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codes, lois et réglemens d'administration puplique, avant leur insertion au bulletin des lois 3.

L'impression de ce bulletin est réservée exclusivement à l'imprimerie royale. (Ordonnance du 12 janvier 1820, art. 2.) «En conséquence, y est-il dit, art. 3, il est permis à tous imprimeurs ou libraires d'imprimer et de débiter les lois et ordonnances du royaume aussitôt après leur publication officielle au bulletin des lois.

Cependant ces défenses n'ont pas été maintenues à la rigueur; car on imprime tous les jours, dans le Moniteur et dans les autres journaux, ou dans des ouvrages particuliers, des décrets ou ordonnances qui n'ont pas été insérés préalablement au bulletin des lois ; c'est la faute du gouvernement qui, le premier, y a donné lieu, en négligeant de publier, par la voie du bulletin officiel, des actes dont cependant ses fonctionnaires exigeaient l'exécution.

Il eût mieux valu tenir rigoureusement au principe qui, comme nous le verrons plus tard, refuse toute force d'exécution aux lois et ordonnances tant qu'elles n'ont pas été promulguées dans les formes prescrites.

Avant de terminer ce paragraphe, nous ferons observer que le bulletin étant officiel, il en résulte la présomption légale que les lois et ordonnances sont telles qu'elles y sont insérées; en conséquence, s'il se trouve quelque différence entre le texte des autres éditions et celui du bulletin, c'est toujours au bulletin qu'il faut s'arrêter, comme étant seul obligatoire 2.

Cependant, comme l'exactitude du bulletin n'est fondée que sur une présomption qui doit nécessairement céder devant la preuve contraire, on est toujours recevable à articuler que l'édition du bulletin n'est pas conforme à la minute originale; seulement cette preuve est à la charge de celui qui articule le fait.

Ce que nous avons dit de la défense d'imprimer les lois avant leur insertion au bulletin ne peut pas s'appliquer aux

I Voyez, relativement au Bulletin officiel en Belgique, les arrêtés des 5 et 17 octobre, 16 et 27 novembre; 10 déc. 1830, et la loi du 19 septembre 1831 citée plus loin.

2 Avis du conseil d'état, du 7 janvier 1813, relatif au Recueil des lois françaises.

anciennes ordonnances, puisque malheureusement il n'existe pas de recueil officiel qui les renferme, et qu'on ne sait souvent où les prendre. Il serait cependant bien à désirer que toutes ces lois fussent imprimées, afin qu'on ne fût pas dans la pénible alternative, ou d'y être sujet en les ignorant, ou de n'y pouvoir trouver secours faute de savoir où les rencontrer.

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Au commencement de la révolution, on nomma une commission dite de l'envoi des lois, qui était spécialement chargée de les expédier aux diverses autorités.

Ensuite le ministre, et présentement le chancelier ou le garde des sceaux, ont été chargés de ce soin.

Un décret du 25 mai 1811 règle l'état de la distribution gratuite1 1 du bulletin des lois.

Cette distribution doit être faite principalement aux autorités dites constituées, c'est-à-dire aux administrations permanentes et aux tribunaux ordinaires institués par la loi.

Ce n'est pas qu'on n'envoie aussi les lois aux agens de toute espèce, quelque extraordinaires qu'ils soient ; mais ce n'est pas à ces agens que s'adresse la recommandation de les faire publier et enregistrer; cette publication et cet enregistrement n'appartiennent régulièrement qu'aux administrations locales et aux juges territoriaux.

Dumoulin fait une remarque semblable en parlant de la publication des ordonnances, qui devait avoir lieu, chaque année, à l'ouverture des parlemens: Ceci, dit-il, n'a pas été établi en faveur des gens d'affaires, mais en faveur du peuple, envers qui le prince a contracté l'engagement d'ériger des parlemens sédentaires, afin qu'il pût vivre en sûreté sous la protection d'une cour réglée; qu'il pût prendre plus de confiance aux juges qu'il aurait habituellement sous

'Depuis long-temps on force les communes à s'abonner au Bulletin des lois.

2 C'est ainsi qu'on envoyait aux tribunaux révolutionnaires les lois qui les conceruaient. Voyez décret du 13 septembre 1793 et les Prévôts!

ses yeux, et qu'il fût à couvert des vexations et des périls qu'il courrait avec des juges inconnus donnés par délégation extraordinaire à des commissaires 1, c'est-à-dire aux plus dangereux de tous les juges 2. »

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Il faut, dit le chancelier Bacon, que la loi avertisse avant que de frapper. Oportet ut lex moneat, priusquàm feriat.

De cet aphorisme dérivent deux règles que la raison seule indique et que les lois elles-mêmes ont consacrées : la première, qu'une loi n'est obligatoire que du jour qu'elle est connue; la seconde, que la loi n'est censée connue que du jour où ont été remplies les conditions requises par le législateur, pour que la notoriété en soit réputée constante et universelle.

On trouve ces maximes établies chez tous les peuples qui ont connu la civilisation.

Ouvrons la bible, nous y voyons que Dieu grava ses lois sur la pierre et les donna à Moïse pour qu'il les enseignât au peuple. Exod. xxiv. 12.

Il ordonna aussi à ce prophète de les publier devant le peuple assemblé, et de les déposer entre les mains des Lévites, qui tous les sept ans devaient en faire une nouvelle publication. (Deuter. xxx1. 9 et suiv.)

Dans le livre d'Esther nous lisons qu'Assuérus ayant rendu un édit pour que les maris fussent les maîtres chez eux, in domibus suis, et pour que les femmes rendissent à leurs époux l'honneur qu'elles leur doivent, deferant

'Hoc non statuitur favore pragmaticorum, sed totius populi, cujus præcipuè favore etiam per viam contractus icto fædere, erecta sunt et certis sedibus fixa parlamenta : ut subditi sub certâ ordinariâ juridictione, securiùs vivant, sub confidentiâ sincerioris justitiæ; tueanturque ab injuriis et periculis ignotorum judicum, et extraordinariarum quas vocant commissionum seu delegationum, quæ periculosissimæ sunt. (Stylus parlamenti, part. 3, tit. 1, § 6, Not. margin., tome 2, Operum, page 488, édition de 1681.)

Voyez dans les annales du barreau français, t. 10, 1re partie, affaire Ney, page 17, plusieurs citations curieuses sur les commissaires et les jugemens par commission.

maritis suis honorem, «envoya à toutes les provinces de ses états des lettres traduites en diverses langues, afin que chaque nation pût les lire et les entendre; avec ordre que cet édit fût publié parmi tous les peuples de sa domination. »

Chez les Abyssins les lois restaient constamment exposées aux regards du public dans l'auditoire du premier tribunal de chaque ville '.

Les Athéniens faisaient ordinairement graver leurs actes publics sur des colonnes de pierre ou d'airain 2.

A Rome, du temps de la république, les projets de loi étaient d'abord promulgués, afin que chaque citoyen pût en prendre connaissance, pour les approuver, les combattre, ou proposer des amendemens 3.

Quand la loi avait passé du côté du peuple, les consuls la faisaient graver sur des tables 4 qui restaient exposées à tous les regards, de sorte que personne ne pouvait les ignorer 5.

Les préteurs publiaient aussi avant leur entrée en charge l'édit suivant lequel ils se proposaient de juger pendant le cours de leur magistrature: cet édit était écrit in albo ; et il y avait des peines très sévères contre ceux qui se permettaient de l'effacer 6.

Les empereurs adoptèrent la méthode de faire graver

1 Statuta in majori urbis cujusque foro palàm et publicè exposita, quorum ad præscriptum ferri sententias oporteat : idcircò neque patronis, neque causidicis, neque cognitoribus, neque rabulis, neque ullis demum jurisperilis esse opus: si quid occurrat quod juxtà illas leges scriptas nequeat judicari, id boni viri committi arbitrio. (GODIGNUS, de Abyssinorum rebus, lib. 1, cap. 13, p. 80, édit. 1615, in-8°.

Apud Athenienses obtinuit ut haud rarò acta publica in columnas scriberentur, erantque hæ columnæ vel æreæ vel lapideæ. (POLLUCIS Onomasticon, lib. 8, cap. 6, not. 76, tom. 2, édition 1706, pag. 886.) 3 HEINNECC. antiq. rom. lib. 1, tom. 2, § 4.

4 Les lois des 12 Tables furent ainsi nommées parce qu'elles furent gravées sur douze tables d'airain. DENIS D'HALICARNASSE, antiq. rom., X, page 681. Ces tables étaient exposées près de la tribune aux harangues. TIT. LIV. III, 57. DIOD. SICIL. Bibl. XII, 26.

5 Voyez BRISSON, de formulis et solemnibus populi romani, et un opuscule de M. Berriat-Saint-Prix, intitulé: Recherches sur les divers modes de publication des lois, depuis les Romains jusqu'à nos jours. Paris, 1809; broch. in-8°.

6 5 Voyez le titre du digeste, de albo corrupto.

leurs lois sur des tables d'airain avant de les exposer aux yeux du peuple '.

Entr'autres reproches que l'histoire fait à Caligula, on remarque celui que lui adresse Suétone 2, d'avoir proposé une loi et de l'avoir fait graver en caractères si menus, et placer dans un endroit si resserré et dans un jour si défavorable, que personne ne pouvait lire ce qu'elle contenait 3.

Mais cet exemple est unique dans l'histoire du droit romain; et l'on trouve le principe de la nécessité d'une promulgation préalable des lois, clairement posé par l'empereur Anastase dans la loi 65 au code de decurionibus, où, en parlant d'une précédente ordonnance de Zénon, il dit qu'elle ne doit être exécutée que du jour de sa promulgation: ex die quo promulgata est, vires suas habere.

Si de l'empire des Césars nous passons à celui de Charlemagne, les capitulaires nous sont un témoignage du soin qu'il prit, ainsi que ses successeurs, de faire connaître et de promulguer des lois.

Aussitôt, dit Baluze, que les capitulaires avaient été rédigés par ordre de l'empereur, on en faisait la lecture dans l'assemblée de la nation, afin que chacun donnât son consentement à leur exécution. C'est ce que nous apprend le chapitre 19 du troisième capitulaire de l'an 803. «Il faut consulter le peuple sur les capitules qui ont été nouvellement ajoutés à la loi, et après que tous y auront aquiescé, ils certifieront par leurs signatures le consentement qu'ils auront donné à leur exécution. »

On faisait ensuite promulguer les lois.

Le soin de les publier dans les provinces ne regardait pas seulement les évêques et les comtes, il appartenait encore aux commissaires que le roi déléguait dans les dé

Ereis tabulis scripta per omnes civitates Italiæ proponatur. L. 1, Cod. Theod. de aliment. quæ inop. parent. Quod ut perpetua observatione firmetur (et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours), legem hanc incisam æreis tabulis jussimus publicare. L. 11, Cod. Theod. quæmad. muner, civil.

2

Proposuit quidem legem, sed et minutissimis litteris et angustissimo loco, uti ne cui describere liceret. SUET. in Calig., cap. 41.

3 M. Casimir Perrier a fait le même reproche aux ministres, au sujet des listes électorales qu'on avait fait afficher si baut, qu'on ne pouvait, disait-il, les lire qu'à l'aide d'échelles.

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