sceau de Hugues Capet est le premier où l'on voie ce que nous appelons la main de justice. Il la tient de la main droite, et un globe de la gauche; il porte sur sa tête une couronne fleuronnée; il paraît dans ce

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Le contre-seing est encore une formalité employée pour prévenir les surprises.

Après que le roi a signé, l'un de ses officiers ayant caractère pour cette fonction, signe contre, c'est-à-dire auprès, afin d'attester que l'acte a réellement été signé par le roi. Ces mots, par le roi, précèdent ordinairement le contre-seing.

Charlemagne, qui ne savait pas écrire, faisait contresigner tous ses actes par son grand référendaire; lui et ses successeurs y apposaient leur signe et leur cachet : Cruce factá, dit la charte de Philippe Ier, de mars 1085.

La charte de Hugues Capet, de 987, sur les libertés et priviléges des églises, est signée de son fils Robert et de quatre de ses premiers officiers.

Les chartes du roi Robert, de 991 et 1025, sont contresignées du chancelier seul.

Le diplôme de Henri Ier, de 1031, ne porte que son signe, au moins sur la copie telle qu'elle a été conservée. Les lettres-patentes du même roi, d'octobre 1057, sont contre-signées par onze de ses officiers; le chancelier est le dernier.

La charte de Philippe Ier, de juillet 1061, est contresignée de deux personnes, et d'une troisième qui doit être le chancelier 1. Celle déjà citée, de 1085, porte les seings du sénéchal, du connétable, du boutillier et du chambrier; la signature du chancelier manque.

Les lettres de Louis-le-Gros, de décembre 1118, portent le signe du roi et le contre-seing du chancelier, avec la mention relegit et subscripsit.

La charte de la commune de Laon, de Louis-le-Gros (1128), est signée du roi et de son fils, et écrite de la main du chancelier:

La charte de 1134 est aussi de la main du chancelier, mais contre-signée de trois autres officiers de sa maison,

sceau avec des cheveux courts et une assez longue barbe fourchue : on lit à l'entour cette inscription: HUGO, Dei misericordia, Francorum rex. Le président Hénault, année 1107, prétend que ce monarque est le premier qui, pour autoriser ses chartes, les ait fait souscrire par ses

La charte de Louis-le-Jeune, de 1165, est contre-signée de quatre officiers; le seing du chancelier manque.

Celle de 1180 est de la main du chancelier et contresignéé de quatre autres.

Les lettres de Philippe-Auguste, de 1189, 1190, 1200, sont contre-signées de trois officiers de sa maison, la chancellerie étant vacante.

Dans ces premiers temps, on remarque, parmi les contre-signataires des actes royaux, les précepteurs des rois, et quelquefois même leurs confesseurs 1.

Dans l'ordonnance de saint Louis, 1262, il est fait mention de ceux par le conseil de qui elle a été rendue.

La formalité du contre-seing ne fut régularisée que quand le gouvernement lui-même fut constitué, c'est-àdire à partir du règne de Philippe-le-Bel, sous lequel le parlement fut rendu sédentaire.

Sous Louis XI (en 1481), il fut arrêté que le roi ne signerait rien qu'il ne le fit contre-signer par un secrétaire d'Etat; sans quoi on n'y aurait nul égard.

La même règle a dû être maintenue à l'époque où le gouvernement a été revêtu des formes constitutionnelles et représentatives. Alors, en effet, la formalité du contreseing n'a pas seulement été employée pour prévenir les surprises, mais pour assurer la responsabilité ministérielle.

La constitution de 1791 en a une disposition expresse; et dans la proclamation du 22 juin 1791, il est dit très expressément «< qu'aucun ordre du roi ne peut être exécuté s'il n'est contre-signé par les ministres, qui en demeurent responsables 2. »

Üne ordonnance royale du 8 février 1816, sur le contreseing des ordonnances et actes émanés de l'autorité royale, porte ce qui suit : « Louis, etc. Les ordonnances, réglemens et actes d'administration qui émanent de notre autorité royale, devant être revêtus du contre-seing de l'un de nos ministres secrétaires d'état, dans leurs attributions

grands-officiers; mais cette opinion semble contredite par les découvertes faites après lui. Voyez Dissertation sur la diplomatique, par Laporte Dutheil, er vol. du Recueil des chartes.

Hénault, Abrégé chron.

Coll. in-4o, tome 4, page 1288.

respectives, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Article 1er. En l'absence ou dans le cas d'empêchement de l'un de nos ministres secrétaires d'état, ainsi que dans le cas où nous n'aurions pas nommé à l'un des départemens du ministère, les actes de l'administration de ces départemens ne pourront être contre-signés que par celui de nos autres ministres secrétaires d'état que nous nommerons à cet effet. »

En résumé :

1o La signature du roi ne suffit pas le contre-seing d'un ministre responsable est toujours exigé.

2o Toutes les lois doivent être contre-signées par le chancelier ou garde des sceaux ayant le département de la justice il doit les contre-signer en même temps qu'il y appose le sceau de l'état.

3o Les simples ordonnances ou autres actes émanés de l'autorité royale ne sont ordinairement contre-signés que par le ministre sur le rapport duquel ils ont été rendus, comme intéressant spécialement son département, ou par celui des ministres que le roi aurait désigné à cet effet 1.

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Les lois sont terminées par une formule exécutoire qui contient mandement ou ordre aux différens fonctionnaires de les faire publier et enregistrer et d'en procurer l'exécution.

Autrefois, les lois étaient envoyées aux parlemens pour les enregistrer. Cet enregistrement n'était pas de pure forme; quelquefois il était refusé, d'autres fois accordé seulement avec modification, ou même accompagné de

remontrances.

Que ce droit ait été disputé aux parlemens, c'est ce qu'attestent les lettres de jussion, et ces lits de justice ainsi nommés, dit-on, parce que la justice y dormait.

Mais il n'en est pas moins avéré qu'à la longue, la véri

<< Aucun acte du roi ne peut avoir effet, s'il n'est contre-signé par un ministre, qui, par cela seul, s'en rend responsable. (Art. 64 de la constitution belge.) »

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