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partemens, sous le titre de missi dominici. L'instruction que Louis-le-Débonnaire donna, en 823, à ses commissaires, est ainsi conçue : Nous voulons qu'il soit connu de tout le monde que nous avons établi ces commissaires pour faire connaître à tous nos sujets les capitules en présence du peuple (coram populo), afin qu'ils soient connus de tous, et que personne ne puisse s'excuser sur ce qu'il les a ignorés. x

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L'édit donné à Crécy par Charles-le-Chauve, en 861, est terminé de cette manière : « Ainsi nous vous mandons de faire lire, connaître et observer dans notre palais, dans les villes, dans les assemblées et dans les marchés, la présente constitution, afin que personne ne s'en écarte par ignorance ou à dessein. »

Sous la troisième race, nous voyons nos rois apporter le même soin à assurer la promulgation de leurs lois.

En 1490, Charles VIII ordonne au parlement de Toulouse de faire relire et publier chaque annnée, à sa rentrée, les ordonnances de Charles VII, anno quolibet in parlamenti principio legantur et publicentur 1.

François Ier, par son édit du mois de novembre 1539, prescrit que «ses ordonnances seront attachées à un tableau, écrites sur du parchemin en grosses lettres, dans les seize quartiers de Paris et dans les faubourgs, aux lieux les plus éminens, afin que chacun puisse les connaître et les entendre fait toutes défenses de les ôter, à peine de punition corporelle, et ordonne aux commissaires de quartier de les prendre sous leur garde et d'y veiller. »

Jusqu'en 1789, dès qu'une ordonnance ou un édit étaient rendus, ils étaient aussitôt adressés aux parlemens pour qu'ils eussent à les enregistrer.

J'ai déjà parlé de l'importance de cette formalité.

Mais il n'est pas de règle salutaire dont le pouvoir n'ait essayé de s'affranchir toutes les fois qu'il a voulu devenir absolu.

C'est ainsi que le gouvernement impérial a plusieurs fois

'C'est sur cette ordonnance que porte la note de Dumoulin, ci-devant rapportée, page 315.

exigé l'exécution de décrets qu'il n'avait pas osé promulguer ouvertement.

Sous Henri III, on vit encore quelque chose de plus extraordinaire, une loi verbale!

Dans les Maximes du droit publié français, tome 2, page 325, le fait est ainsi raconté : « Le 21 mars 1580, Henri III mande deux présidens et deux conseillers du grand conseil pour entendre une déclaration qu'il voulait leur faire de sa volonté sur la nomination aux abbayes et prieurés électifs de moniales; les procès nés à ce sujet avaient été jugés diversement dans les parlemens, non assez informés de sa volonté. Pour cela il en a retenu la connaissance à son conseil privé, de laquelle voulant à présent le décharger, il les renvoie tous à son grand conseil, en interdisant la connaissance à tous autres juges et cours du royaume, moyennant la déclaration qu'il fait à sondit grand conseil de sa volonté, qu'il entend et commande être entièrement suivie de point en point, et, en ce faisant, que le possessoire desdits bénéfices soit adjugé..... Laquelle déclaration il aurait voulu faire entendre pour toute la compagnie de sondit grand conseil; auquel il enjoint expressément faire enregistrer ladite présente déclaration en un registre à part et séparé d'avec les autres expéditions qui se communiquent aux parties; n'ayant voulu, sadite majesté, pour certaines considérations, en faire ni publier autre édit et déclaration que la présente, qu'il veut être de tel effet, force et vertu, que s'il était passé par édit publié en son grand-conseil et par tous les parlemens de son royaume; déclarant nul tout ce qui serait ci-après fait par les gens de sondit grand-conseil au contraire de ladite déclaration, nonobstant quelconques édits et lettres à ce contraires. >>

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Sur quoi les courageux auteurs de l'ouvrage précité font la remarque suivante: « Jusqu'à présent on a rédigé les lois par écrit; dans cinquante ans, le roi n'annoncera plus ses volontés que par des déclarations verbales. On pré

Les lois ne se donnent pas à entendre, mais à lire, en les promulguant avec les solennités prescrites. Voyez dans mon plaidoyer pour Isambert, devant la cour royale, ma discussion sur certaine ordonnance inédite du 25 février 1822.

tendra qu'il en a le droit, parce qu'il est le maître, et que d'ailleurs, n'ayant pas moins d'autorité que ses prédécesseurs, il peut faire ce qu'a fait Henri III........... Voilà, peut-être, la forme de législation qui nous est réservée par la suite, si chaque souverain n'a d'autre règle à cet égard que sa volonté séduite! »

Heureusement que ce pronostic ne s'est pas vérifié. Les choses, au contraire, se sont améliorées en ce point. Mais avant d'arriver au dernier état de la législation, il faut en parcourir toutes les phases, et cela par une raison toute simple puisque les lois ne sont exécutoires que du jour de leur promulgation; il faut donc, avant d'appliquer une loi, savoir si elle était ou non devenue obligatoire à l'époque où se place l'affaire qu'il s'agit de régler. Pour cela, il faut connaître quel était le mode de promulgation usité au jour où chaque loi a été rendue. Continuons donc notre exposé; car, aujourd'hui même, on entend encore dans les tribunaux reprocher à certaines ordonnances de n'avoir point été reçues, et de n'être point exécutoires, faute d'avoir été enregistrées dans les parlemens, ou pour ne l'avoir été qu'avec modification. Exemple, l'ordonnance de 1629.

L'enregistrement dans les parlemens renfermait ordinairement la clause : «<< qu'à la diligence du procureur général, il en serait envoyé des copies dûment collationnées dans tous les bailliages et sénéchaussées du ressort, pour y être procédé à semblable lecture, publication et enregistrement, à la diligence des substituts du procureur général, qui en certifieraient la cour dans le mois. »

De là, la question de savoir si l'enregistrement et la publication d'une loi dans une cour souveraine suffisaient pour la rendre obligatoire dans tout le ressort de cette

cour.

Les avis étaient partagés sur ce point. Dans certains ressorts, la loi était censée promulguée, et elle devenait exécutoire pour tous les habitans du pays, du jour qu'elle avait été enregistrée par le parlement de la province. Dans d'autres ressorts, on ne regardait l'enregistrement dans les cours que comme le complément de la loi considérée en elle-même, et non comme sa promulgation ou sa pu

blication. On jugeait que la formation de la loi était consommée par l'enregistrement, mais qu'elle n'était promulguée que par l'envoi aux sénéchaussées et bailliages, et qu'elle n'était exécutoire dans chaque territoire, que du jour de la publication faite à l'audience par la sénéchaussée ou par le bailliage de ce territoire.

Cependant l'opinion la plus générale était que l'on devait à cet égard distinguer entre les lois dont l'exécution était purement passive de la part de ceux qu'elles gouvernaient (par exemple, les lois sur les impôts), et celles qui rélaient les actions, les contrats et les dispositions des hommes ; que les premières devaient avoir leur effet du jour de leur enregistrement dans les cours supérieures, quoique les tribunaux inférieurs qui devaient les faire exécuter dans leurs territoires respectifs, ne les eussent pas encore reçues: et que les secondes n'étaient obligatoires dans l'étendue de chaque bailliage ou sénéchaussée que du jour qu'elles y avaient été enregistrées et publiées.

C'est à ce second cas que se rapporte ce que dit Rodier sur l'art. 4 du tit. I de l'ordonnance de 1667 : « Il est de maxime qu'une loi doit être connue pour être exécutée. L'enregistrement fait dans les cours souveraines, dont le ressort est communément fort vaste, ne peut en donner une connaissance suffisante dans tout le ressort, à compter du jour de l'enregistrement au greffe de cette cour...; aussi est-ce du jour de la publication faite dans les bailliages sénéchaussées et judicatures royales, que les édits et ordonnances doivent être observés dans l'étendue de ces juridictions. C'est ainsi que M. le chancelier d'Aguesseau s'en est expliqué dans une lettre écrite à M. le procureurgénéral du parlement de Toulouse, du 7 février 1750`1. »

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Le premier décret qui ait changé l'ordre anciennement établi, est celui du 9 novembre 1789. Il voulut que les lois fussent désormais adressées par le ministre de la justice, non seulement aux parlemens et aux conseils supérieurs

On trouve en effet plusieurs arrêts qui l'ont ainsi jugé dans des espèces remarquables, qu'on peut consulter dans BARDET, tome 1er, liv. 3, chap. 16; DENISART, ou mot Édit, SALVIAT, Jurispr. du parlement_de Bordeaux, Question 13; et le RÉPERTOIRE DE JURISPRUDENCE, au mot Loi, Sv, no 2.

qui existaient alors, mais encore « à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités, et qu'elles fussent mises à exécution, dans le ressort de chaque tribunal, à compter du jour où les formalités de transcription sur le registre, publication et affiches, y auraient été remplies. »

Cependant l'auteur du répertoire de jurisprudence remarque que les transcriptions, publications et affiches qui, d'après ce décret, devaient se faire de l'autorité des corps administratifs et des municipalités, n'étaient que de pure solennité, et que les lois ne devenaient obligatoires pour les citoyens que par la transcription, la publication et l'affiche faites au tribunal de leur ressort.

Mais il paraît (ajoute-t-il) que ce décret n'a reçu aucune espèce d'exécution, quoiqu'il eût été accepté par le roi, scellé du sceau de l'état, et imprimé à l'imprimerie du gouvernement. Du moins, nous voyons que, pendant l'année qui l'a suivi, les décrets acceptés ou sanctionnés par le roi ont été promulgués, non comme l'ordonnait ce décret, sous le titre de lois, mais tantôt sous celui de lettres-patentes, tantôt sous celui de proclamation, tantôt sous celui de déclaration, tantôt enfin sous celui d'arrêt du conseil.

Des difficultés s'élevèrent à ce sujet, et elles donnèrent lieu à la loi du 25 novembre 1790, dont il importe de bien saisir les dispositions.

Cette loi est divisée en deux parties bien distinctes : l'une est rédigée en forme de déclaration, parce qu'elle ne se rapporte qu'aux décrets rendus et sanctionnés jusqu'alors; et c'est à l'égard seulement de ces décrets qu'elle établit en principe que la publication faite, soit par le tribunal, soit par l'administration d'un arrondissement, a suffi pour les rendre obligatoires pour tous les citoyens, dans toutes les communes de l'arrondissement.

La seconde partie est en forme de décret, parce qu'elle a pour objet les lois qui seront rendues à l'avenir.

Or, dans cette seconde partie, bien loin de vouloir que la publication faite au chef-lien judiciaire ou administratif d'un arrondissement soit, par cela seul, censée faite dans toutes les communes qui en dépendent, elle exige impé

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